Panorama rapide de l’actualité « Civil » des semaines des 14, 21 et 28 avril, et 5 mai 2025
Sélection de l’actualité « Civil » marquante des semaines des 14, 21 et 28 avril, et 5 mai.
Contrats
Gestion du patrimoine et responsabilité contractuelle
- Il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l’égard de l’investisseur, d’une obligation d’information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l’opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés. (Com. 30 avr. 2025, n° 23-23.253, F-B)
Contrats interdépendants : portée de l’annulation de l’un deux
- Il résulte de l’article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, qu’un jugement ne peut créer de droits ni d’obligations en faveur ou à l’encontre de ceux qui n’ont été ni parties ni représentées dans la cause. Il s’ensuit que lorsque des contrats sont interdépendants, l’annulation, par une décision de justice, de l’un de ces contrats n’entraîne la caducité par voie de conséquence des autres que si toutes les parties au contrat annulé ont été attraites à l’instance en annulation. (Com. 7 mai 2025, n° 24-14.277, F-B)
Famille
Contrariété à l’ordre public international de la délégation de puissance paternelle sans l’accord de la mère
- Les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d’exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes. Si l’autorité administrative doit tenir compte de tels jugements dans l’exercice de ses prérogatives, il lui appartient toutefois, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d’un jugement étranger qui révéleraient l’existence d’une fraude ou d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international.
Le principe d’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale est au nombre des principes relevant de la conception française de l’ordre public international. Il en résulte qu’une délégation d’autorité parentale à un tiers ne peut pas être accordée par un des parents de l’enfant concerné sans l’accord de l’autre parent.
Litige dirigé contre le refus de l’administration consulaire opposé à la demande d’octroi d’un visa de long séjour portant la mention « visiteur », formée par la tante de l’enfant pour ce dernier. Tribunal sénégalais ayant, conformément aux dispositions du code de la famille sénégalais, accordé la délégation de l’autorité parentale à cette tante à la seule demande du père de cet enfant. Attestation signée par la mère de l’enfant indiquant avoir consenti à la procédure que se bornait à produire la requérante ne présentant pas un caractère probant. En déduisant des circonstances mentionnées ci-dessus que le jugement du tribunal sénégalais révélait l’existence d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international, une cour ne méconnaît pas son office ni ne commet d’erreur de droit. (CE 24 avr. 2025, n° 490561 A)
Filiation
Exception d’ordre public international en matière d’établissement de la filiation
- Il résulte des articles 3 et 311-14 du code civil que, si la filiation est en principe régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant, la loi étrangère qui ne permet pas l’établissement de la filiation hors mariage doit être écartée comme contraire à l’ordre public international lorsqu’elle a pour effet de priver un enfant mineur du droit d’établir sa filiation, peu important que l’action soit ouverte à l’enfant après sa majorité. Tel est le cas d’une loi qui enferme dans un délai de forclusion l’action en recherche de paternité pouvant être exercée par la mère pendant la minorité de l’enfant. (Civ. 1re, 30 avr. 2025, n° 22-24.549, F-B)
Procédure civile
Action de groupe
- L’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite « DDADUE », instaure une nouvelle procédure d’action de groupe en droit français, en transposant la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives. La réforme instaure un régime unifié de l’action de groupe. Elle élargit ainsi son champ d’application, supprime les régimes sectoriels antérieurs, étend les préjudices indemnisables ainsi que les entités habilitées à agir. Elle autorise également le recours au financement par des tiers.
Régularisation d’une déclaration d’appel non formalisée par RPVA
- Une déclaration d’appel irrégulière, faut d’avoir été communiquée par le RPVA, qui fait encourir une irrecevabilité à l’appel, n’interdit pas à son auteur de former un second appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel, tant que le premier appel n’a pas été déclaré irrecevable. (Civ. 2e, 30 avr. 2025, n° 22-20.064, F-B)
L’assistance de l’avocat au cours d’une expertise civile médico-légale
- Les dispositions réglementaires des articles 161 et 162 du code de procédure civile ne permettent pas à une partie, bénéficiaire d’une mesure d’expertise judiciaire, d’exiger la présence de son avocat au moment de l’examen clinique par le médecin expert, aucune disposition législative n’autorisant la levée du secret médical dans cette phase, au bénéfice d’une personne qui n’est pas un professionnel de santé.
