Mauvaise comptabilité et insuffisance d’actif : ce n’est pas grave !

L’exception de « simple négligence » introduite par la loi du 9 décembre 2016 dans le régime de la responsabilité pour insuffisance d’actif est d’application immédiate aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours. Pour autant, aucune définition de cette notion n’émerge. Au cas d’espèce, une comptabilité irrégulière et incomplète, non transmise au liquidateur, ne suffit pas à caractériser une faute de gestion dépassant la « simple négligence ».

Depuis l’introduction par la loi du 9 décembre 2016 de l’exception de « simple négligence » dans le régime de la responsabilité pour insuffisance d’actif (Loi n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, JO 10 déc., texte n° 2, art. 146), cette terminologie ne cesse de questionner. Plutôt que d’en donner une définition générale, favorisant a minima la sécurité juridique, la Cour de cassation préfère la caractériser ou non, ça et là, au fur et à mesure des espèces. L’arrêt rendu par la chambre commerciale le 2 octobre 2024 n’y déroge pas.

En l’espèce, une société avait été mise en redressement judiciaire le 17 octobre 2016 – soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 2016 –, avant que cette procédure ne soit convertie en liquidation judiciaire le 28 mai 2018, conduisant dans la foulée le liquidateur à rechercher la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif.

Riche idée dans la mesure où la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 2 mars 2023, condamna le dirigeant à contribuer à l’insuffisance d’actif. Elle considéra en effet que les éléments comptables transmis par le dirigeant étaient insuffisants à démontrer qu’il s’était acquitté des obligations mises à sa charge en qualité de dirigeant, le liquidateur restant dans l’attente de la transmission du bilan de l’année 2015 et du grand livre de l’exercice 2016. De fait, le dirigeant avait bien commis une faute consistant dans la tenue d’une comptabilité incomplète, irrégulière ou fictive. Plus encore, les juges du fond ont considéré que cette absence de tenue d’une comptabilité complète et régulière avait empêché le dirigeant d’avoir une vision de l’état financier de la société et de prendre ainsi les mesures nécessaires pour tenter de juguler les difficultés de la société, contribuant ainsi à l’insuffisance d’actif.

Au regard de cette condamnation, on ne saurait être surpris du pourvoi formé par le dirigeant. Depuis que la loi du 9 décembre 2016 a ouvert la brèche des contestations pour de telles condamnations en distinguant, avec le critère de la « simple négligence », les fautes qui doivent être pardonnées de ce celles qui ne le peuvent, il était logique que le dirigeant s’en saisisse pour échapper à sa responsabilité.

Grand bien lui en prit puisque la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel, au visa de l’article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016. Après avoir rappelé que « la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours », la chambre commerciale a considéré que les motifs retenus par les juges du fond étaient impropres à caractériser des fautes qui ne soient pas une simple négligence.

Ces deux positions – l’application dans le temps de l’exception de simple négligence et sa caractérisation – méritent de s’y arrêter tant elles apparaissent discutables.

L’application dans le temps de l’exception de « simple négligence »

L’affirmation selon laquelle la loi du 9 décembre 2016, écartant la responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de « simple négligence », est d’application immédiate aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilités en cours, n’est pas nouvelle. Elle réitère une position déjà dégagée, notamment avec force dans une salve d’arrêts rendus le même jour en 2020 (Com. 5 févr. 2020, n° 18-15.062, n° 18-15.064, n° 18-15.070, n° 18-15.072 et n° 18-15.075 ; v. égal., Com. 17 juin 2020, n° 18-18.321, Rev. sociétés 2021. 127, note F. Reille ). Mais réitération ne veut pas nécessairement dire raison. Pourquoi, en effet, opter pour la théorie de l’application immédiate de la loi nouvelle chère à Roubier (P. Roubier, Le droit transitoire. Conflits des lois dans le temps, préf. L.-A. Barrière, 2e éd., Dalloz, rééd. 2008, n° 39) et non le principe de rétroactivité in mitius afin de justifier le bénéfice de l’exception de la simple négligence ? Certes la question a déjà été traitée, et fort bien traitée (v. not., N. Ida, Action en responsabilité pour insuffisance d’actif : retour sur l’application dans le temps de l’article L. 651-2 du code de commerce, D. 2020. 1005 ). Certes encore, du point de vue du résultat de l’espèce – le bénéfice de l’exception de simple négligence –, celui-ci demeure le même suivant le fondement choisi.

