Lotissement : l’article L. 442-11 du code de l’urbanisme tel qu’il résulte de la loi ALUR est conforme à la Constitution

La procédure permettant à la collectivité de mettre en concordance un cahier des charges de lotissement approuvé ou non, avec la réglementation locale d’urbanisme ne méconnaît ni le droit de propriété des colotis ni leur liberté contractuelle garantis par la Constitution.

L’autorité compétente peut, après enquête publique et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement et le cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non, pour les mettre en concordance avec le plan local d’urbanisme (PLU) ou le document d’urbanisme en tenant lieu intervenu après l’autorisation de lotir, au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l’application de l’ensemble des règles du document d’urbanisme (C. urb., art. L 442-11, dans sa rédaction issue de la loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014, Dalloz actualité, 31 mars 2014, obs. Y. Rouquet).

En permettant ainsi à l’autorité administrative de modifier, sans l’accord des colotis, les clauses de nature contractuelle d’un cahier des charges qui régissent les rapports de droit privé entre les colotis, cette disposition méconnaît-elle le droit de propriété et le droit au maintien des conventions légalement conclues ? Plus précisément, les mots « le cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non approuvé » sont-ils conformes à la Constitution ?

Le Conseil constitutionnel répond par l’affirmative car, juge-t-il :

  • en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter, dans le respect de la politique publique d’urbanisme, l’évolution des cahiers des charges pour favoriser la densification des quartiers de lotissements ; il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ;
  • la procédure est mise en œuvre par l’autorité administrative à la seule fin de mettre en conformité tout ou partie des clauses du cahier des charges – y compris celles relatives à l’affectation des parties communes – avec les règles du PLU. La procédure n’a donc ni pour objet, ni pour effet de modifier des clauses contractuelles qui intéressent les seuls colotis ;
  • la procédure est, d’une part, précédée d’une enquête publique assurant l’information des colotis et la possibilité pour eux de s’exprimer et, d’autre part, la mise en concordance ne peut avoir lieu qu’après délibération du conseil municipal ;
  • le juge administratif, s’il est saisi, vérifie la régularité de l’enquête publique et s’assure que les modifications apportées au cahier des charges n’ont eu qu’un objectif : la mise en concordance avec les règles du document d’urbanisme applicable.

Dans ces conditions, concluent les Sages, les mots « cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non approuvé » ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit.

À noter : L’article L. 442-11 du code de l’urbanisme vise la modification des documents du lotissement à l’initiative de l’autorité administrative, pour les mettre en concordance avec la réglementation locale d’urbanisme, y compris le cahier des charges, document contractuel régissant les rapports entre les colotis. La loi ALUR du 24 mars 2014 a retouché cet article, notamment pour y préciser qu’est susceptible de mise en concordance le cahier des charges : « qu’il soit approuvé ou non approuvé ». Est ainsi expressément visé le cahier des charges antérieur à 1978 (Décr. n° 77-860 du 26 juill. 1977), à l’époque où il faisait l’objet d’une approbation administrative et celui postérieur à cette date, qui a perdu son caractère administratif mais qui, malgré tout, peut toujours contenir des clauses réglementaires ou « urbanistiques ». Au fil du temps, ces clauses ont pu devenir obsolètes au regard de la réglementation locale d’urbanisme et constituer un frein à l’évolution des quartiers de lotissement car elles continuent à s’imposer aux colotis dans leurs rapports entre eux. L’article L. 442-11 permet justement à la collectivité de faire évoluer ces clauses pour les rendre conformes au PLU et ainsi, sécuriser les autorisations d’urbanisme délivrées dans les lotissements.

 

Cons. const. 13 juin 2025, n° 2025-1142 QPC

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