Panorama rapide de l’actualité « Affaires » de la semaine du 23 juin 2025
Sélection de l’actualité « Affaires » marquante de la semaine du 23 juin.
 
                            Assurances
Assurance automobile : opposabilité de la nullité du contrat en cas de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré à l’assureur d’un autre véhicule impliqué dans l’accident
- Si l’assureur dont le contrat est nul sur le fondement de l’article L. 113-8 du code des assurances est tenu d’indemniser les tiers lésés, à l’égard desquels la nullité est inopposable, il est en droit d’obtenir de l’assureur d’un autre véhicule impliqué dans l’accident, auquel cette nullité est opposable, le remboursement de l’intégralité des sommes qu’il a versées. (Civ. 2e, 26 juin 2025, n° 23-20.778, FS-B)
Assurance automobile et oppposabilité aux victimes ou à leurs ayants droit des déchéances: exception de la suspension régulière de la garantie pour non-paiement de prime
- Les articles 3, alinéa 1er, et 13 de la directive n° 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui a pour effet que soit opposable aux personnes lésées par un accident de la circulation la suspension du contrat d’assurance obligatoire pour non-paiement de prime par l’assuré.
 Cette analyse est confortée, en droit interne, par la nouvelle rédaction de l’article R. 211-13 du code des assurances, issue du décret n° 2023-1225 du 21 décembre 2023, qui ne mentionne plus la suspension pour non-paiement de prime comme une exception opposable aux victimes d’accidents de la circulation.
 Ce même article, dans sa rédaction antérieure audit décret de 2023, n’est donc pas conforme au droit de l’Union européenne. Cependant, les articles 3 et 13 de la directive 2009/103/CE ne peuvent être interprétés, sans qu’il puisse subsister un doute raisonnable, comme concrétisant un principe général du droit de l’Union qui serait susceptible de justifier l’invocabilité directe de cette directive à l’encontre d’un particulier. Un tribunal peut donc, à bon droit, refuser d’écarter cette norme interne et rejeter la demande en remboursement formée par le FGAO à l’encontre d’un assureur. (Civ. 2e, 26 juin 2025, n° 23-16.328, FS-B; Civ. 2e, 26 juin 2025, n° 24-13.312, FS-B)
Concurrence
Contrôle des concentrations : marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité
- Par son arrêt EVH e.a., la Cour rejette cinq des neuf pourvois dirigés contre les arrêts du Tribunal du 17 mai 2023, rendus sur le fond, et confirme ainsi, à l’instar du Tribunal, l’approbation par la Commission de la première opération (achat d’actifs de production d’E.ON par RWE). La Cour confirme, en particulier, qu’un échange d’actifs entre des entreprises indépendantes ne constitue pas une « concentration unique ». En revanche, par ses quatre autres arrêts de ce jour, la Cour annule quatre arrêts du Tribunal du 17 mai 2023 par lesquels ce dernier avait rejeté les recours respectifs comme irrecevables au motif que les régies municipales en question n’étaient pas individuellement concernées par l’approbation, par la Commission, de la première opération (achat d’actifs de production d’E.ON par RWE). En effet, la Cour relève que ces régies municipales avaient invoqué certains arguments portant sur l’affectation, prétendument substantielle, de leur position sur le marché à la suite de cette opération. Or, selon la Cour, le Tribunal a manqué à son obligation de motivation en n’ayant fourni aucun élément de motivation, même succinct, permettant de comprendre si ces arguments ont été examinés et, dans cette hypothèse, pour quelles raisons ils ont été considérés inaptes à établir une telle affectation. Toutefois, statuant elle-même définitivement sur les quatre litiges en question, la Cour constate, après avoir examiné lesdits arguments, que les quatre régies municipales n’ont pas établi que leur position de marché était affectée de manière substantielle par l’opération concernée. Par conséquent, elles n’ont pas établi être individuellement concernées par la décision y relative de la Commission. La Cour rejette donc, à l’instar du Tribunal, les quatre recours comme étant irrecevables. (CJUE, 26 juin 2025, EVH / Commission, C-464/23 P ; CJUE, 26 juin 2025, Stadtwerke Hameln Weserbergland / Commission, C‑466/23 P ; CJUE, 26 juin 2025, Eins energie in sachsen / Commission, C-469/23 P ; CJUE, 26 juin 2025, Mainova / Commission, C‑484/23 P ; CJUE, 26 juin 2025, Enercity / Commission, C‑485/23 P)
Avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné
- Il résulte de la combinaison des articles L. 441-6, I, L. 441-7, I, et L. 442-6, I, 1°, du code de commerce, que seul l’avantage ne relevant pas des obligations d’achat et de vente consenti par le fournisseur au distributeur doit avoir pour contrepartie un service commercial effectivement rendu. (Com. 25 juin 2025, n° 24-10.440, FS-B)
Liberté d’expression, abus de position dominante et effets anticoncurrentiels