Il n’en reste pas moins qu’en ouvrant la focale, la réaffirmation de ce choix n’est pas neutre dans ses conséquences. En prenant pour appui la théorie de l’application immédiate de la nouvelle loi, il faut observer le bout de cette logique : si une modification législative de la responsabilité pour insuffisance d’actif aggravait celle-ci, cette aggravation s’appliquerait alors également aux instances et procédures collectives en cours. En revanche, le pendant de la rétroactivité in mitius n’est autre que la non-rétroactivité de la loi plus sévère et ainsi son inapplication aux instances et procédures collectives en cours. Partant de ce constat, faut-il maintenir le fondement de l’application immédiate de la loi nouvelle ?

Si la chambre commerciale ne se justifie pas de cette position dans le présent arrêt, il suffit de regarder dans le rétroviseur pour constater qu’elle s’appuie, à l’instar du Conseil constitutionnel (v. not., Cons. const. 26 sept. 2014, n° 2014-415 QPC, D. 2014. 1871 ; ibid. 2015. 124, obs. P. Brun et O. Gout ; Rev. sociétés 2014. 753, obs. P. Roussel Galle ), sur le fait que la responsabilité pour insuffisance d’actif n’aurait pas le caractère d’une punition (v. not., Com. 8 févr. 2020, arrêts préc.). À cet égard, il est vrai que l’idée d’une rétroactivité in mitius n’a de sens qu’en matière de responsabilité pénale et plus largement, en matière répressive (v. not, sur ce principe, R. Beraud, La non-rétroactivité des lois nouvelles plus douces, RSC 1947. 7 ; A. Dekeuwer, La rétroactivité in mitius en droit pénal : un principe encore et toujours contesté !, JCP 1997. I. 4065), et non en responsabilité civile (v. not., J. Héron, Principes du droit transitoire, Dalloz, 1996, n° 68), bien que cela puisse être envisageable (v. en ce sens, P.-Y. Gautier, Pour la rétroactivité in mitius en matière civile, in Mélanges dédiés à la mémoire du doyen J. Héron, LGDJ, 2009, p. 235). Or, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif constitue un avatar de l’action en responsabilité civile pour faute de droit commun (pour reprendre l’expression de F. Pollaud-Dulian, De quelques avatars de l’action en responsabilité civile dans le droit des affaires, RTD com. 1997. 349 ) et nul ne le conteste sur son principe au regard des conditions de l’action : faute, préjudice et lien de causalité. Cela étant, la parenté a ses limites, au point que l’on peut fortement douter, si l’on dépasse les seules conditions initiales de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, que celle-ci demeure dans les seules sphères de la responsabilité civile. C’est que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif a bel et bien une fonction punitive marquée au point qu’il a pu être constaté qu’elle se caractérisait précisément par son « but répressif » (C. Freyria, Libres propos sur la responsabilité civile de la gestion d’une entreprise, in Mélanges dédiés à L. Boyer, PU des sciences sociales de Toulouse, 1996, p. 179, spéc. n° 14). D’une part, au regard de sa mécanique, la similarité avec la logique du droit répressif est forte : la possibilité limitée de transiger, la liberté pour le juge d’entrer en condamnation, de déterminer le quantum de la réparation infligée, peu important le lien réel de causalité entre la faute et le dommage, sous la seule limite d’un plafond (le montant de l’insuffisance d’actif), en fonction précisément de la situation du dirigeant, de la gravité de son comportement ou encore de sa bonne ou mauvaise foi, sont autant de signes d’une fonction punitive. D’autre part, au regard de sa finalité, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif consiste moins à réparer un préjudice – celui de la société et des créanciers – qu’à protéger l’intérêt général économique (rappr., ajoutant que cette action consiste ainsi moins à réparer qu’à punir le dirigeant, I. Parachkévova-Racine, art. préc.). Plusieurs éléments en attestent. Ainsi du caractère attitré de l’action au liquidateur, lequel représente tant la société que l’intérêt collectif des créanciers et non leur intérêt individuel, mais aussi, et surtout, au ministère public, représentant de l’intérêt général (C. com., art. L. 651-3, al. 1er). Ainsi également de la non-correspondance nécessaire entre la sanction infligée au dirigeant et la part de son comportement dans l’insuffisance d’actif, qui permet tant de sanctionner fortement que de ne pas condamner ou d’alléger la sanction (v. par ex., affirmant la liberté du juge à cet égard tant sur le montant de la sanction que sur l’entrée en voie de condamnation ou non, Com. 3 nov. 2009, n° 08-20.354 ; 20 sept. 2017, n° 16-13.566 ; en réalité, et comme il a pu être souligné, « le niveau d’anormalité [du comportement du dirigeant] détermine toujours le montant des dommages-intérêts alloués » de sorte que plus le comportement est grave, plus la sanction l’est également et inversement, N. Pelletier, La responsabilité au sein des groupes de sociétés en cas de procédure collective, préf. F.-X. Lucas, LGDJ, 2013, n° 544). L’idée derrière cela n’est autre, en effet, que celle de permettre le rebond du débiteur en cas de fautes bénignes, rebond favorable à l’activité économique dans son ensemble. D’ailleurs, c’est bien cette raison qui a conduit à la création de l’exception de « simple négligence », laquelle trouve sa genèse dans l’idée suivant laquelle un entrepreneur étant utile à l’intérêt général parce qu’il génère une activité économique et de l’emploi, il devrait pouvoir bénéficier d’un droit à l’erreur en réservant une sanction aux seules fautes graves pour l’économie (Étude d’impact sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, 30 mars 2016, p. 194). Or, ce choix précis de ne s’attaquer qu’aux comportements graves n’est-il pas là encore un des signes du droit répressif ?

