Panorama rapide de l’actualité « Immobilier » de la semaine du 14 octobre 2024
Sélection de l’actualité « Immobilier » marquante de la semaine du 14 octobre.
Contrats
Contrat d’entreprise : portée de la cession par l’entrepreneur principal de créances correspondant aux travaux sous-traités
- Il résulte de l’article 13-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 que si le cautionnement ne couvre pas les travaux confiés ultérieurement au sous-traitant par la conclusion d’autres contrats, la cession par l’entrepreneur principal de créances correspondant aux travaux sous-traités n’est inopposable au sous-traitant et à la caution subrogée que dans la limite des travaux dont le paiement n’a pas été garanti. Le maître de l’ouvrage ne peut donc se prévaloir d’une telle inopposabilité qu’à concurrence des sommes correspondant au montant des travaux sous-traités non garanti. (Civ. 3e, 17 oct. 2024, n° 23-11.682, FS-B)
Propriété
Constitutionnalité des règles relatives à l’implantation de clôtures dans des milieux naturels
- Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution des dispositions législatives issus de la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 encadrant l’implantation des clôtures dans les espaces naturels afin de permettre la circulation de la faune sauvage et admet en l’espèce une application rétroactive de l’obligation de mise en conformité de certaines clôtures.
Le Conseil était tout d’abord saisi de la constitutionnalité de l’article L. 372-1 du code de l’environnement qui dispose que les clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. À cet effet, ces dispositions prévoient que ces clôtures doivent respecter certaines caractéristiques, notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Toute réfection ou rénovation de clôtures doit en outre être réalisée selon ces caractéristiques. Ces mêmes dispositions imposent en outre, sous certaines limites et exceptions, aux propriétaires de mettre en conformité leurs clôtures avant le 1er janvier 2027. Cette obligation s’applique aux clôtures qui ont été édifiées moins de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023.
Au regard du droit constitutionnel de propriété, le Conseil relève que les dispositions visent uniquement à soumettre l’implantation, la réfection ou la rénovation de clôtures dans les espaces naturels au respect de certaines caractéristiques notamment de hauteur et de distance par rapport au sol. Il en résulte que, si cette obligation peut conduire à la destruction d’une clôture, elle n’entraîne pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation à l’exercice du droit de propriété.
En deuxième lieu, Il relève, d’une part, qu’il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la libre circulation des animaux sauvages dans les milieux naturels afin de prévenir les risques sanitaires liés au cloisonnement des populations animales, de remédier à la fragmentation de leurs habitats et de préserver la biodiversité. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. D’autre part, le législateur a cherché à faciliter l’intervention des services de lutte contre l’incendie et aussi souhaité éviter une dégradation des paysages. Il a ainsi poursuivi des objectifs d’intérêt général.
Le Conseil constitutionnel rappelle que ces dispositions ne s’appliquent en outre qu’aux seules clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou, en l’absence d’un tel règlement, aux espaces naturels.
En imposant le respect d’une distance de trente centimètres au-dessus du sol et d’une hauteur limitée à un mètre vingt, ces dispositions ne font par ailleurs pas obstacle à l’édification d’une clôture continue et constante autour d’un bien foncier afin de matérialiser physiquement le caractère privé des lieux pour en interdire l’accès aux tiers.
Le Conseil note, en dernier lieu, que le législateur a circonscrit le champ de l’obligation prévue par les dispositions contestées en l’assortissant de plusieurs exceptions et prévoyant, en particulier que les habitations et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation.
Il s’en déduit que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les objectifs précités et le droit de propriété.
Sur le terrain de la garantie des droits, le Conseil constitutionnel indique qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.
Si, en imposant la mise en conformité des clôtures existantes, y compris lorsque celles-ci ont été régulièrement implantées, ces dispositions portent atteinte à des situations légalement acquises. le Conseil relève toutefois, en premier lieu, qu’il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel eu égard aux conséquences sur l’environnement de leur multiplication au cours des trente dernières années. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que les objectifs d’intérêt général précités.
En deuxième lieu, d’une part, les propriétaires ont jusqu’au 1er janvier 2027 pour mettre en conformité leurs clôtures. D’autre part, l’obligation de mise en conformité des clôtures existantes ne s’applique pas aux clôtures réalisées depuis plus de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023.
En dernier lieu, ces dispositions n’empêchent pas les propriétaires de maintenir des clôtures existantes, afin de matérialiser physiquement leur propriété pour en interdire l’accès aux tiers, à la condition qu’elle respecte les caractéristiques qu’elles prévoient. En outre, elles s’appliquent sous réserve de plusieurs exceptions.
De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que l’atteinte portée aux situations légalement acquises est, en l’espèce, justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants et proportionnée aux buts poursuivis. Il écarte ainsi le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Enfin, concernant ls dispositions relatives, d’une part, auxconditions d’effacement d’une clôture et, d’autre part, au droit d’accès reconnu aux fonctionnaires et agents chargés de la protection de l’environnement ainsi qu’aux agents de développement recrutés par les fédérations départementales de chasseurs, le Conseil constitutionnel les juge conformes à la Constitution sous une réserve d’interprétation.
Aux termes de l’article 171-1 du code de l’environnement, un droit de visite est reconnu aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ces derniers peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, aux locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation.
Relevant que, en vertu du paragraphe II de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment, le Conseil constitutionnel juge par une réserve d’interprétation que les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe de l’inviolabilité du domicile, permettre à ces agents d’accéder à des enclos sans l’accord de l’occupant, si ces lieux sont susceptibles de constituer un domicile. (Cons. const. n° 2024-1109 QPC du 18 oct.2024)
Urbanisme
Cristallisation des règles d’urbanisme du fait à une déclaration préalable de lotissement : lot destiné à être bâti n’ayant pas été transféré en propriété ou en jouissance, contrairement à d’autres lots issus de la même division foncière
- Dès lors que la division foncière a été réalisée par le transfert en propriété ou en jouissance d’une partie au moins des lots dans le délai de validité de l’arrêté de non-opposition à déclaration préalable prévu par l’article R* 424-18 du code de l’urbanisme, le bénéficiaire de cet arrêté peut se prévaloir, à l’occasion d’une demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du même code, au lotissement autorisé. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que le lot destiné à être bâti n’ait pas lui-même fait l’objet d’un transfert en propriété ou en jouissance. (CE 18 oct. 2024, n° 473828 B)
Sursis à statuer en vue de la régularisation d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme
- Il résulte de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée, sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. 1) Il en va de même lorsque le juge constate que la légalité de l’autorisation d’urbanisme prise pour assurer la régularisation de ce premier vice est elle-même affectée d’un autre vice, qui lui est propre. Il lui appartient alors de surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi, en invitant au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de cette nouvelle autorisation, sauf si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, ou si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation.
Aucune disposition légale ou règlementaire ne permet d’appliquer de manière successive l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation d’un même vice affectant le permis de construire initial. Ainsi, lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu’il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l’autorisation d’urbanisme initiale, il appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu de mettre à nouveau en oeuvre la procédure prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation du vice considéré. (CE 16 oct. 2024, n° 473776 B)
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