Ne pas contester l’opposition ne signifie pas acquiescer
Le paiement effectué par le notaire en conséquence de l’opposition sur le prix de vente faite par le syndicat des copropriétaires, non contestée par le copropriétaire vendeur, ne caractérise pas un acquiescement.
Un syndicat des copropriétaires assigne un copropriétaire en paiement de charges. Ce dernier est condamné en première instance par un jugement assorti de l’exécution provisoire. Il interjette appel. L’appel est radié faute d’exécution. Il met ses lots en vente. Le syndicat des copropriétaires forme opposition sur le prix de vente des lots vendus, pour une somme incluant les condamnations prononcées à son profit par le jugement.
La cour d’appel confirme le jugement, au motif que le copropriétaire a acquiescé aux prétentions du syndicat des copropriétaires car il n’a formé aucune contestation amiable ou judiciaire à l’encontre du paiement effectué à la suite de l’opposition formée par le syndicat des copropriétaires.
L’arrêt est cassé : le paiement effectué par le notaire, à défaut de contestation judiciaire formée par le copropriétaire vendeur, en conséquence de l’opposition faite par le syndicat des copropriétaires, ne peut caractériser un acquiescement, cette opposition n’étant ni une demande en justice ni un jugement.
Rappelons que l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 autorise le syndic, lors de la vente d’un lot de copropriété, à former opposition entre les mains du notaire pour obtenir paiement des sommes lui restant dues. Les fonds lui sont versés trois mois après cette opposition, sauf contestation par le copropriétaire vendeur.
En l’espèce, le syndic avait formé opposition et obtenu par ce biais paiement d’une somme supérieure aux causes du jugement. La cour d’appel en a déduit que dans la mesure où le copropriétaire vendeur n’avait formé aucune contestation amiable ou judiciaire à l’encontre de ce paiement, il avait acquiescé sans réserve à ce paiement de sorte qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les contestations émises par ce copropriétaire, dans le cadre de la procédure d’appel, sur la réalité de la créance du syndicat des copropriétaires.
La Cour de cassation considère, dans cet arrêt de principe, que l’absence de contestation judiciaire formée par le copropriétaire vendeur, en conséquence de l’opposition faite par le syndicat des copropriétaires, ne caractérise pas un acquiescement.
La solution est nouvelle. Selon l’article 408 du code de procédure civile, « l’acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action ». Selon l’article 409 du même code, « l’acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci, et renonciation aux voies de recours ». L’acte d’acquiescement consiste à adhérer à une demande formée par son adversaire ou à un jugement rendu. Il est possible d’acquiescer, selon ces textes, à une demande en justice ou à un jugement.
L’acquiescement peut être exprès ou implicite (C. pr. civ., art. 410). Pour qu’il soit exprès, il suffit que l’intention de son auteur soit manifestée clairement et sans équivoque, mais aucune forme n’est exigée et sa preuve est soumise au droit commun. Pour qu’il soit qualifié d’implicite, il faut que l’intention de l’auteur de l’acte ou du fait révélateur de celle-ci, soit dénuée de toute équivoque (Civ. 1re, 16 juin 2011, n° 10-30.689, Dalloz actualité, 21 juill. 2011, obs. C. Tahri ; D. 2011. 1758
; ibid. 2012. 1033, obs. M. Douchy-Oudot
; AJ fam. 2011. 428, obs. S. David
; RTD civ. 2011. 518, obs. J. Hauser
; ibid. 536, obs. B. Fages
). Il est constant que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement (Civ. 2e, 15 nov. 1995, n° 93-20.093). En revanche l’exécution d’une décision bénéficiant de l’exécution provisoire ne vaut pas présomption d’acquiescement (Civ. 2e, 23 mars 2023, n° 21-20.289, Dalloz actualité, 11 mai 2023, obs. N. Hoffschir ; Rev. prat. rec. 2023. 3, chron. A.-I. Gregori et O. Salati
), pas plus que l’expiration du délai pour exercer une voie de recours (Civ. 1re, 3 mars 1998, n° 96-10.753, D. 1998. 421
, concl. J. Sainte-Rose
; ibid. 1999. 202, obs. P.-L. Chatain et F. Ferrière
; RTD civ. 1998. 422, obs. P. Crocq
; ibid. 950, obs. P. Crocq
; RTD com. 1998. 413, obs. G. Paisant
). De façon générale, lorsqu’un plaideur accomplit un acte de procédure car un texte le lui impose, on considère que cette obligation légale constitue une contrainte exclusive de toute intention d’acquiescement.
La question se posait en l’espèce de savoir si l’exécution d’un jugement bénéficiant de l’exécution provisoire, par l’effet d’une opposition sur le prix de vente d’un lot de copropriété formée entre les mains du notaire, non contestée par le copropriétaire vendeur, peut valoir acquiescement.
Civ. 3e, 11 juill. 2024, FS-B, n° 23-11.700
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