En somme, certes non pénale, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif se teinte d’une logique relevant de la matière répressive afin de remplir une fonction punitive. Partant, cette « nature juridique ambivalente » (A. Jacquemont, N. Borga et T. Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2022, n° 1065) de la responsabilité pour insuffisance d’actif devrait conduire à lui réserver un sort qui tienne nécessairement compte de son caractère punitif dans la détermination des principes qui lui sont applicables en matière d’application de la loi dans le temps.

La caractérisation de la « simple négligence »

Outre l’application dans le temps de l’exception de « simple négligence », c’est sa caractérisation qui continue d’interroger. La Cour de cassation, une nouvelle fois, ne s’alourdit pas d’une définition de celle-ci mais se contente d’énoncer, au cas d’espèce, le manque de base légale de la cour d’appel pour justifier que la faute considérée n’était pas une simple négligence. Cette position est fâcheuse tant au regard de l’affaire traitée que d’un point de vue plus général.

Au cas de l’espèce, on confessera s’étonner de voir dans une comptabilité irrégulière et incomplète un signe inefficace pour dépasser la simple négligence, bien qu’il ne s’agisse pas là d’une nouveauté jurisprudentielle (v. not., déjà, Com. 17 juin 2020, n° 18-18.321, Rev. sociétés 2021. 127, note F. Reille ).

D’un côté, on sait que les obligations comptables sont formellement édictées par les textes, de manière stricte (v. par ex., C. com., art. L. 132-12 s.), ce dont témoigne d’ailleurs les multiples sanctions pénales dont sont passibles les dirigeants en la matière (v. not., C. com., art. L. 242-6, 2°, L. 242-8, L. 242-10, L. 241-3, 3°, L. 241-4, 1° et L. 241-5). Ces exigences de comptabilité ne sont pas vaines. Elles ont pour objectif de protéger une multitude d’intérêts : ceux de la société elle-même, en permettant de connaître à tout moment sa situation économique et financière et ainsi, de réagir au plus vite en cas de difficultés, l’anticipation des difficultés étant d’ailleurs le leitmotiv du droit des procédures collectives (on rappellera ici que l’obligation de tenir une comptabilité pour les commerçants trouve ses origines dans l’ord. de Colbert de 1673, qui visait précisément à « assurer parmi les négociations la bonne foi contre la fraude », ce qui n’est point anecdotique au regard de notre droit des entreprises en difficulté, v. D. Houtcieff, Droit commercial, 5e éd., Sirey, 2022, n° 281) ; des associés, afin qu’ils soient informés de la rentabilité de leur investissement ; des salariés, premières victimes d’une défaillance liée à de mauvais résultats ; des tiers créanciers, dont la connaissance de la situation financière du débiteur est nécessaire à la protection de leurs intérêts ; ou encore des services fiscaux, afin d’établir un impôt adéquat et réel (v. not., sur ces fonctions, M. Pédamon, H. Kenfack et S. Ringler, Droit commercial, 5e éd., Dalloz, 2023, n° 190). Au regard de cet ensemble d’intérêts protégés, qui rejoint ainsi la protection même de l’économie et de son système, on ne saurait comprendre que des défaillances dans la comptabilité soient considérées comme relevant de la « simple négligence ». Alors que les enjeux protégés par la comptabilité sont d’une grande importance, les manquements à la comptabilité ne seraient, en somme, « pas graves ». C’est là un message bien contradictoire qui est envoyé entre les fonctions de la comptabilité et sa sanction.

