Panorama de l’actualité « Civil » de la semaine du 24 mars 2025

Sélection de l’actualité « Civil » marquante de la semaine du 24 mars.

Biens

Bornage : mission de l’expert

  • Lorsque la mission de l’expert qu’il a désigné comprend le bornage des parcelles selon la limite séparative retenue par le juge, les frais d’achat et d’implantation des bornes relèvent alors des dépens visés par l’article 695 du code de procédure civile. (Civ. 3e, 27 mars 2025, n° 23-14.760, FS-B)

Filiation

Conditions de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint

  • Il résulte de l’article 345-1, 1°, devenu 370-1-3, 1°, du code civil et des articles 348-1 et 348-3 du même code, dans leur version alors applicable, que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, permise lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois. L’alinéa 3 de l’article 348-3, selon lequel « Si à l’expiration du délai de deux mois, le consentement n’a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l’enfant à condition que celui-ci n’ait pas été placé en vue de l’adoption. Si la personne qui l’a recueilli refuse de le rendre, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, s’il y a lieu d’en ordonner la restitution. La restitution rend caduc le consentement à l’adoption », présuppose que l’enfant a été remis à un tiers. Il n’est pas applicable à l’adoption de l’enfant du conjoint.
    Il s’en déduit qu’à défaut de rétractation de son consentement à l’adoption de son enfant dans le délai légal, l’opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier que les conditions légales de l’adoption de l’enfant sont remplies et si celle-ci est conforme à son intérêt. (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-22.507, F-B)

Possession d’état : point de départ du délai de prescription

  • Le point de départ du délai de prescription de l’action en constatation de la possession d’état est la cessation de la possession d’état si elle intervient du vivant du parent prétendu ou, dans le cas contraire, le décès de ce dernier. (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-23.644, F-B)

Procédure civile

Procédure orale et principe de la contradiction

  • Il résulte de la combinaison des articles 16 et 446-1 du code de procédure civile que, en procédure orale, lorsqu’une partie n’a pas été mise en mesure de répondre aux prétentions et moyens adverses, le juge, tenu de faire observer le principe de la contradiction, doit renvoyer l’affaire à une audience ultérieure. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 21-20.297, FR-B)

Pouvoirs du juge des référés

  • Le juge des référés qui ordonne, dans les conditions prévues par la loi, une mesure de remise en état ou de démolition pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation d’une règle d’urbanisme peut autoriser la commune, à défaut d’exécution par le bénéficiaire des travaux dans le délai prescrit, à y procéder d’office aux frais de l’intéressé. Cependant, le juge des référés ne peut ordonner que l’exécution provisoire aura lieu aux risques du bénéficiaire des travaux irréguliers. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-12.787, FS-B)

Titre exécutoire : le cas d’un sous-cautionnement par acte notarié

  • Il résulte de la combinaison des articles L. 111-3, 4° du code des procédures civiles d’exécution et l’article 33 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 que la formule exécutoire apposée sur un acte de prêt notarié confère force exécutoire à l’engagement de sous-cautionnement au bénéfice de la caution, dès lors qu’il figure à l’acte notarié et que la caution, qui a payé le prêteur en raison de la défaillance de l’emprunteur, peut, sur le fondement de ce titre exécutoire, recouvrer sa créance envers la sous-caution, au titre de son action personnelle. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-11.482, FR-B)

La définition renouvelée de la diligence interruptive de péremption

  • Il résulte des articles 2, 3 et 386 du code de procédure civile qu’il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l’instance leur échappe, d’accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l’instance, sanction qui tire les conséquences de leur inertie dans la conduite du procès. Le juge, saisi d’un incident de péremption, par les parties ou d’office, doit rechercher si la péremption est acquise au regard des diligences accomplies par les parties. La disparité de la jurisprudence relativement à la notion de diligence interruptive commande de redéfinir les critères permettant de la caractériser, dans l’objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique : la diligence interruptive du délai de péremption s’entend de l’initiative d’une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l’instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l’affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-15.464, FS-B et n° 22-20.067, FS-B)

Pouvoir et saisine du juge commis à la surveillance des opérations de partage

  • Le juge commis pour surveiller les opérations de partage, qui ordonne une expertise portant sur des actifs de la masse à partager aux fins de liquidation de celle-ci en vue de son partage, tient son pouvoir de désigner un expert des articles 1365 et 1371, alinéa 1er, du code de procédure civile, et non de l’article 1371, alinéa 3, du même code. En usant de ce pouvoir, il ne vide pas sa saisine, restant saisi de la surveillance des opérations de partage. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-18.970, FR-B)

Détermination des créances susceptibles de saisie-attribution

  • Le créancier muni d’un titre exécutoire fondant une saisie-attribution peut saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur, mais non celles du débiteur de ce dernier. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-18.531, FR-B)

