Office de la chambre de l’instruction en matière d’appel d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel

Par cet arrêt, la chambre criminelle apporte d’intéressantes précisions à propos des conditions de recevabilité de l’appel d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Il s’agit d’un pourvoi formé par un individu faisant l’objet d’une information suivie notamment des chefs de favoritisme et de corruption dans le cadre de laquelle le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et a prononcé son renvoi devant le tribunal correctionnel. Devant les Hauts magistrats, l’intéressé fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir déclaré irrecevable son appel de l’ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Selon lui, la chambre de l’instruction a en effet excédé ses pourvois et violé l’article 186-3 du code de procédure pénale. Il fait valoir en ce sens que, selon la disposition précitée, seul le président de la chambre de l’instruction peut rendre une ordonnance de non-admission de l’appel de l’ordonnance de règlement lorsqu’il a été statué sur l’appel d’une ordonnance du juge d’instruction rejetant une demande d’actes ou lorsque cet appel a fait l’objet d’une ordonnance de non-admission. Il en déduit qu’en se fondant sur la non-admission de l’appel de l’ordonnance du juge d’instruction rejetant une demande d’actes prononcée par la présidente de la chambre de l’instruction pour déclarer irrecevable l’appel contre l’ordonnance de renvoi en correctionnel, la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs.

Précisions sur la portée de l’article 186-3, alinéa 3, du code de procédure pénale

La chambre criminelle ne partage pas cette interprétation de l’article 186-3 du code de procédure pénale et rejette le pourvoi. Cette disposition, relative aux modalités d’appel des ordonnances du juge d’instruction prévoit, en son alinéa 3, que hors les cas prévus par le présent article, l’appel formé par la personne mise en examen ou la partie civile contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est irrecevable et donne lieu à une ordonnance de non-admission de l’appel par le président de la chambre de l’instruction conformément au dernier alinéa de l’article 186. Il en est de même s’il est allégué que l’ordonnance de règlement statue également sur une demande formée avant l’avis prévu à l’article 175 mais à laquelle il n’a pas été répondu, ou sur une demande formée en application du quatrième alinéa du même article 175, alors que cette demande était irrecevable ou que le président considère qu’il n’y a pas lieu d’en saisir la chambre de l’instruction conformément à l’article 186-1 du code de procédure pénale.

In casu, la chambre criminelle approuve les juges du fond d’avoir conclu à l’irrecevabilité de l’appel au motif que cette voie de recours était dirigée contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et que cet appel ne correspondait à aucune des hypothèses prévues par l’article 186-3. Pour motiver le rejet du pourvoi, la chambre criminelle souligne que la possibilité offerte au président de la chambre de l’instruction, par l’alinéa 3 de l’article 186-3, de rendre d’office une ordonnance de non-admission de l’appel d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est une faculté qu’il est libre de ne pas user, la chambre de l’instruction ayant qualité pour statuer sur la recevabilité de l’appel.

Précisions sur les pouvoirs du président de la chambre de l’instruction et de la chambre de l’instruction

L’enjeu de cet arrêt est double. D’abord, interprétée a contrario, cette solution rappelle que le président de la chambre de l’instruction tient de l’article 186-3, alinéa 3, du code de procédure pénale le pouvoir, après avoir énoncé les motifs qui le portent à considérer qu’il n’y a pas lieu de saisir la chambre de l’instruction des demandes d’acte, de rendre une ordonnance de non-admission de l’appel, en ce que, hors les cas prévus par les deux premiers alinéas du texte, l’appel formé par la personne mise en examen contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est irrecevable, l’ordonnance de non-admission de l’appel n’est entachée d’aucun excès de pouvoir (Crim. 28 mars 2017, n° 17-80.382 P). Surtout, cet arrêt met l’accent sur le rôle de la chambre de l’instruction en réaffirmant qu’elle a qualité pour statuer sur la recevabilité de l’appel. Cela étant, les pouvoirs du président de la chambre de l’instruction et de la chambre de l’instruction sont liés. En effet – et cela contribue sans doute aussi à expliquer le rejet du pourvoi –, quand bien même le président se serait abstenu de rendre une ordonnance et aurait transmis le dossier au procureur général pour mettre l’affaire en état et la soumettre à la chambre de l’instruction, celle-ci demeure tenue de relever tout cas d’irrecevabilité qui lui apparaîtrait (Crim. 19 mars 1975, n° 74-90.121, RSC 1976. 142, obs. J.-H. Robert). C’est d’ailleurs pour cette raison que, si l’appel porte sur une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ce dernier n’est pas valablement saisi, en raison de l’effet suspensif de l’appel, tant que la chambre de l’instruction ne s’est pas prononcée sur la recevabilité (Crim. 22 avr. 1992, n° 92-81.427 P).

Enfin, cette solution est à lire à l’aune d’un précédent arrêt du 7 février 2017 dans lequel la Cour de cassation avait déjà partagé son interprétation pragmatique du troisième alinéa de l’article 186-3 du code de procédure pénale. Par cet arrêt, la chambre criminelle avait en effet fait savoir qu’il se déduit de ce texte que l’appel formé contre l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est recevable lorsqu’un précédent appel du mis en examen contre une ordonnance du juge d’instruction ayant rejeté une demande d’acte est pendante devant la chambre de l’instruction saisie par le président de cette juridiction (Crim. 7 févr. 2017, n° 16-86.835, Dalloz actualité, 8 mars 2017, obs. C. Fonteix ; D. 2017. 410  ; AJ pénal 2017. 241, obs. J. Lasserre Capdeville  ; JCP 2017. 342).

 

Crim. 6 août 2025, F-B, n° 25-83.590

par Dorothée Goetz Charlon, Docteur en droit pénal et sciences criminelles, DA n° 44670821267, auprès du Préfet de la région Grand Est

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