D’un autre côté, on ne peut qu’être surpris de lire, dans la justification de l’arrêt, que le fait de ne pas transmettre au liquidateur le bilan 2015 et le grand livre de l’exercice 2016 ne puisse être suffisant à caractériser une faute dépassant la « simple négligence ». Au titre des seules informations que nous avons sur l’affaire dans le présent arrêt, la temporalité surprend en effet : les documents demandés par le liquidateur datent de 2015 et 2016, la procédure de redressement a été convertie en liquidation judiciaire le 28 mai 2018 et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a statué le 2 mars 2023. C’est dire que la non-communication des documents comptables a été longue et qu’il paraît bien étrange de considérer cette lenteur importante comme une « simple négligence »… Et ce, d’autant plus que ces documents sont nécessaires au bon déroulement de la procédure collective. Chacun sait, en effet, que les documents comptables constituent une ressource précieuse pour le liquidateur afin de déterminer tant l’actif que le passif de l’entreprise (v. par ex., signe de cette importance, la nécessité de transmettre les comptes annuels lors d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, première procédure ouverte dans le cas étudié, v. C. com., art. R. 631-1, al. 2 ; ou encore la possibilité en liquidation judiciaire, pour le liquidateur, de saisir le président du tribunal aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc lorsque le dirigeant de la personne morale débitrice ne respecte pas ses obligations en matière d’arrêté et d’approbation des comptes annuels, v. C. com., art. L. 641-3, al. 3) et, ce faisant, de déterminer la répartition des fonds auprès des créanciers, lesquels sont nécessairement affectés par des documents passés sous silence.

Il reste que la difficulté inhérente à ces propos réside dans le défaut congénital de la « simple négligence » : son absence de définition, au moins générale. Outre le fait que l’on peut questionner l’opportunité même de l’exception de « simple négligence » (v. pour de très nombreuses critiques sur cet ajout dans le texte, entre autres, T. Favario, Action en responsabilité pour insuffisance d’actif : ajouter pour restreindre ou « de l’art de (mal) légiférer », LEDEN 2017, n° 1, p. 5 ; F.-X. Lucas, Réforme de l’action en « comblement de passif », BJS 2017. 1 ; I. Parachkévova-Racine, Retour sur les écueils de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, BJS 2018. 600), cette notion est bien floue, laissant ainsi le champ aux appréciations différentes pour des faits semblables. Comme avait pu le prédire le professeur Irina Parachkévova-Racine, « loin d’être un standard de la responsabilité civile, la faute de “simple négligence” risque, en effet, d’engendrer un contentieux aussi laborieux qu’instable » (I. Parachkévova-Racine, art. préc.). L’affirmation est vraie et l’espèce commentée le démontre. La Cour de cassation se contente d’une cassation pour défaut de base légale, sans préciser ce qu’il convient d’entendre par simple négligence, ni dévoiler a minima, un schéma de compréhension. De fait, qui peut dire que dans une autre affaire, la comptabilité irrégulière et incomplète ne sera pas considérée comme une faute dépassant la simple négligence ? Qui peut dire encore que la non-transmission de certains documents comptables aux organes de la procédure ne sera pas admise, dans certaines situations, comme relevant d’une faute appréhendée par la responsabilité pour insuffisance d’actif ? Les exemples ne manquent pas de ce qu’un comportement dans une espèce puisse être considéré comme une « simple négligence » et que ce même comportement dépasse cette dernière dans une autre (v. à cet égard, pour de nombreux ex. cités, N. Jullian, note ss. Angers, 18 janv. 2022, BJS 2022. 48).

De fait, on regrettera l’absence de précision donnée par la chambre commerciale, laquelle est d’autant plus dommageable que la seule indication ayant pu être donnée en jurisprudence semble davantage aggraver le flou que le résorber en évacuant comme critère de la simple négligence « l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission » (Com. 3 févr. 2021, n° 19-20.004, Dalloz actualité, 9 mars 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 1069 , note D. Caramalli et A. Alle ; ibid. 1736, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Rev. sociétés 2021. 533, note R. Dalmau ). Peut-être peut-on sourire en considérant que la « simple négligence » s’insère dans un texte, l’article L. 651-2 du code de commerce, dans lequel la perception de la faute est floue de manière continue : une faute, qui soit de gestion, mais qui ne soit pas une simple négligence, voici bien des notions dont le flou constitue le critère de leur cohérence. Mais la sécurité juridique en pâtit : celle du liquidateur, qui ne peut anticiper les chances de succès de son action et, par contrecoup, celle des créanciers qui ne peuvent prédire s’ils pourront être indemnisés mais également celle du dirigeant, qui ne peut connaître ce qui relève de la « simple négligence » ou de la faute de gestion punissable.

Non pas qu’il faille donner à cette notion une définition rigide à défaut de la supprimer, ce qui conduirait à ne pas s’adapter aux différentes situations et nouveautés, mais un cadre minimal et général permettrait au moins d’en dessiner les contours au profit de la sécurité juridique. Hélas, cet arrêt est encore une occasion manquée dans cette voie, ou bien, avec un peu d’espérance, est-il le signe d’un appel au législateur pour revoir sa copie ?

 

Com. 2 oct. 2024, F-B, n° 23-15.995

Lefebvre Dalloz