Dès lors que l’avocat de la victime assiste celle-ci lors des opérations d’expertise, et notamment à l’accueil, l’exposé de l’anamnèse, au recueil de doléances et à la discussion médico-légale, et peut être présent lors de la restitution contradictoire, faite par l’expert, de ses constatations cliniques, phase au cours de laquelle des observations peuvent être formulées et des requêtes présentées, l’équilibre est assuré entre le respect des droits de la défense, impliquant le droit pour toute personne d’être assisté par son avocat, en application de l’article 6, § 1er, de la Conv. EDH et le droit au respect de la vie privée consacré par l’article 8 de la même convention, dont le droit au secret médical est une composante. (Civ. 2e, 30 avr. 2025, n° 22-15.215, FS-B)
Du conflit de juridictions en matière assurantielle dans le règlement Bruxelles I bis
- L’article 13, § 2, du règlement « Bruxelles I bis », lu en combinaison avec l’article 11, § 1, lit. b), s’interprète en ce sens qu’un État membre agissant en tant qu’employeur subrogé dans les droits d’un fonctionnaire blessé dans un accident de la circulation, dont il a maintenu la rémunération durant son incapacité de travail, peut, en qualité de personne lésée, au sens de cet article 13, § 2, attraire la société qui assure la responsabilité civile résultant de la circulation du véhicule impliqué dans cet accident devant la juridiction, non pas du lieu où ce fonctionnaire a son domicile, mais du lieu du siège de l’entité administrative qui emploie ledit fonctionnaire, lorsqu’une action directe est possible. (CJUE 30 avr. 2025, aff. C-536/23)
L’assistance juridique de la victime pendant la phase non-contentieuse de la procédure d’offre obligatoire
- Selon l’article R. 211-39 du code des assurances, l’assureur du conducteur responsable d’un accident de la circulation doit, pour satisfaire à l’obligation légale d’information prévue à l’article L. 211-10 du même code, accompagner sa première correspondance avec la victime, informer celle-ci qu’elle peut, dès l’ouverture de la procédure d’offre obligatoire, se faire assister par un avocat de son choix. Si le modèle type de cette notice, figurant en annexe à l’article A. 211-11 du même code, mentionne, au titre des « conseils utiles », que la victime peut confier la défense de ses intérêts à toute personne de son choix et devra se faire représenter par un avocat en cas de procès, aucune de ces dispositions réglementaires n’autorise un tiers prestataire, autre qu’un professionnel du droit ou relevant d’une profession assimilée, à exercer, à titre habituel et rémunéré, une activité d’assistance à la victime pendant la phase non-contentieuse de la procédure d’offre obligatoire, si elle comporte des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Le cas échéant, un juge des référés saisi sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile peut faire cesser le trouble manifestement illicite résultant issu d’une telle pratique. (Civ. 2e, 7 mai 2025, n° 23-21.455, FR-B)
Conditions procédurales de la caducité dans les ensembles contractuels
- Lorsque des contrats sont interdépendants, l’annulation, par une décision de justice, de l’un de ces contrats n’entraîne la caducité par voie de conséquence des autres que si toutes les parties au contrat annulé ont été attraites à l’instance en annulation. (Com. 7 mai 2025, n° 24-14.277, FR-B)
Rappel sur l’interruption de la prescription
- Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendant à un seul et même but. (Civ. 2e, 7 mai 2025, n° 23-20.113, FR-B)
Qualité pour agir en désignation d’un administrateur provisoire
- Le créancier d’une société n’a pas qualité pour agir en désignation d’un administrateur provisoire de celle-ci. (Com. 7 mai 2025, n° 23-20.471, FS-B)
Conditions procédurales de l’action ut singuli
- Les associés sont investis d’un droit propre d’agir en réparation du préjudice subi par la société, lequel n’est pas affecté par l’exercice concomitant de son action par la société. (Com. 7 mai 2025, n° 23-15.391, FR-B)
Propriété
Indivision forcée : droit propre dechaque indivisaire de demander la suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement
- Si en matière d’indivision forcée, chacun des indivisaires a le droit d’user et de jouir du bien indivis, à la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les copropriétaires et de ne causer ni dommage ni trouble à la possession d’aucun d’eux, chacun d’eux peut, en vertu de son droit propre, demander la suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement sur le fonds indivis, ne pouvant être contraint d’en devenir propriétaire. (Civ. 3e, 7 mai 2025, n° 24-15.027, FS-B)
Successions
Bien grevé d’usufruit : assiette de l’attribution préférentielle
- S’il résulte de la combinaison des articles 831 et 833 du code civil que tout héritier copropriétaire en nue-propriété peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise agricole à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement, une telle attribution, en tant que modalité du partage, ne peut porter que sur les droits compris dans l’indivision à partager. Dès lors, si l’indivision n’existe qu’en nue-propriété, le copropriétaire en nue-propriété ne peut être admis qu’à solliciter une attribution en nue-propriété. (Civ. 1re, 30 avr. 2025, n° 24-15.624, F-B)
Vacance de succession : possibilité pour les créanciers, tenus de déclarer leur créance au curateur d’une succession vacante, de saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire
- Selon les articles 809-3, 810-4 et 810-5 du code civil, en cas de succession vacante, le curateur, auprès de qui est faite la déclaration de créances, est seul habilité à payer les créanciers de la succession. Il dresse un projet de règlement du passif qui prévoit le paiement des créances dans l’ordre prévu à l’article 796 du même code et ne peut payer, sans attendre ce projet, que les frais nécessaires à la conservation du patrimoine, les frais funéraires et de dernière maladie, les impôts dus par le défunt, les loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent. Ces textes n’édictent aucune interdiction, pour les créanciers, tenus de déclarer leur créance au curateur d’une succession vacante, de saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire, dont l’exécution sera différée jusqu’à l’établissement du projet de règlement du passif. (Civ. 1re, 30 avr. 2025, n° 23-14.643, F-B)
Aide apportée par un enfant à ses parents et enrichissement injustifié
- L’aide et l’assistance apportées par un enfant à ses parents peuvent donner lieu au paiement d’une indemnité dans la mesure où, excédant les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif de ses parents, et que la créance en résultant, immédiatement exigible auprès de leurs bénéficiaires, se prescrit selon les règles du droit commun, soit cinq ans à compter de la date à laquelle celui qui la revendique a connu les faits lui permettant d’exercer son action. (Civ. 1re, 30 avr. 2025, n° 23-15.838, F-B)
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