Même proches de la retraite, les seniors veulent encore évoluer professionnellement

Contrairement aux idées reçues, 70 % des plus de 50 ans souhaitent toujours progresser dans leur entreprise, monter en compétences ou se reconvertir avant leur retraite. Mais encore faut-il lever les freins à l’emploi et la formation de ces seniors souligne le Céreq dans une étude publiée la semaine dernière.

Alors que la réforme des retraites s'applique depuis le 1er septembre, la question de l’emploi des seniors est plus que jamais d’actualité. Si le comportement des entreprises à l’égard de leurs salariés âgés a été amplement débattu, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) s’intéresse quant à lui au point de vue opposé : comment les seniors envisagent-ils leur fin de carrière ? Certes, les avis varient, notamment en fonction du parcours professionnel antérieur et de la qualité du travail exercé par les concernés. Mais globalement, loin d’être réfractaires aux changements professionnels, plus des deux tiers des seniors les appellent de leurs vœux, l’âge (et donc la proximité de la retraite) n’influant que peu sur les désirs d’évolution. La conclusion du Centre est donc implacable : "C ne sont pas les projets professionnels qui manquent aux seniors, mais plutôt les formations à même de les soutenir".

Seuls 30 % des seniors "attendent sereinement" la retraite

Parmi les quatre profils types de salariés seniors dégagés par l’étude, seul un (groupe "Vers la retraite", 30 % des concernés) désire cheminer jusqu’à la retraite sans réel changement. On y retrouve les personnes les plus satisfaites de leur situation professionnelle : elles sont bien intégrées dans leur entreprise et depuis longtemps, estiment utiliser pleinement leurs compétences (96 % contre 74 % dans l’ensemble) et se trouvent dans un emploi correspondant à leur qualification (95 % contre 80 % dans l’ensemble). Dans ce groupe, sont surreprésentées les personnes travaillant dans le transport, la logistique et le tourisme, notamment des chauffeurs routiers.

Les personnes concernées semblent arrivées à une étape de leur carrière qui ne ménage plus de possibilités d’évolution professionnelle et en sont satisfaits. Logiquement, elles sont donc peu nombreusesx à formuler un projet professionnel pour les cinq prochaines années (29 % contre 68 % dans l’ensemble) et à souhaiter se former, et ce d’autant moins que, étant entrées plus tôt que les autres sur le marché du travail, leur nombre d’annuités cumulées leur permet d’envisager un départ prochain à la retraite.

Peur de perte d’emploi et désirs de reconversion ou promotion motivent les séniors à évoluer…

Pour les 70 % de seniors restants, la volonté d’évolution avant la retraite est commune, bien que motivée par des justifications très différentes :

  • 22 % veulent encore progresser à l’intérieur de leur entreprise (groupe "Progression en interne").

Ce groupe est principalement composé d’hommes, diplômés, avec des postes très qualifiés et des rémunérations plus élevées que la moyenne, qui exercent plus souvent des métiers dont les conditions, peu pénibles, permettent d’envisager une retraite tardive. Parce qu’ils estiment avoir encore des possibilités de promotion (95 % contre 25 % dans l’ensemble), ils veulent développer leurs compétences et déclarent d’importants besoins de formation.

  • 30 % des salariés seniors forment le groupe "Montée en compétences".

On y retrouve 38 % de femmes, une part plus importante que la moyenne de diplômés de niveau baccalauréat, et des salariés qui occupent plus souvent des postes de techniciens et agents de maîtrise par exemple. S’ils sont les plus nombreux à formuler un projet professionnel dans les cinq ans (93 %), c’est parce qu’ils plus font face que les autres à des carrières bloquées et à des risques de perte d’emploi. Ils sont les plus nombreux à vouloir se former (66 % contre 48 % pour l’ensemble), même si seuls 21 % en font la demande.

  • le groupe "Reconversion" rassemble enfin 18 % des salariés seniors.

Ce sont les moins satisfaits de leur situation professionnelle (conditions de travail dégradées, emploi qui ne correspond pas à leur qualification et n’est pas suffisamment rémunéré, pas de possibilité d’évolution, etc.). Tout cela les conduit à formuler des projets de changements professionnels conséquents : 37 % souhaitent changer de métier ou de profession et 30 % d’entreprise (20 % dans l’ensemble). Pour autant et si 57 % désirent se former, seuls 7 % en font la demande. Avec un passé professionnel souvent marqué par l’absence d’évolution, la précarité et le chômage, c’est le groupe le plus féminisé, plus souvent à temps partiel, et avec les salaires les plus bas.

… mais les possibilités d’accès à la formation demeurent "contrastées"

Sans grande surprise du fait de leur profil, cinq ans après les aspirations qu’ils avaient formulées, les salariés du groupe "Vers la retraite" ont peu accédé à la formation. À l’inverse, ceux du groupe "Progression en interne" font état d’une participation à la formation importante, conformément à leurs souhaits, et qu’ils jugent porteuse d’un effet favorable sur leur évolution professionnelle et leur travail.

Les deux autres catégories de séniors connaissent des parcours plus difficiles. Parmi ceux du groupe "Montée en compétences", une part non négligeable a pu accéder à la formation, mais pas conformément aux souhaits initiaux, et avec peu d’effets positifs. Les salariés les plus en difficulté (groupe "Reconversion") se heurtent pour leur part à un contexte d’entreprise particulièrement défavorable pour l’accès à la formation : ce sont les moins nombreux à s’être formés, et lorsque c’est le cas, c'est le plus souvent via des formations obligatoires ne permettant pas d’impulser les reconversions escomptées. Une situation d’autant plus problématique que ce sont également les moins nombreux à avoir glissé vers la retraite (26 % contre 42 % dans l’ensemble), notamment parce que, faute de pouvoir la vivre dans des conditions décentes, ils se trouvent dans l’obligation économique de rester en activité.

Quelles possibilités d’amélioration ?

"Dès lors, des priorités émergent clairement" conclut le Céreq. Notamment, "il s’avère essentiel de renforcer bien avant le seuil des 50 ans la formation des personnes dans les situations les plus précaires ou les plus menacées par l’avancée en âge". Pour cela, il s’agirait de balayer l’idée reçue d’une prétendue "résistance au changement" des seniors qui entrave l’évolution de leur activité et l’actualisation de leurs compétences. Mais surtout, il faudrait lever l’un des principaux freins à leur formation qui tient dans les refus très fréquent de financement des employeurs ou autres organismes de prise en charge des frais. En somme, "les seniors témoignent, dans leur majorité, d’un souhait d’évolution et de formation qui demeure, trop souvent, lettre morte".

 

© Lefebvre Dalloz