Nouvelles précisions sur le licenciement du salarié protégé

En cas de transfert d’entreprise, l’absence de mention de l’existence du mandat de représentant du personnel dans l’acte de cession n’exonère pas le repreneur de respecter la procédure applicable au licenciement des salariés protégés.

Par principe, le salarié investi d’un mandat représentatif bénéficie d’une protection lors du licenciement (C. trav. art L. 2411-1 et L. 2411-2). Cette protection impose à l’employeur d’obtenir l’accord préalable de l’autorité administrative. Lorsque la situation juridique de l’employeur est modifiée, en vertu de l’article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail sont poursuivis. Il en va de même pour le mandat représentatif du salarié.

Qu’en est-il cependant lorsque le cessionnaire se prévaut de la méconnaissance du mandat du salarié ?

C’est à cette question qu’a dû répondre la Cour de cassation. Dans les faits, un salarié avait été engagé par une société aux droits de laquelle était intervenue la société DAC. En 2015, le salarié avait été élu délégué du personnel suppléant. En 2017, la société était cédée à la société SODAC.

Ayant été déclaré inapte à son poste de travail, suivant un congé pour maladie, le salarié était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Deux difficultés étaient soulevées devant la Cour de cassation. La première concernait la violation du statut protecteur. L’employeur avait licencié le salarié sans consulter l’inspecteur du travail. Il considérait cependant que cette consultation ne pouvait lui être imposée dans la mesure où il n’avait pas eu connaissance du mandat exercé par le salarié. La seconde se rapportait aux indemnités réclamées par le salarié et reposant sur la violation de son statut protecteur. Celui-ci affirmait que les salaires servant de base au calcul de son indemnité ne pouvaient être constitués par les salaires perçus durant son congé maladie.

La méconnaissance du mandat par le nouvel employeur

Sur ce point, l’employeur considérait que le salarié « ne pouvait se prévaloir à l’appui de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul, d’un mandat de délégué du personnel suppléant dont l’existence avait été occultée par l’entreprise cédante lors de son transfert et qu’il lui avait lui-même dissimulé en s’abstenant volontairement, tout au long de l’exécution de son contrat de travail, d’exercer les attributions que ce mandat lui avait confiées ».

Le raisonnement avait de quoi séduire, d’autant que la jurisprudence exige, dans certains cas, que l’employeur ait connaissance du mandat représentatif pour accorder la protection. Autant en ira-t-il en ce qui concerne le candidat aux élections professionnelles (Soc. 30 sept. 2020, n° 19-12.272) ou l’exercice de mandats extérieurs. Dans ces cas, la protection ne s’exerce qu’à condition que l’employeur ait été informé des missions représentatives actuelles ou à venir (Soc. 30 juin 2016, n° 15-12.982 P, Dalloz actualité, 29 juill. 2016, obs. J. Siro ; D. 2016. 1503 ).

La Cour de cassation refuse toutefois d’adhérer à cette analogie. Elle considère que « le statut protecteur du salarié imposait à la société SODAC de solliciter auprès de l’inspecteur du travail l’autorisation préalable de le licencier, peu important que l’acte de cession ne fasse pas mention de ce mandat et que le salarié n’en ait pas fait état auprès d’elle ». La justification de la haute cour porte sur deux éléments.

D’une part, à l’issue du transfert, l’entreprise avait conservé son autonomie, de sorte que le salarié conservait impérativement son mandat. Dès lors, l’employeur était contraint de solliciter l’avis de l’inspecteur du travail malgré sa méconnaissance. D’autre part, en invoquant le défaut d’information de la part du cédant, il se prévalait de contestations ne pouvant être accueillies par le juge prud’homal.

En conséquence, le salarié était fondé à revendiquer la nullité de son licenciement.

Le régime des indemnités inhérentes à la violation du statut protecteur

L’autre point porté à la connaissance de la Cour de cassation concernait le salaire de référence permettant de calculer les indemnités relatives à violation du statut protecteur.

La haute cour commence par rappeler le principe selon lequel le salarié licencié en méconnaissance de son statut protecteur et refusant la réintégration peut prétendre à la rémunération qu’il aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection dans une limite de trente mois (Soc. 5 janv. 2022, n° 20-16.287).

Restait cependant à trancher sur la problématique du salaire de référence permettant de calculer l’indemnité. Cette hypothèse a déjà fait l’objet d’un traitement par les juridictions. En effet, la Cour de cassation a décidé que « le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité prévue à l’article L. 1235-11 du code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, est celui des douze derniers mois exempts d’arrêts de travail pour maladie » (Soc. 26 juin 2019, n° 18-17.120 P, D. 2019. 1396  ; JCP S 2019. 1256, obs. D. Chenu).

Dans l’arrêt commenté, la Cour transpose cette solution à la situation du salarié protégé. En vertu, notamment, de l’article L. 1132-1 du code du travail (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), l’employeur ne peut choisir un salaire de référence dont la portée est discriminatoire en ce qu’il tient compte de l’état de santé du salarié.

En conséquence, lorsque le salarié protégé a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d’éviction, la rémunération à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité est le salaire moyen des douze derniers mois perçu avant l’arrêt de travail, et non avant la rupture du contrat. Ainsi, devait être cassé l’arrêt de cour d’appel qui déterminait le montant de l’indemnité en excluant les commissions que le salarié percevait pendant l’exécution normale de son contrat de travail.

 

© Lefebvre Dalloz