Mandat d’arrêt européen : précisions sur la procédure devant la chambre de l’instruction

Le délai de convocation de quarante-huit heures prévu par l’article 695-34 du code de procédure pénale doit également être observé quand l’affaire est renvoyée à une audience ultérieure, et ce, même lorsque la demande de renvoi a été formée par la défense.

En l’espèce, il s’agit d’un pourvoi formé par un individu dont la demande de mise en liberté a été rejetée par la chambre de l’instruction. L’intéressé, qui avait fait l’objet d’une remise par les autorités colombiennes aux autorités françaises, était visé par un mandat d’arrêt européen émis par les autorités belges dans le cadre d’une procédure suivie contre lui des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants et participation à une organisation criminelle. Alors que son incarcération était ordonnée, il affirmait qu’il ne consentait pas à sa remise aux autorités belges et qu’il n’entendait pas renoncer, dans le cadre de la procédure d’extradition, au principe de spécialité.

Dans son pourvoi, il reproche à la chambre de l’instruction d’avoir rejeté ses demandes de renvoi de l’audience et de mise en liberté.

Les réquisitions du procureur général

Son premier argument se fonde sur l’absence de communication à son avocat des réquisitions du procureur général. En effet, la veille de l’audience à 15 heures 58 minutes, l’avocat du requérant avait sollicité auprès du greffe de la chambre de l’instruction la communication des éventuelles réquisitions complémentaires du parquet général. Il lui avait été répondu, à 16 heures 20 minutes, qu’aucune réquisition complémentaire n’avait été déposée. Or, à 16 heures 36 minutes, des réquisitions complémentaires étaient finalement déposées et n’étaient pas transmises à l’avocat du requérant. Ce dernier reproche à la chambre de l’instruction d’avoir rejeté sa demande de renvoi au motif que le greffe n’avait aucune obligation de l’informer de la réception de réquisitions complémentaires déposées postérieurement à sa demande. En se fondant notamment sur l’article 197 du code de procédure pénale, il considère au contraire que son avocat devait se faire délivrer lesdites réquisitions y compris si elles étaient parvenues au greffe postérieurement à sa demande.

Le principe du contradictoire

Son second argument est relatif au principe du contradictoire qui, selon lui, aurait été méconnu, dans la mesure où il a été privé de la possibilité de prendre connaissance des réquisitions du parquet général et d’y répondre. La chambre de l’instruction s’expliquait sur ce point en considérant qu’un report était inenvisageable en raison du délai légal de convocation fixé à 48 heures prévu par l’article 695-34 du code de procédure pénale.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Pragmatiques, les Hauts magistrats constatent, à propos des réquisitions du procureur général, que cette pièce a été versée au dossier la veille de l’audience dans le délai imparti et qu’il appartenait à l’avocat de s’enquérir de son contenu. En d’autres termes, en l’espèce, rien n’obligeait le greffe à informer l’avocat de la réception, postérieure à sa demande, des réquisitions attendues. En outre, le greffe fermant à 17 heures et les réquisitions ayant été déposées à 16 heures 36, l’avocat avait 24 minutes pour en prendre connaissance ce qui, pour la chambre criminelle, est un délai suffisant.

Cette position s’inscrit dans le sillage d’un arrêt de 2014, par lequel la chambre criminelle avait refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel en considérant que l’article 197 du code de procédure pénale, qui ne prescrit pas que les réquisitions du parquet général devant la chambre de l’instruction soient adressées aux parties, répond à un objectif de bonne administration de la justice, les parties ayant de surcroît la faculté de prendre connaissance des réquisitions du ministère public tant au greffe qu’à l’audience (Crim., QPC, 9 avr. 2014, n° 14-90.007, AJ pénal 2014. 362, obs. J.-B. Perrier ).
 

En ce qui concerne le contradictoire, la chambre criminelle a, de l’article 695-34 du code de procédure pénale, la même lecture que les juges du fond. Elle confirme en effet qu’en raison du délai légal de convocation prévu par ce texte, le renvoi n’était pas envisageable. Ce délai de convocation de quarante-huit heures doit également être observé pour renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, et ce, même lorsque la demande de renvoi a été formée par la défense. Le rejet du pourvoi confirme ainsi, à propos du mandat d’arrêt européen, que les délais imposés en matière de liberté sont impératifs, y compris lorsque la demande de renvoi émane de la défense. Par cette interprétation stricte de l’article 695-34 du code de procédure pénale, les Hauts magistrats se prémunissent du risque de voir les demandes de mise en liberté se transformer indirectement en moyen dilatoire (Rép. pén.,  Mandat d’arrêt européen, par C. Mauro).

 

Crim. 21 août 2024, F-B, n° 24-83.417

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