Panorama de l’actualité « Social » de la semaine du 10 mars 2025
Sélection de l’actualité « Social » marquante de la semaine du 10 mars.
Accords collectifs
Annulation d’un accord collectif et modulation des effets de l’annulation
- Par un arrêt du 12 mars 2025, la Cour de cassation précise les modalités d’application de l’article L. 2262-15 du code du travail habilitant le juge à limiter ou moduler dans le temps les effets de l’annulation d’une clause d’un accord collectif. Ce pouvoir implique pour le juge de prendre en considération les conséquences manifestement excessives d’une annulation rétroactive de l’accord en raison tant des effets que cet acte a d’ores et déjà produits et des situations qui ont pu se constituer que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets. En l’espèce, la Chambre sociale a jugé que les conditions permettant au juge de moduler les effets dans le temps de la décision d’annulation de l’accord collectif ne sont pas réunies lorsque la décision d’annulation de l’accord collectif résulte du non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif relatives à la qualité des parties signataires et qu’il est constaté que la société ne fournissait pas de précisions quant aux conséquences de l’annulation de l’accord, pour elle ou pour les salariés. (Soc. 12 mars 2025, n° 23-12.378, FS-B, 2e moyen)
Appréciation de la validité d’un accord collectif intercatégoriel
- L’appréciation de la validité d’un accord collectif concernant le personnel au sol d’une compagnie aérienne, accord collectif intercatégoriel, doit se faire en application de l’article L. 2232-12 du code du travail, de sorte que le taux de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique doit être calculé tous collèges confondus. En l’espèce, si les deux organisations syndicales signataires de l’accord collectif totalisaient plus de 50 % des suffrages dans les trois premiers collèges concernant le personnel au sol, tel n’était pas le cas tous collèges confondus, l’avenant la convention d’entreprise du personnel au sol devait être annulé. (Soc. 12 mars 2025, n° 23-12.378, FS-B, 1er moyen)
Durée du travail
Invalidité de la convention de forfait jours et préjudice nécessaire
- Par deux arrêts du 11 mars 2025, la Cour de cassation décide que la convention de forfait en jours nulle en application d’un accord collectif invalide ou privée d’effet en raison du non-respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives au suivi de la charge de travail ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié. Elle juge, pour la première fois à notre connaissance, que la nullité ou la privation d’effet d’une convention de forfait n’ouvre pas, à elle seule, droit à réparation. Il incombe donc au salarié de prouver le préjudice distinct en résultant. (Soc. 11 mars 2025, n° 23-19.669, FS-B et Soc. 11 mars 2025, n° 24-10.452, FS-B)
Prise de congés payés et préjudice nécessaire
- En cas de manquement de l’employeur à son obligation, les droits à congé payé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail. Il en découle qu’un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait. (Soc. 11 mars 2025, n° 23-16.415, FS-B)
Formation professionnelle
Compte personnel de formation
- Arrêté du 10 janvier 2025 modifiant l’arrêté du 21 mai 2021 relatif à la transmission au système d’information du compte personnel de formation des informations relatives aux titulaires des certifications enregistrées aux répertoires nationaux. (Arr. TSSD2500475A du 10 janv. 2025)
Rupture du contrat de travail
Protection du salarié en arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle et conformité à la Constitution
- Les dispositions du code du travail relatives à l’interdiction de rompre le contrat de travail d’un salarié pendant la durée d’un arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle, sauf cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le salarié, sans toutefois prévoir aucune voie de droit permettant à l’employeur de contester l’arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle établi par le médecin, sont-ils contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, et en particulier au droit à un recours juridictionnel effectif et à la liberté d’entreprendre. La question posée ne présente pas un caractère sérieux. L’interdiction de licencier, qui comporte des exceptions, répond à des motifs d’intérêt général de maintien de l’emploi du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et dont le contrat de travail est suspendu pour ce motif et n’apporte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. (Soc. QPC, 12 mars 2025, n° 24-19.110, FS-B)
Réorganisation et appréciation de l’existence d’une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe
- Les juges du fond ont suffisamment caractérisé les menaces qui pesaient sur la compétitivité de l’entreprise et la nécessité de prendre des mesures d’anticipation afin de préserver l’emploi lorsqu’il est relevé que, sur la même période, la société démontrait que cette dégradation de son positionnement sur le marché français n’avait pu être compensée au niveau du groupe par ses autres filiales européennes, lesquelles avaient enregistré également une diminution de leur activité ; que les causes à l’origine de la perte de compétitivité étaient notamment l’intensification de la concurrence sur le secteur d’activité de la vente de compléments alimentaires et de produits phytosanitaires dans le circuit officinal, passant de 4 principaux concurrents à 8 concurrents, une sous-performance d’activité sur ses marchés phares, dont notamment le segment « stress et sédatifs » pour lequel elle avait enregistré une croissance de 1 % lorsque celle du marché était de 31 %, une absence de lancement de nouveaux produits apparaissant dans le top 10 du marché depuis plusieurs années, et un manque d’adaptation aux évolutions du marché de la pharmacie en France, notamment en termes de stratégie commerciale. De ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire, sans pouvoir se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation, l’existence d’une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise de nature à justifier sa réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir. (Soc. 11 mars 2025, n° 23-22.756 FS-B ,1er moyen)
Congé de reclassement dépassant la durée du préavis : non maintien des avantages en nature
- Lorsqu’un salarié se trouve en congé de reclassement, au cours de la période dépassant la durée de son préavis, le salarié bénéficie – aux termes de l’article R. 1233-32 du code du travail - d’une rémunération mensuelle à la charge de l’employeur, dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne précédant la notification du licenciement. Il ne peut prétendre au maintien des avantages en nature dont il bénéficiait durant le préavis. (Soc. 11 mars 2025, n° 23-22.756, FS-B, 2e moyen)
Salaire
Saisie des rémunérations : compétence du juge de l’exécution
- Dans l’attente de l’adoption d’une disposition législative instaurant le recours du débiteur contre la mise à prix en matière de saisie de droits incorporels, le juge de l’exécution demeure compétent, dans les limites de la décision du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023, en application de l’article L. 213-6, alinéa 1er, du code de l’organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de cette décision, pour connaître des contestations des mesures d’exécution forcée mobilière. L’abrogation partielle du premier alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire est sans incidence sur le cinquième alinéa aux termes duquel le juge de l’exécution connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, ce dont il résulte que le juge de l’exécution demeure compétent pour statuer sur la demande du créancier et les contestations y afférentes (Civ. 2e, avis, 13 mars 2025, n° 25-70.003, FS-B)
AGS et rémunérations complémentaires dues aux artistes-interprètes
- L’Adami n’a aucune qualité à agir sur le fondement de l’article L. 625-4 du code de commerce afin d’obtenir que les rémunérations complémentaires dues aux artistes-interprètes en contrepartie de l’exploitation de leurs prestations enregistrées soient garanties par l’AGS. (Soc. 12 mars 2025, n° 22-17.960, FS-B)
Santé au travail
Défaut de surveillance médicale du travailleur de nuit et préjudice nécessaire
- Le manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice qui en résulterait afin d’en obtenir la réparation intégrale. (Soc. 11 mars 2025, n° 21-23.557, FS-B)
Syndicat professionnel
Date d’appréciation des conditions de validité de la désignation d’un représentant syndical au CSE d’établissement
- Les conditions de validité de la désignation d’un représentant syndical, tenant à la personne du salarié désigné, doivent être appréciées à la date de la désignation. A cette date, lorsque l’entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au comité social et économique d’un établissement doit travailler dans cet établissement. (Soc. 11 mars 2025, n° 24-11.467, F-B)
Communications syndicales et égalité de traitement
- Les facilités prévues par une convention ou un accord collectif permettant de rendre accessibles, sous forme de « lien », les sites syndicaux mis en place sur l’intranet de l’entreprise ne peuvent, sans porter atteinte au principe d’égalité de traitement en matière de communication syndicale, être réservées aux seuls syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise dès lors que l’affichage et la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise sont liés, en vertu des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du code du travail, à la constitution par les organisations syndicales d’une section syndicale, laquelle n’est pas subordonnée à une condition de représentativité.(Soc. 12 mars 2025, n° 23-12.997, FS-B)
Transfert d’entreprise
Reprise d’activité par une personne publique et refus du salarié d’accepter un contrat de droit public
- En l’absence de dispositions prévoyant une procédure particulière pour la proposition de contrat de droit public en cas de reprise par une personne publique, le refus du salarié de signer le contrat de droit public proposé par la personne publique n’est soumis à aucune forme particulière, et peut donc résulter du silence gardé par le salarié à l’issue de son délai de réflexion.(Soc. 12 mars 2025, n° 22-20.627, FS-B)
Travail temporaire
Salarié protégé et rupture amiable du contrat de mission
- En présence de la conclusion d’un nouveau contrat de mission répondant aux conditions de l’article L. 1251-26 du code du travail, excluant toute décision de l’entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission, la saisine de l’inspecteur du travail d’une demande d’autoriser la rupture amiable du contrat de mission du travailleur temporaire bénéficiant d’un statut protecteur au titre d’un mandat de conseiller du salarié n’était pas requise. (Soc. 12 mars 2025, n° 22-23.460, FS-B)
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