Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 13 octobre 2025

Sélection de l’actualité « Civil » marquante de la semaine du 13 octobre.

Biens

Propriété : conversion en propriété d’une servitude

  • Les dispositions de l’article 10 du décret du 28 août 1792, qui n’ont fait que convertir en droit de propriété un droit qui, jusque-là, ne constituait qu’une simple servitude, ne sont dérogatoires à celles de l’article 9 que dans le cas où le demandeur justifie d’un titre valable à un droit personnel comme usager au jour de la publication de ce texte et ne l’autorisent à réclamer que la portion de terres vaines et vagues à laquelle correspond son titre. Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d’appel qui qualifie de « commun de village » tout ou partie d’une parcelle sans vérifier, comme il lui incombait, si au jour de la publication du texte susvisé, les habitants du village disposaient d’un titre les autorisant à en user. (Civ. 3e, 16 oct. 2025, n° 23-22.845, FS-B)

Officiers publics et ministériels

Discipline des commissaires de justice : suspension provisoire

  • Aux termes de l’article 17, alinéa 1er, de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022, lorsque l’urgence ou la protection d’intérêts publics ou privés l’exige, le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut, à la demande d’une des autorités compétentes pour exercer l’action disciplinaire, suspendre provisoirement de ses fonctions le professionnel qui fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite disciplinaire ou pénale, après avoir recueilli ses observations au terme d’un débat contradictoire.
    Il en résulte que sont indistinctement concernées l’enquête prévue à l’article 10 de l’ordonnance précitée et l’enquête pénale, préliminaire ou de flagrance, laquelle peut également se rapporter à des faits de nature à justifier une suspension provisoire ordonnée en urgence ou pour la protection d’intérêts publics ou privés.
    Viole en conséquence l’article 10 précité, la Cour nationale de discipline des commissaires de justice qui, pour rejeter la demande de suspension provisoire, après avoir relevé l’absence de poursuite disciplinaire à la date à laquelle le président de la formation disciplinaire du premier degré a ordonné la mesure, un arrêt ne peut énoncer, d’une part, que l’enquête préliminaire ne constitue pas une poursuite pénale, d’autre part, que l’enquête au sens de l’article 17 de l’ordonnance du 13 avril 2022 doit s’entendre de celle prévue à l’article 10 du même texte. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-15.996, FS-B)

Procédure civile

Expertise amiable et fait constant

  • Si le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur un rapport d’expertise non judiciaire, même contradictoire, établi à la demande d’une partie, il en va différemment si les constatations et conclusions expertales portent sur un fait établi et non discuté par les parties. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-15.281, FR-B)

Droit de la copropriété et concentration des prétentions

  • La demande en annulation de plusieurs résolutions d’une assemblée générale, si elle tend aux mêmes fins que la demande en annulation de l’assemblée générale en son ensemble, n’est recevable devant la cour d’appel que si elle a été présentée par la partie qui la forme dans ses premières conclusions sur le fond. (Civ. 3e, 16 oct. 2025, n° 24-10.606, FS-B)

Responsabilité civile

Responsabilité du fait des produits défectueux : indemnisaiton du préjudice commercial d’un employeur

  • Selon l’article 1386-2, devenu 1245-1 du code civil et l’article 1er du décret n° 2005-113 du 11 février 2005, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s’appliquent à la réparation, d’une part, du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne, d’autre part, du dommage supérieur à 500 euros, qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
    Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d’une atteinte à la réputation causée par une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, y compris par ricochet, sont couverts par le régime de responsabilité du fait des produits défectueux (Civ. 1re, 25 mai 2023, n° 21-23.174 P).
    Selon l’article 1386-13, devenu 1245-12, du code civil, la responsabilité du producteur au titre d’un défaut du produit peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par le défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable.
    Pour rejeter la demande de l’employeur en indemnisation de son préjudice commercial, un arrêt ne peut retenir qu’il a été condamné par un arrêt devenu irrévocable pour faute inexcusable envers son salarié.
    En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations selon lesquelles l’explosion du manomètre était imputable à un défaut de fabrication, que la faute de l’employeur ne constituait pas la cause unique de son préjudice commercial, la cour d’appel a ainsi violé les textes précités. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-10.782, F-B)

Responsabilité médicale : préjudice subi par les parents

  • Le préjudice des parents ouvrant droit à réparation ne se limite pas aux préjudices extrapatrimoniaux et peut inclure des pertes de gains professionnels et une incidence professionnelle lorsqu’ils se trouvent contraints, pour prendre en charge leur enfant handicapé, de cesser ou modifier leur activité professionnelle.
    C’est donc à bon droit qu’après avoir constaté qu’en raison du handicap de leur enfant et du temps devant lui être consacré, la mère avait pris un congé parental de longue durée et repris ensuite un travail à temps partiel sur un autre poste moins bien rémunéré et que le père avait subi une perte de revenus jusqu’en 2015, la cour d’appel saisie de l’affaire a indemnisé leurs pertes de gains professionnels à hauteur de la chance perdue. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-16.323, FS-B+R)

Infirmiers anesthésistes diplômés d’État : nécessité d’une présence dans le bloc opératoire

  • Il résulte de l’article R. 4311-12 du code de la santé publique que, lorsque des actes d’anesthésie ou la surveillance postinterventionnelle sont réalisés par des infirmiers anesthésistes diplômés d’État, l’anesthésiste doit être dans le bloc opératoire et non dans les étages de l’établissement ou en consultation afin de pouvoir se libérer immédiatement pour faire face à une urgence vitale lors d’une intervention. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-16.873, F-B)

Caractère d’anormalité des actes de prévention, de diagnostic ou de soins (appréciation)

  • Il résulte de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I, ou celle d’un producteur de produits n’est pas engagée, l’ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition notamment qu’ils présentent un caractère d’anormalité au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de cet état.
    Ce caractère est rempli :
    - Soit, lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ;
    - Soit, dans le cas contraire, si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
    Pour écarter l’anormalité et rejeter la demande d’indemnisation la victime, un arrêt ne peut relever que la paralysie récurentielle gauche et la hernie diaphragmatique subies par l’intéressée caractérisent des conséquences plus graves que celles dont elle aurait souffert en l’absence d’intervention mais que leur probabilité n’est pas suffisamment faible pour justifier une prise en charge par la solidarité nationale. En statuant ainsi, une cour d’appel, qui, en appliquant le premier critère, a pris en compte la probabilité de survenue du dommage se rapportant au second, viole le texte susvisé.
    Pour écarter l’anormalité du dommage et rejeter la demande d’indemnisation de la victime, après avoir constaté que l’acte médical n’avait pas entraîné des conséquences plus graves que celles auxquelles elle était exposée de manière suffisamment probable en l’absence de traitement, l’arrêt retient qu’une plaie trachéale constitue une complication redoutée survenant dans 1 à 2 % des cas, mais que cette plaie ne saurait être prise en compte que pour une part très minoritaire dans la dégradation de la fonction respiratoire de la victime. En statuant ainsi, une cour d’appel, qui, en appliquant le second critère, a pris en compte la gravité des conséquences auxquelles était exposée la victime se rapportant au premier, viole le texte susvisé. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-14.186, F-B)

 

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