Panorama rapide de l’actualité « Pénal » de la semaine du 17 mars 2025

Sélection de l’actualité « Pénal » marquante de la semaine du 17 mars.

Droit pénal international

Compétence du juge français pour réparer l’intégralité du préjudice de contrefaçon

  • Une cour d’appel ne méconnaît aucun texte en allouant des dommages-intérêts pour des consultations, réalisées partiellement à l’étranger, de vidéos contrefaites, en se fondant sur sa compétence liée au lieu d’établissement du condamné (v. CJUE, 25 oct. 2011, aff. C-509/09, eDate Advertising GmbH et Martinez) et en considérant qu’elle doit réparer intégralement le dommage, même partiellement consommé à l’étranger, dès lors que la déclaration définitive de culpabilité porte sur des faits de contrefaçon commis en France. En effet, la localisation de tels faits en un lieu déterminé du territoire national, telle qu’elle résulte des dispositions définitives sur l’action publique, ne limite pas la saisine des juges statuant sur l’action civile quant à la localisation des dommages résultant directement de ces faits.
    Par ailleurs, c’est à l’auteur des faits de contrefaçon qui se prévaut de la saisine, par les parties civiles, d’autres juridictions de l’Union européenne aux fins de réparation du dommage, qu’il incombe d’en rapporter la preuve. (Crim. 18 mars 2025, n° 24-81.603, F-B)

Droit pénal spécial

Contours de l’incrimination d’abus d’autorité

  • L’article 432-1 du code pénal réprime uniquement les mesures qui, prises par un dépositaire de l’autorité publique agissant dans l’exercice de ses fonctions, ont pour objet de faire directement obstacle à l’exécution d’une loi, exclusive de toute appréciation d’opportunité. Aussi, le simple exercice puis la renonciation au droit de préemption, même non conformes aux textes les régissant, ainsi que la modification du périmètre de la zone d’aménagement concerté, laquelle s’inscrit dans la mise en œuvre du droit pour une commune de réaliser des opérations d’aménagement et suppose ainsi l’appréciation de leur opportunité, ne relèvent pas de cet article.
    En l’occurrence, la mise en examen de l’ancien maire d’une commune et de son directeur général des services, respectivement pour abus d’autorité et complicité de ce délit, est donc nulle en l’absence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation à des actes destinés à faire directement obstacle à l’exécution de la loi. (Crim. 19 mars 2025, n° 24-83.719, FS-B)

Procédure pénale

Circulaire de présentation du placement conditionnel sous ARSE

Quartiers de haute sécurité et visioconférence de principe : le Conseil d’État rend un avis réservé

  • Le Gouvernement s’interrogeait sur la conformité aux exigences constitutionnelles et conventionnelles, d’une part, de l’instauration de quartiers de lutte contre la criminalité, d’autre part, de la proposition visant à inverser le principe et l’exception du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle et, s’agissant du contentieux de la détention provisoire, à supprimer toute possibilité pour la personne détenue de s’opposer au recours à un tel moyen.
    Sur le premier point, le Conseil d’État estime que le projet d’amendement n’opèrera une conciliation équilibrée entre les droits des personnes détenues et l’objectif de défense de l’ordre public et de prévention des infractions qu’au prix de plusieurs aménagements. Il s’agit notamment de réduire à deux ans la durée initiale de placement dans ces quartiers ou d’exclure des mesures de restriction téléphonique les conversations entre personnes détenues et leurs avocats.
    Sur le second point, la haute juridiction administrative observe que le champ d’application du dispositif envisagé par le Gouvernement est ainsi particulièrement large, puisque selon les chiffres transmis par ce dernier, environ 27 000 personnes sont détenues au titre d’au moins une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée. Par ailleurs, s’agissant du contentieux de la détention provisoire, il estime qu’imposer la visioconférence aux personnes prévenues sans que celles-ci ne puissent s’y opposer paraît se heurter à un obstacle de principe, de nature constitutionnelle et conventionnelle, en ce qu’il porterait une atteinte disproportionnée aux droits de la défense, au droit à un recours effectif et au droit à un procès équitable. (CE, avis, 13 mars 2025, n° 409322)

