Nouveau délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne : première condamnation à Paris

Après une requalification en septembre dans un autre dossier, le parquet de Paris obtient une première condamnation sur la base du nouveau délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne.

Cette fois c’est la bonne. La 15e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris vient de rendre la semaine dernière une décision guettée par l’accusation, en témoigne les messages publiés sur les réseaux sociaux par le parquet. Dans cette affaire de trafic d’images pédopornographiques sur l’application Telegram, les juges ont en effet validé les poursuites sur la base du nouveau délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne, retenu contre deux des prévenus. Une qualification qui n’a guère suscité de débats à l’audience, signalent toutefois deux avocats, parties au procès, tandis que la motivation précise du tribunal n’est pas encore connue.

Les deux prévenus condamnés sur ce délit, considérés comme les administrateurs d’une poignée de groupes Telegram diffusant des images pédopornographiques, ont été également reconnus coupables de la détention et la diffusion en bande organisée d’images mettant en scène des mineurs. Les enquêteurs du commandement de la gendarmerie dans le cyberspace avaient découvert en tout 15 000 images sur ces groupes lors de leurs interpellations en février 2024.

À la mi-septembre, le baptême du feu judiciaire du délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne s’était soldé par une requalification devant la 13e chambre correctionnelle du même tribunal, spécialisée sur la cybercriminalité. Les magistrats avaient alors estimé, après s’être penchés sur l’amendement ayant entraîné la création de l’infraction, que le législateur visait d’abord les places de marché illégales sur le darkweb, une argumentation manifestement pas reprise par les juges de la 15e chambre. Le parquet, qui a fait appel de ce jugement, avait plaidé au contraire pour son application aux nouvelles formes de ventes illicites en ligne, comme ces canaux louches Telegram qui ont justement supplanté en quelques années les marchés clandestins accessibles via le navigateur Tor.

En arrière-plan, l’affaire Pavel Durov

Le délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne a été introduit en janvier 2023 via la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Il doit permettre, précisaient les députés à son origine, de simplifier la tâche de la justice en lui permettant de « commencer l’enquête par la plateforme elle-même, puis de procéder, pour les transactions devant être poursuivies, à l’ouverture de procédures incidentes ».

Au-delà de cette première condamnation, le jugement de la 15e chambre correctionnelle vient conforter l’accusation parisienne dans un dossier stratégique, celui des poursuites initiées contre Pavel Durov, le cofondateur de l’application Telegram mis en examen cet été. Outre des délits relatifs aux trafics menés sur cette plateforme, que ce soit de la cybercriminalité, de la pédopornographie, du trafic de stupéfiants, ou des escroqueries en bande organisée, ce dernier est en effet visé au titre de la complicité, pour cette nouvelle infraction réprimée par une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende, un quantum porté à dix ans et 500 000 € pour la bande organisée. 

 

© Lefebvre Dalloz