L’utilisation du formulaire de rétractation ne doit pas porter atteinte à l’intégrité du contrat conclu hors établissement

Dans un arrêt rendu le 20 décembre 2023, la première chambre civile précise que l’envoi d’un formulaire de rétractation ne peut pas porter atteinte à l’intégrité du contrat conclu hors établissement. Elle rappelle également que les restitutions ne peuvent pas, par elles-mêmes, constituer un préjudice réparable.

Le contentieux autour de l’acquisition et de l’installation de panneaux photovoltaïques par des consommateurs continue d’être abondant. Il est, à dire vrai, si commun qu’il donne l’occasion à la Cour de cassation d’être saisie de pourvois particulièrement intéressants sur les règles de droit de la consommation qui sont au cœur des litiges portés devant les juridictions du fond s’agissant de ces contrats, bien souvent, conclus hors établissement. L’arrêt rendu le 20 décembre 2023 permet, une nouvelle fois, de s’en assurer.

À l’origine du pourvoi, on retrouve un contrat conclu le 8 août 2017 entre un professionnel et un consommateur pour l’acquisition, l’installation et la mise en service de quatre panneaux photovoltaïques. L’installation comprend également des micro-onduleurs et un chauffe-eau pour un prix global de 10 800 € lequel est financé par un crédit conclu le même jour auprès d’une banque. Pour ce prêt, le consommateur a contracté avec son épouse. L’acquéreur et la co-emprunteuse considèrent que le bon de commande dressé par le professionnel est irrégulier et assignent ainsi ce dernier ainsi que l’établissement bancaire en nullité des deux contrats conclus. La pomme de la discorde provient, notamment, du formulaire de rétractation qui était, en l’espèce, au verso du bon de commande. Les consommateurs avancent ainsi que l’envoi d’un tel formulaire les empêche de conserver l’original du bon de commande signé. En cause d’appel, les juges du fond considèrent que tant le contrat de vente que le crédit doivent être annulés. Le professionnel est condamné à récupérer à ses frais les différents éléments installés, à remettre en état le bien et à payer la somme de 10 800 € au titre de dommages-intérêts (nous soulignons à dessein). Il l’est également à garantir le couple du montant prêté sous déduction des sommes versées au jour de l’arrêt d’appel. Le vendeur se pourvoit en cassation en reprochant à ce raisonnement plusieurs griefs tant sur la nullité ainsi prononcée que sur les dommages-intérêts.

La cassation opérée par l’arrêt du 20 décembre 2023 n’intervient que sur le second moyen. Nous allons examiner pourquoi.

Intégrité du contrat et formulaire de rétractation

La première chambre civile de la Cour de cassation utilise une motivation assez plurielle au point n° 6 de son arrêt en précisant que « l’emploi de ce formulaire (ndlr : de rétractation) ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l’intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver ». Un tel raisonnement vient très clairement empêcher une technique assez répandue en pratique par les professionnels, à savoir la concentration dans le même document à la fois du formulaire de rétractation et des informations obligatoires que le consommateur doit pouvoir conserver. Or, en découpant et en renvoyant ledit formulaire de rétractation, le consommateur ne conserve alors pas le contrat en question si des éléments exigés par le code de la consommation se trouvent par exemple au verso. Une telle pratique est en contradiction assez claire avec les exigences du droit économique de l’Union européenne sur la question. La Cour de justice est, en effet, particulièrement exigeante sur ce point comme en témoignent ses arrêts statuant sur les différents renvois préjudiciels sur les textes des contrats conclus hors établissement.

Le raisonnement selon lequel la nullité du contrat serait contraire à l’exigence de proportionnalité (deuxième branche du moyen critiquant le raisonnement tenu par les juges du fond) ne paraît pas pouvoir emporter la conviction non plus. Comme le rappelle la Cour de cassation, le formulaire de rétractation ne doit pas avoir pour effet de ne pas permettre au consommateur de conserver le contrat qu’il a conclu avec le professionnel. Est-ce toutefois bien pertinent dans la mesure où si le consommateur veut se rétracter, il n’a que peu d’utilité à conserver le contrat lui-même ? La réponse doit rester positive dans la mesure où le support contractuel pourra toujours servir en cas de contentieux, notamment si le professionnel ne prend pas en compte la rétractation. Le raisonnement tenu par la société demanderesse au pourvoi ne pouvait donc pas emporter la cassation sur ce volet.

Ces points doivent inviter les professionnels du secteur des contrats conclus hors établissement à une certaine prudence. S’ils prévoient un espace à découper pour le formulaire de rétractation, il ne faut pas que des éléments indispensables au sens de l’article L. 221-9 nouveau se trouvent au verso de celui-ci. Ou du moins, faut-il que ces éléments apparaissent à un autre endroit, tout simplement.

Préjudice réparable et restitution

Le second moyen se détache assez nettement du droit de la consommation. Celui-ci venait critiquer un point précis de l’arrêt d’appel qui avait confirmé le jugement attaqué lequel avait condamné le vendeur à régler aux consommateurs la somme de 10 800 € à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice financier subi. Or, cette somme n’étonnera pas le lecteur puisqu’elle est exactement identique au prix payé par les acquéreurs des panneaux photovoltaïques. Le raisonnement était, ici, critiquable sans aucune hésitation.

Il est, en effet, plutôt bien acquis en droit des obligations que l’annulation du contrat ouvre droit à des restitutions et ce afin de permettre le retour au statu quo ante. Pour autant, « la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de l’annulation d’un contrat ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable » (pt n° 12 de l’arrêt étudié). Pour arriver à ce résultat, la première chambre civile en revient à une lecture classique des articles 1178 et 1240 du code civil qui sont utilisés comme visa de sa solution. Peu de surprises sur cette thématique puisqu’il s’agit d’une jurisprudence constante des différentes chambres de la Cour de cassation (Civ. 1re, 27 févr. 2007, n° 05-21.677, D. 2007. 867  ; Civ. 3e, 8 nov. 2006, n° 05-16.948 FS-P+B, Dalloz actualité, 5 déc. 2006, obs. S. Bigot de la Touanne ; D. 2006. 2952  ; ibid. 2007. 1297, chron. A.-C. Monge et F. Nési  ; RDI 2007. 87, obs. O. Tournafond ). Rien n’empêche, en effet, le demandeur à la nullité de solliciter des dommages-intérêts à l’occasion de son action visant à l’anéantissement du contrat s’il prouve un préjudice précis. Mais, la restitution ne peut pas, à elle-seule conduire, à l’allocation de telles indemnités.

Tout ceci peut paraître un rappel bien théorique pour une erreur de plume de l’arrêt d’appel. L’extrait cité dans l’arrêt étudié montre bien que les juges du fond ont simplement confondu le montant permettant de revenir au statu quo ante et celui qui aurait pu être prononcé à l’occasion de dommages-intérêts. L’ensemble donne, de manière fort utile, à cette décision une dorure de droit des obligations pour un contentieux pourtant bien ancré en droit de la consommation.

 

© Lefebvre Dalloz