Panorama rapide de l’actualité « Pénal » de la semaine du 24 mars 2025
Sélection de l’actualité « Pénal » marquante de la semaine du 24 mars.
Aide juridictionnelle
Rétribution au titre de l’aide juridictionnelle des avocats assistant plusieurs parties
- Un décret du 20 mars 2025 portant sur la rétribution au titre de l’aide juridictionnelle des avocats assistant plusieurs parties modifie l’article 92 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 afin d’ajouter de nouveaux paliers au mécanisme de dégressivité de l’AJ.
Il précise que la part contributive versée par l’Etat à l’avocat, ou à l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite par le juge de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième, de 60 % de la cinquième à la vingtième, de 70 % de la vingt et unième à la trentième, de 80 % de la trente et unième à la cinquantième et de 90 % à compter de la cinquante et unième affaire. Dans ce cas, le greffier compétent reporte cette réduction sur le document justifiant de l’intervention de l’avocat. Le texte entre en vigieur le 1er août 2025. (Décr. n° 2025-257 du 20 mars 2025 portant sur la rétribution au titre de l’aide juridictionnelle des avocats assistant plusieurs parties)
Droit pénal international
Europol : rapport d’évaluation des menaces de la criminalité grave et organisée en Europe
- Europol a récemment publié son rapport d’évaluation des menaces de la criminalité grave et organisée en Europe (EU-SOCTA) pour l’année 2025. Il constate que ces menaces sont de plus en plus déstabilisantes pour les institutions européennes et que les activités criminelles sont de plus en plus présentes sur internet (cyberfraude, rançongiciel), notamment grâce à l’intelligence artificielle qui accélère leur développement et leur efficacité.
Le rapport signale les six menaces criminelles dont la croissance est la plus rapide. Il s’agit des cyberattaques, des systèmes de fraudes en ligne, de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, ainsi que des trafics de migrants, de drogue et d’armes à feu.
Conflit entre mandat européen et extradition : rôle du pouvoir exécutif
- Saisie d’une question préjudicielle par le tribunal judiciaire de Marseille, la CJUE juge qu’un organe du pouvoir exécutif peut, en cas de conflit entre un mandat d’arrêt européen et une demande d’extradition, prendre la décision sur la priorité à donner à l’un de ces actes. Une telle décision doit être susceptible d’un recours juridictionnel effectif dans les conditions procédurales qu’il appartient aux États membres de déterminer.
Elle s’appuie sur l’article 16, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009. (CJUE 20 mars 2025, aff. C-763/22, Procureur de la République c/ OP)
Droit pénal spécial
Souveraineté alimentaire et dépénalisation des atteintes involontaires à l’environnement
- Publiée au Journal officiel du 25 mars, la loi du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture contient plusieurs dispositions pénales. Ainsi, le nouvel article L. 171-7-2 du code de l’environnement vient sanctionner les atteintes à la conservation de la biodiversité par une personne physique qui n’ont pas été commises de manière intentionnelle ou par négligence grave d’une amende prononcée par l’autorité administrative qui ne peut excéder 450 euros. Hors récidive, un stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement peut être proposé à la place de l’amende. Auparavant ces faits étaient constitutifs du délit prévu par l’article L. 415-3 et les peines encourues étaient de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. D’autre part, la loi crée, pour les violences involontaires (C. pén., art. 222-19-2 et 222-20-2), une présomption d’absence de maladresse, d’imprudence, d’inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (donc une présomption d’exclusion de responsabilité notamment pour le propriétaire) sous certaines conditions pour les chiens de troupeaux, régulièrement identifiés. (Loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture)
Outrage à magistrat : indifférence du caractère public des propos
- Toute expression outrageante, qu’elle s’adresse directement ou par la voie d’un rapporteur nécessaire à un magistrat de l’ordre judiciaire, dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de cet exercice, entre dans les prévisions de l’article 434-24 du code pénal, même si elle présente un caractère public. Cela vaut par exemple pour des publications sur Facebook. (Crim. 25 mars 2025, n° 23-85.517, F-B)
Justice
Rapport annuel d’activité 2024 du Défenseur des droits
- Le rapport fait état de plus de 140 996 réclamations et demandes d’informations, orientations sur l’année 2024. La Défenseure des droits a rendu 216 décisions. Si elle alerte notamment sur l’ampleur et l’augmentation des discriminations en France, elle note cependant une diminution paradoxale des réclamations dans ce domaine (5 679 en 2024, contre 6 703 en 2023) qui, selon elle, met en lumière la difficulté des victimes à faire valoir leurs droits. Le handicap constitue toujours le premier critère de saisine du Défenseur des droits (22 % des réclamations pour discrimination). Les réclamations dans le domaine des lanceurs d’alerte ont quant à elles augmenté fortement (519 réclamations en 2024, contre 134 en 2022 et 306 en 2023). 37 % des réclamations reçues concernent le droit des étrangers, 9 % la justice, 2 % la déontologie de la sécurité. (Défenseur des droits, Rapport annuel 2024)
Statistiques sur les victimes de violences physiques ou sexuelles en 2024
- Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure a publié un rapport sur les victimes de violences physiques ou sexuelles en 2024.
Il en ressort que les services de police et de gendarmerie ont enregistré 450 100 victimes de violences physiques, dont la majorité sont commises dans le cadre intrafamilial. Si les femmes représentent la plupart des victimes de violences en général (54 %), leur proportion est bien plus importante lorsque les violences sont commises au sein de la famille (76 %). La majorité des violences enregistrées n’ont entraîné aucun ITT (plus de 60 %).