Signification de la déclaration d’appel et formalisme excessif

  • Fait preuve d’un formalisme excessif la cour d’appel qui constate, d’une part, que lorsque le greffe de la cour d’appel a informé les appelants que l’intimé n’avait pas constitué avocat dans le délai prescrit et leur avait demandé de procéder par voie de signification conformément aux dispositions de l’article 902, les appelants ne disposaient pas du fichier récapitulatif à leur nom valant déclaration d’appel, dont l’envoi par le greffe est prévu par l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020, et avaient signifié le seul document qui était en leur possession, d’autre part, que l’intimé avait ensuite constitué avocat et avait ainsi été informé de l’acte d’appel. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-17.022, FR-B)

Autorisation de pratiquer une mesure conservatoire : vérifications du JEX relativement à la prescription de la créance

  • Il incombe au juge de l’exécution saisi en vue d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire d’examiner les points litigieux tenant à la prescription applicable et à son point de départ, afin d’apprécier l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe au sens de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-18.847, FR-B)

Cas de réduction du montant de la saisie pratiquée

  • Le créancier ne peut poursuivre le recouvrement que des sommes dues en exécution du titre exécutoire, visé à l’acte, en vertu duquel la saisie est pratiquée. Toutefois, l’erreur portant sur la somme réclamée dans l’acte de saisie, consistant à ce que le créancier a en outre réclamé, dans le décompte, le paiement de sommes dues en vertu d’autres titres qui ne sont pas visés à l’acte, n’est pas une cause de nullité de celui-ci et ne peut donner lieu qu’à la réduction du montant pour lequel la saisie est pratiquée. Du reste, seul le titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée doit être notifié au débiteur. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-18.591, FR-B)

Régularisation du pourvoi

  • La déclaration de pourvoi, même entachée d’un vice de forme, peut être régularisée pendant toute la durée de l’instance de cassation par le dépôt d’une déclaration de pourvoi rectificative ou d’un mémoire du demandeur et, le cas échéant, par une nouvelle déclaration de pourvoi formée dans le délai de l’article 612 du code de procédure civile. Cette possibilité de régularisation s’étend à la déclaration de pouvoir qui comporte une erreur quant à la dénomination du ou des défendeurs à l’instance en cassation. La nullité affectant la déclaration de pourvoi, qui résulte de ce que les griefs ont été dirigés contre une société n’étant plus concernée, étant couverte par la remise au greffe d’un mémoire ampliatif dirigeant les critiques contre le bon défendeur, le pourvoi en cassation est recevable. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-21.527, FR-B)

Énumération implicite des chefs de jugement critiqués

  • Satisfait aux articles 562 et 901, 4° du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 l’acte d’appel qui distingue les chefs de la décision dont il sollicite la confirmation du « surplus » de la décision dont il demande l’infirmation, sans autre précision. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-21.602, FR-B)

Nouvelles précisions sur la « passerelle » des référés au fond

  • Se dessaisit de la contestation et met fin à l’instance la cour d’appel qui, sur appel d’une ordonnance de référé, informe celle-ci pour retenir l’existence de contestations sérieuses s’opposant à la demande de provision et ordonne le renvoi de l’affaire devant une autre formation afin qu’il soit statuer sur le fond. Le pourvoi est donc recevable à l’encontre d’un tel arrêt. Du reste, viole l’article 837 du code de procédure civile par fausse application la cour d’appel qui, saisie sur appel d’une ordonnance de référé, renvoie l’affaire au fond : le bénéfice de ce texte est réservé au président du TJ ou au JCP. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-23.483, FR-B)

Instruction in futurum, droit à la preuve et données personnelles

  • Il incombe au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant d’office le périmètre de la mesure au regard notamment des faits invoqués au soutien de la demande en cause et de la nature des pièces sollicitées. Il lui appartient aussi, eu égard au RGPD, de veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation, sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié demandeur, de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi ; pour ce faire, il lui incombe de s’assurer que les mentions, qu’il spécifiera comme devant être laissées apparentes, sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés en tenant compte du ou des motifs allégués de discrimination. Il lui appartient, enfin, de faire injonction aux parties de n’utiliser les données personnelles des salariés de comparaison, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seuls fins de l’action en discrimination. (Soc. 26 mars 2025, n° 23-16.068, FR-B)

Diligence interruptive de péremption : d’une instance à l’autre

  • Il résulte de l’article 386 du code de procédure civile qu’un acte interruptif de péremption peut être accompli dans une instance différente dès lors que les deux instances se rattachent entre elles par un lien de dépendance direct et nécessaire. (Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-23.948, FS-B)

Notion de « créance contractuelle » dans la procédure d’injonction de payer

  • Il résulte de l’article 1405 du code de procédure civile que le recouvrement d’une créance contractuelle ne peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer que si son montant est déterminé en vertu des stipulations du contrat. Une telle procédure n’est donc pas ouverte au demandeur invoquant une créance au titre de dégradations locatives n’est pas déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail. (Civ. 3e, 27 mars 2025, n° 23-21.501, FS-B)

