Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 1er juillet 2024

Sélection de l’actualité « Civil » marquantes de la semaine du 1er juillet.

Contrats

Cession d’un droit au bail et portée de la garantie du cessionnaire de l’éviction du bail

  • Il résulte de l’article 1630 du code civil que lorsque le cédant est tenu de garantir le cessionnaire de l’éviction du bail dont il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l’inopposabilité de la cession, il ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux. (Civ. 3e, 4 juill. 2024, n° 23-13.822, FS-B)

Manquement contractuel invoqué par un tiers sur le terrain délictuel

  • La Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s’il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu’il subit, il n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963, B.).
    Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants. (Com. 3 juill. 2024, n° 21-14.947, FS-B)

Justice

Ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire

  • Un décret du 28 juin met en œuvre plusieurs dispositions de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.
    D’une part, il modifie le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’Ecole nationale de la magistrature afin de tirer les conséquences de la suppression des limites d’âge pour l’accès à la magistrature.
    D’autre part, il modifie le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature. Le statut des magistrats des cours d’appel et des tribunaux en service extraordinaire, les modalités de la reconnaissance d’aptitude préalable à la réintégration des magistrats à l’issue d’une disponibilité et la procédure de contrôle des activités privées exercées par les magistrats sont précisées. La durée minimale d’exercice des fonctions pour bénéficier de la nouvelle priorité d’affectation est fixée. Les dispositions relatives aux magistrats exerçant à titre temporaire, compte tenu de l’extension de leurs compétences aux fonctions du parquet, et à la déclaration d’intérêts des magistrats, eu égard à l’extension de cette obligation aux magistrats de l’inspection générale de la justice, sont adaptées. La possibilité pour les magistrats du second grade d’exercer en cour d’appel est introduite.
    Il modifie ensuite le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature pour insérer dans une section dédiée les modalités de délibération dans le cadre de ses attributions autres qu’en matière de nomination et discipline et préciser les modalités de la demande d’enquête administrative émanant de la commission d’admission des requêtes ou du rapporteur.
    Il procède également à plusieurs mesures de coordination dans le code de l’organisation judiciaire et y précise les modalités d’information et de bilan des délégations décidées par les chefs de cour au sein d’une juridiction d’outre-mer ou de Corse.
    Il précise en outre les conditions du premier concours spécial d’accès à l’auditorat de justice qui sera expérimenté jusqu’au 31 décembre 2026.
    Enfin, il abroge le décret n° 93-549 du 26 mars 1993 pris pour l’application de l’article 76-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. (Décr. n° 2024-637 du 28 juin 2024 pris pour l’application des articles 1er, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 12, 13 et 14 de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire)

Vérification des comptes de gestion des majeurs protégés

  • Un décret du 2 juillet prévoit que, pour le contrôle des comptes de gestion du majeur protégé, le juge des tutelles désigne un professionnel qualifié inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Cette inscription est subordonnée au respect de conditions de formation ou d’expérience professionnelle, d’assurance et de moralité. Par dérogation, les notaires, les commissaires de justice, les commissaires aux comptes et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont dispensés de rapporter la preuve qu’ils remplissent ces conditions. Le décret impose à chaque professionnel qualifié le respect d’une obligation de secret professionnel et d’une interdiction de conflit d’intérêts. Il fixe les modalités relatives au retrait de la liste du professionnel qualifié par le procureur de la République, à la consultation du dossier par le professionnel qualifié, ainsi qu’au dessaisissement du professionnel qualifié de sa mission de contrôle des comptes de gestion par le juge. Par ailleurs, il modifie les articles 29 et 30 du décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021 relatif aux compétences des commissaires de justice, pour permettre la désignation des commissaires de justice en qualité de professionnel qualifié pour le contrôle des comptes de gestion des majeurs protégés. Il précise les critères de la rémunération du professionnel qualifié et prévoit que le coût du contrôle des comptes de gestion n’est pas à la charge de la personne protégée lorsque ses ressources sont inférieures ou égales à un montant déterminé par arrêté. Enfin, il renvoie à deux arrêtés pour la détermination de la rémunération du professionnel qualifié et pour la fixation des modèles de comptes de gestion, d’approbation du compte et de rapport de difficulté. (Décr. n° 2024-659 du 2 juillet 2024 relatif au contrôle des comptes de gestion pris en application de l’article 512 du code civil et modifiant le décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021 relatif aux compétences des commissaires de justice. - V. aussi : Arr. du 4 juillet 2024 fixant la rémunération du professionnel qualifié chargé du contrôle des comptes de gestion en application de l’article 512 du code civil)