Enfin, 122 600 victimes de violences sexuelles ont été recensées, dont respectivement 23 % et 58 % sont mineures. 85 % de ces victimes sont des femmes, qui sont les principales victimes de ces violences peu importe le contexte de commission.
Procédure pénale
Constitutionnalité du recueil des explications par des agents de l’AMF au cours d’une visite domiciliaire
- L’article L. 612-12, alinéa 1, du code monétaire et financier, qui dispose que les agents de l’Autorité des marchés financiers (AMF) habilités à conduire des enquêtes peuvent être autorisés par le JLD à effectuer des visites domiciliaires pour la recherche de certaines infractions et peuvent recueillir, dans certaines conditions, les explications des personnes sollicitées sur place lors des visites sans avoir à notifier le droit de se taire, est conforme à la Constitution.
En effet, les dispositions contestées n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre le recueil, par les enquêteurs de l’AMF, des explications d’une personne sur des faits pour lesquels elle serait mise en cause. Elles n’impliquent donc pas que la personne sollicitée se voie notifier son droit de se taire. La circonstance que les explications recueillies puissent porter sur des faits qui seraient susceptibles de lui être ultérieurement reprochés dans le cadre d’une procédure de sanction ouverte par cette autorité ou d’une procédure pénale ne saurait être contestée sur le fondement des exigences de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En tout état de cause, le juge compétent pour contrôler les opérations de visite et, le cas échéant, statuer sur leur régularité en cas de contestation, doit s’assurer que le recueil des explications de la personne sollicitée sur place a lieu dans des conditions respectant la loyauté de l’enquête. (Cons. const. 21 mars 2025, n° 2025-1128 QPC)
Nullité partielle d’un PV d’interrogatoire en raison de l’absence de signature du greffier
- L’absence de signature du greffier sur une page du procès-verbal d’interrogatoire de première comparution dédiée notamment à la notification d’une partie des chefs de mise en examen porte atteinte aux intérêts de la personne entendue. En effet, cette absence de signature crée une incertitude sur l’étendue et la nature des chefs de mise en examen notifiés, ce qui méconnaît les articles 106, 121 et 802 du code de procédure pénale. (Crim. 25 mars 2025, n° 24-85.585, F-B)
Cour d’assises : rôle limité des stagiaires pré-détachement judiciaire
- Si les personnes accomplissant un stage préalable à un détachement judiciaire peuvent assister aux délibérés des cours d’assises, elles ne peuvent y participer avec voix consultative (Ord. n° 58-1270 du 22 déc. 1958, art. 19 et 41-3). (Crim. 26 mars 2025, n° 24-83.369, F-B)
Peine et exécution des peines
Éloignement des ressortissants étrangers et lutte contre la surpopulation carcérale
- Mettant en avant un contexte de surpopulation carcérale « sans précédent », une circulaire du ministre de la Justice demande que soit mobilisé l’arsenal répressif à l’encontre des étrangers incarcérés et définitivement condamnés ayant vocation à quitter le territoire dans le cadre d’une mesure d’éloignement. Pour ce faire, les personnes concernées devront être identifiées de façon fiable dès la garde à vue, mais également dans le cadre de la déclinaison au niveau local du protocole-cadre visant à améliorer la coordination entre les services pénitentiaires et ceux du ministère de l’Intérieur. Le ministre demande aussi l’information des autorités consulaires à chaque incarcération (et hors situation impliquant une personne protégée ou dont la demande d’asile est en cours d’examen), que cette information soit souhaitée par la personne ou obligatoire. De la même façon, il souhaite que des échanges d’informations aient lieu entre les différents acteurs de la procédure (juge de l’application des peines, préfet, service pénitentiaire d’insertion et de probation, ministère public, greffe pénitentiaire, etc.) à chaque étape de l’exécution de la peine.
L’application de la reconnaissance mutuelle des jugements en matière pénale devra être renforcée, afin que les peines puissent être exécutées dans l’État d’origine ou de résidence habituelle, notamment en cas de mesure d’éloignement à destination de cet État.
Enfin, sont encouragés le recours aux mesures de libération anticipée qui favorisent l’éloignement (libération conditionnelle expulsion) et le transfèrement des personnes sur le territoire du pays dont elles sont ressortissantes, pour qu’elles y accomplissent le reliquat de leur peine (procédure instruite par le bureau de l’entraide pénale internationale). (Circ. min. int., 21 mars 2025, NOR : JUSD2505449C)
Maintien à l’isolement constitutif d’un traitement inhumain et dégradant
- Dans une décision du 20 mars 2025, la Défenseure des droits estime qu’en maintenant une personne détenue pendant plus de cinq ans à l’isolement, en dépit de nombreuses contre-indications médicales et sans examen évolutif de sa situation, l’administration pénitentiaire a soumis cette personne à un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Aussi Claire Hédon recommande-t-elle au ministre de la Justice de procéder à la réparation du préjudice subi par l’intéressé. Elle appelle également à une modification de la réglementation en matière d’isolement, dans le sens d’une obligation explicite, pour l’administration pénitentiaire, de démontrer par écrit, lorsque le maintien à l’isolement est contre-indiqué médicalement, que d’autres solutions d’aménagement de la mesure n’ont pas pu être mises en œuvre. (Défenseur des droits, 20 mars 2025, décis. n° 2025-044)
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