Prescription de l’action publique pour blessures involontaires : point de départ fixé au jour de l’accident

  • Méconnaît les articles 9 et 9-1 du code de procédure pénale une cour d’appel qui fixe le point de départ de la prescription de l’action publique pour une contravention de blessures involontaires à la date de fixation de l’ITT par un médecin légiste, alors que le point de départ doit être fixé au jour où l’infraction a été commise. Ce n’est que si l’infraction est occulte ou dissimulée qu’il est repoussé au jour auquel elle est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique. En l’espèce, la partie civile ayant subi une atteinte à son intégrité physique le jour de l’accident, la mise en mouvement de l’action publique était possible dès ce moment. (Crim. 18 mars 2025, n° 23-86.308, FS-B)

Pas de peine d’emprisonnement, pas de formation collégiale !

  • Le délit prévu par les articles L. 4141-2 et L. 4741-1 du code du travail (divers manquements aux obligations d’un employeur) n’est pas cité directement par le premier alinéa de l’article 398-1 du code de procédure pénale qui définit les infractions devant être jugées par un seul magistrat. Cependant, l’article 398-1 du code de procédure pénale précise que les délits pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue, à l’exception des délits de presse, sont jugés par un seul magistrat. En conséquence, le délit et la contravention connexe poursuivis sur le fondement des articles du code du travail précités ne prévoyant aucune peine d’emprisonnement, ils devaient être jugés par le tribunal correctionnel composé d’un seul magistrat, puis par la chambre des appels correctionnels également composée d’un seul magistrat, en application de l’article 510 du code de procédure pénale, les appelants n’ayant pas demandé expressément que l’affaire soit examinée en formation collégiale. (Crim. 18 mars 2025, n° 23-86.308, FS-B, préc.)

Référé pénal environnemental : titularité du droit d’appel

  • Le droit d’appel de la décision rendue par le juge des libertés et de la détention, saisi sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement, n’appartient qu’au procureur de la République ou à la personne concernée, qui est celle à l’encontre de laquelle il a été demandé au juge d’ordonner toute mesure utile (v. déjà, récemment, Crim.14 janv. 2025, n° 23-85.490). (Crim. 18 mars 2025, n° 24-81.339, F-B)

Recevabilité du pourvoi en cassation formé par un avocat d’une société inter-barreaux

  • Le pourvoi en cassation ne peut être formé que par un avocat muni d’un pouvoir spécial ou inscrit au barreau de la juridiction qui a statué.
    La Cour de cassation rappelle que cette règle, sans relever d’un formalisme excessif, s’interprète strictement. Ainsi, le pourvoi formé sans pouvoir spécial par un avocat associé d’une société d’avocats inter-barreaux, dont le siège se situe près la juridiction qui a statué et dont certains associés sont inscrits au barreau de la ville concernée, mais qui, à titre personnel, est inscrit à l’un des barreaux d’une autre cour d’appel et n’a pas indiqué agir au nom de ladite société, n’est pas conforme aux dispositions de l’article 576 du code de procédure pénale. (Crim. 18 mars 2025, n° 24-81.273, FS-B)

Peine et exécution des peines

Environnement : nature de l’injonction de remise en état

  • A l’instar des dispositions de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, l’injonction de remise en état organisée par le 2° de l’article L. 173-5 ne constitue pas une sanction pénale, mais une « mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite » (v. C. envir., art. L. 173-5, comm.).
    Il s’en infère que cette mesure ne peut, comme ce serait le cas d’une peine complémentaire, être prononcée à titre de peine principale. Elle n’est donc susceptible que d’accompagner une peine principale. La Cour de cassation en déduit d’autres conséquences logiques : n’étant pas une peine, l’injonction de remise en état ne peut, par exemple, donner lieu à une demande de relèvement adressée à la juridiction qui a prononcé la condamnation ; elle n’est pas non plus soumise à la prescription de la peine.
    La remise en état reste tout de même influencée par le droit pénal sur certains points : elle obéit au principe de la légalité des peines et l’astreinte qui l’assortit ne court que du jour où le jugement de condamnation est définitif. (Crim. 18 mars 2025, n° 24-84.120, F-B

 

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