Procédure civile

Mise en œuvre le plan d’action pour la justice sous l’angle des mesures de simplification de la procédure civile

  • Un décret du 3 juillet étend, tout d’abord, l’audience de règlement amiable aux litiges relevant de la compétence du juge des loyers commerciaux et du tribunal de commerce, ainsi qu’aux litiges relevant de la compétence de chambre commerciale du tribunal judiciaire dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
    Il clarifie, ensuite, le régime des fins de non-recevoir au sein du livre Ier du code de procédure civile. Il assouplit le traitement procédural de fins de non-recevoir par le juge de la mise en état en lui permettant dans certains cas de renvoyer l’examen d’une fin de non-recevoir devant la formation de jugement.
    Il modifie également la liste des ordonnances du juge de la mise en état susceptibles de faire l’objet d’un appel immédiat en y excluant les ordonnances qui, en statuant sur une exception de nullité, une fin de non-recevoir ou un incident d’instance, ne mettent pas fin à l’instance.
    Il fluidifie et sécurise le circuit procédural de l’intermédiation financière des pensions alimentaires.
    Il améliore en outre la procédure de contrôle des mesures d’isolement et de contention par le juge compétent, assouplit les modalités de comparution du ministère public lorsqu’il agit en qualité de partie principale devant le juge des tutelles et adapte la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation afin de permettre aux juridictions tenues de statuer dans un délai déterminé ou en urgence d’y recourir.
    Il permet aux commissaires de justice d’exercer une nouvelle activité accessoire d’intermédiaire immobilier et de faire état de leur qualité professionnelle dans l’exercice de leurs activités accessoires.
    Le décret permet, enfin, aux chefs de cour de désigner les magistrats au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels.Il apporte des précisions sur les conditions de remplacement d’un membre ayant interrompu son mandat avant son terme. (Décr. n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées)

Moyen relevé d’office : réouverture des débats (non)

  • Lorsqu’il envisage de relever d’office un moyen et invite les parties à présenter leurs observations dans une note en délibéré, le juge n’est pas tenu d’ordonner la réouverture des débats. (Com. 3 juill. 2024, n° 21-14.947, FS-B)

Successions

Partage unique de plusieurs indivisions entre les mêmes personnes

  • Il se déduit de l’article 883 du code civil que l’effet déclaratif du partage est sans incidence sur l’efficacité de la cession d’une quote-part de l’universalité d’une indivision, de sorte que le cessionnaire acquiert, par le seul effet de la cession, la qualité d’indivisaire. Il résulte de l’article 840-1 du même code, qu’il ne peut être procédé au partage unique de plusieurs indivisions que si celles-ci existent entre les mêmes personnes. En conséquence, viole ces textes la cour d’appel qui, pour ordonner le partage, entre les trois fondateurs de sociétés civiles immobilières, des parts sociales indivises de celles-ci et dire qu’il conviendra de procéder à un partage unique de ces parts avec d’autres biens indivis entre eux, retient que le sort des donations qu’ils ont faites à leurs propres enfants, dans des proportions variables, de leurs quotes-parts indivises des parts de tout ou partie des SCI, dépendra du sort du partage à intervenir entre eux trois. (Civ. 1re, 3 juill. 2024, n° 22-13.639, F-B)

Renonciation du conjoint successible au bénéfice de l’article 1751 du code civil (portée)

  • Le conjoint survivant, qui satisfait aux conditions de l’article 1751 du code civil, peut renoncer expressément à l’exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes qui satisfont aux conditions de l’article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 de bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail. Cette renonciation ne peut porter que sur l’exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire. (Civ. 3e, 4 juill. 2024, n° 22-24.856, FS-B)

Voies d’exécution

Surendettement  : office du juge dans le choix des mesures propres à assurer le redressement de la situation du débiteur

  • Il résulte de la combinaison des articles 2285 et 2287 du code civil mais également des articles L. 733-13, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du code de la consommation que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que le juge du surendettement détermine, pour chacune des dettes, les mesures propres à assurer le redressement de la situation du débiteur, sans qu’il soit tenu par les dispositions de l’article 2285 du code civil. (Civ. 2e, 3 juill. 2024, n° 23-17.625, F-B)

Omission d’une sûreté dans la déclaration de créance

  • Ayant relevé qu’une société avait omis de déclarer au mandataire, dans les deux mois de la publication du jugement au BODACC, que sa créance était assortie d’une hypothèque, une cour d’appel peut exactement en déduire que sa déclaration de créance était irrecevable sur le fondement de l’article R. 761-1 du code de la consommation. (Civ. 2e, 3 juill. 2024, n° 22-16.021, F-B)

 

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