- Un discours ou une communication de l’entreprise en position dominante est susceptible de constituer un abus au sens de l’article 102 TFUE, lequel s’apprécie au regard des seuls critères posés par ce texte. Cependant, si l’article 10 de la Convention est invoqué par l’entreprise, cette pratique anticoncurrentielle ne peut faire l’objet d’une sanction que si celle-ci remplit les exigences de l’article 10 § 2 précité, à savoir qu’elle est prévue par la loi, inspirée par l’un des buts légitimes au regard dudit paragraphe et nécessaire, dans une société démocratique, pour les atteindre, notamment au regard de sa nature et de son montant [CEDH, C8 (Canal 8) c. France, n° 58951/18 et 1308/19, §§ 72-82 et 97-104, 9 février 2023]. Pour dire que les pratiques ne sont pas établies, l’arrêt énonce que le discours diffusé par la société Novartis, la lettre du 26 mai 2011 de la société Roche à l’AFSSAPS et la lettre de la société Novartis du 9 mai 2011 se rapportent à un sujet d’intérêt général, reposent sur une base factuelle suffisante, ne manquent ni de prudence ni de mesure, ne revêtent pas un caractère trompeur et s’inscrivent dès lors dans les limites de la liberté d’expression. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que ces communications n’étaient pas constitutives d’abus de position dominante, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. (Com. 25 juin 2025, n° 23-13.391, FS-B)
Concurrence déloyale : VTC et non-repsect du droit du travail
- Constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur. Il en résulte que le fait pour un concurrent de s’affranchir des obligations imposées par la législation du travail peut être constitutif d’une faute de concurrence déloyale. (Com. 25 juin 2025, n° 23-22.430, FS-B)
Concurrence déloyale ou illicite entre personnes de droit privée: compétence
- Il résulte de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qu’une action en concurrence déloyale exercée entre deux personnes de droit privé relève du juge judiciaire, même si les actes déloyaux ont eu lieu à l’occasion de la passation ou de l’exécution d’un contrat public. Ayant constaté que l’appréciation des demandes indemnitaires de la demanderesse n’impliquait pas pour le juge de se prononcer sur la régularité de la procédure de passation du contrat public, la cour d’appel a exactement déduit que ces demandes, dirigées contre deux sociétés commerciales, relevaient de la compétence du tribunal judiciaire. Il résulte également de ces textes que le juge judiciaire, saisi d’une action en concurrence déloyale exercée contre une personne de droit privé, est compétent pour ordonner à celle-ci la cessation pour l’avenir de ses agissements illicites, quand bien même seraient-ils commis à l’occasion de la passation ou de l’exécution de contrats publics. (Com., 25 juin 2025, n° 24-18.905, FS-B)
Distribution
Sanction de l’avantage sans contrepartie (C. com., art. L. 442-1, I, 1°) : domain d’application
- Seul l’avantage ne relevant pas des obligations d’achat et de vente consenti par le fournisseur au distributeur doit avoir pour contrepartie un service commercial effectivement rendu. (Com. 25 juin 2025, n° 24-10.440, FS-B)
Régime des obligations
Conditions de recevabilité de l’action paulienne
- Le créancier qui exerce l’action paulienne doit justifier d’une créance certaine au moins en son principe à la date de l’acte argué de fraude ainsi, sous peine d’irrecevabilité, qu’au moment où le juge statue. (Civ. 3e, 26 juin 2025, n° 23-21.775, FS-B)
Responsabilité
Responsabilité contractuelle : caractère incomplet de l’intervention d’un garagiste
- Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n’est engagée qu’en cas de faute, l’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention.
 Il incombe, le cas échéant, au garagiste d’apporter la preuve que son intervention a été limitée à la demande de son client et qu’il l’a averti du caractère incomplet de cette intervention et de ses conséquences. (Civ. 1re, 25 juin 2025, n° 23-22.515, FS-B)
Responsabilité contractuelle : réparation d’un garagiste non conforme aux règles de l’art
- Il résulte de ce même article 1147, d’une part, que la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées est engagée en cas de faute, d’autre part, que caractérise une faute l’exécution par le garagiste d’une réparation non conforme aux règles de l’art, même à la demande de son client.
 Si une faute du client peut exonérer partiellement le garagiste de sa responsabilité, ne saurait caractériser une telle faute le fait pour le client de solliciter une réparation provisoire qui ne serait pas conforme aux règles de l’art.
 L’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. (Civ. 1re, 25 juin 2025, n° 24-10.875, FS-B)
Responsabilité contractuelle : devoir de conseil et de prudence de l’avocat et perte de chance
- Tenu d’un devoir de conseil et de prudence, l’avocat a l’obligation d’appeler l’attention de son client sur les incertitudes du droit positif au jour de son intervention et sur les risques pouvant affecter la validité ou l’efficacité de l’opération projetée.
 La perte de chance résultant de la remise en cause du bénéfice du sursis d’imposition ne peut correspondre à un pourcentage du principal de l’impôt dont le contribuable a dû s’acquitter en exécution du redressement mais doit être mesurée, d’une part, au regard du montant prévisible de l’impôt qui aurait été dû en fin de mesure, d’autre part, en considération des pénalités et majorations à la charge du contribuable et uniquement en considération de celles-ci lorsque les circonstances rendent impossible la reconstitution fictive de l’avantage fiscal perdu. (Civ. 1re, 25 juin 2025, n° 23-16.629, FS-B)
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