Compétence internationale en matière successorale

  • L’article 13 du règlement n° 650/2012 « Successions » s’interprète en ce sens que les juridictions de l’Etat membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession ne sont pas compétentes pour approuver un tel refus. (CJUE, 27 mars 2025, aff. C-57/24)

Précisions sur le règlement « Aliments » : champ d’application, compétence subsidiaire procédant de la nationalité et forum necessitatis

  • L’article 1er, § 1, du règlement n° 4/009, lu à la lumière du considérant 15 de ce règlement, s’interprète en ce sens qu’une demande de modification d’une décision concernant des obligations alimentaires rendue par une juridiction d’un État tiers autre qu’un État partie à la convention sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille, conclue à La Haye le 23 novembre 2007, visant, en partie, à réduire le montant d’une pension alimentaire et, en partie, à supprimer les obligations concernées, introduite devant une juridiction d’un Etat membre par le débiteur de ces obligations, ressortissant de cet Etat membre et ayant sa résidence habituelle sur le territoire dudit Etat membre, contre les créanciers desdites obligations ayant leur résidence habituelle sur le territoire de cet État tiers, dont l’un est uniquement ressortissant dudit État tiers et les autres sont ressortissants de celui-ci ainsi que du même Etat membre, relève du champ d’application dudit règlement.
    L’article 6 du règlement « Aliments » s’interprète en ce sens que la règle de compétence subsidiaire des juridictions de l’Etat membre de la nationalité commune des parties s’applique lorsque, outre la nationalité de l’Etat membre de la juridiction saisie, les défendeurs possèdent la nationalité d’un État tiers.
    L’article 7 du même règlement s’interprète en ce sens que relève de la notion de « cas exceptionnels » permettant à la juridiction d’un Etat membre de connaître d’un litige au titre de la règle de compétence du forum necessitatis prévue audit article la situation dans laquelle une demande de modification d’une décision concernant des obligations alimentaires rendue par une juridiction d’un État tiers autre qu’un État partie à la Convention de La Haye précitée, visant à supprimer les obligations concernées, est introduite devant une juridiction d’un Etat membre par le débiteur desdites obligations, ressortissant de cet Etat membre et ayant sa résidence habituelle sur le territoire de celui-ci, contre le créancier desdites obligations, ressortissant de cet État tiers et ayant sa résidence habituelle sur le territoire de ce dernier, à condition qu’une telle demande ne puisse raisonnablement être introduite ou conduite ou se révèle impossible devant les juridictions de l’État tiers concerné. (CJUE, 27 mars 2025, aff. C-67/24)

Régimes matrimoniaux

Cession d’actions communes postérieurement à la dissolution de la communauté et nécessité de l’accord des deux époux

  • La cession d’actions communes postérieurement à la dissolution de la communauté requiert, en principe, l’accord des deux époux conformément à l’article 815-3 du code civil.
    Pour rejeter la demande tendant à voir sanctionner au titre du recel de communauté les cessions par son ancien époux seul des actions des sociétés COGEP et groupe COGEP intervenues le 26 juin 2013, un arrêt ne peut retenir que l’affirmation d’une vente à vil prix par le vendeur à lui-même est inopérant, la valeur des parts à la date la plus proche possible du partage devant être portée à l’actif de la communauté.
    En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la possibilité que l’indivisaire ait entendu soustraire au partage, en se l’appropriant directement ou indirectement, la différence entre le prix apparent et la valeur réelle des actions communes cédées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 23-14.322, F-B)

Successions et libéralités

Portée de la nature successorale du droit au retour

  • Il résulte des articles 724 et 775, alinéa 2, du code civil que les héritiers de celui qui est appelé à une succession sans avoir pris parti disposent séparément, chacun pour leur part, de tous les droits de leur auteur. Le droit de retour institué au profit des père et mère sur les biens par eux donnés à l’enfant prédécédé sans postérité, prévu à l’article 738-2 du code civil, est de nature successorale.
    En conséquence, lorsque l’ascendant donateur décède, sans avoir pris parti sur ce droit, celui-ci est transmis à ses héritiers. (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-23.145, FS-B)

Appréciation de l’existence de l’élément matérielle d’une libéralité rapportable

  • L’existence de l’élément matériel d’une libéralité rapportable pouvant résulter de la minoration du prix de vente de terres agricoles à un héritier présomptif doit s’apprécier au regard de la valeur réelle des terres au jour de leur vente, considération prise de l’existence d’un bail, peu important que celui-ci ait été consenti à cet héritier. (Civ. 1re, 26 mars 2025, n° 22-23.937, FS-B)

Qualité de successible

  • Doit être regardé comme s’étant présenté à la succession, au sens de l’article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques, le successible qui se manifeste dans le délai de trente ans suivant le décès du propriétaire d’un immeuble pour en réclamer la transmission successorale, et, ainsi, faire obstacle à son appropriation publique. (Civ. 3e, 27 mars 2025, n° 23-17.940, FS-B)

 

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