Panorama rapide de l’actualité « Pénal » de la semaine du 7 juillet 2025
Sélection de l’actualité « Pénal » marquante de la semaine du 7 juillet.
Droit pénal international
Conflit en Ukraine : la création d’un tribunal spécial en bonne voie…
- Le processus de création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, lancé le 14 mai dernier par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, a abouti le 25 juin à la signature d’un accord entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le Conseil de l’Europe.
Ce tribunal spécial doté de la personnalité juridique est fondé sur l’article 8 bis du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui vise à juger les violations des droits de l’homme dans le cadre d’un conflit spécifique. C’est la première fois que cette disposition est utilisée en Europe pour la mise en place d’un tel tribunal. Ce dernier sera composé de 15 juges élus et issus de pays différents, mais son siège n’a pas encore été déterminé.
Cette juridiction voit notamment le jour car elle pourrait permettre de contourner, par le biais des atteintes aux droits de l’homme commises par les dirigeants militaires russes, l’impossibilité de juger le crime d’agression de la Russie envers l’Ukraine par la Cour pénale internationale, non reconnue par la Russie.
… Et la Russie jugée responsable de nombreux manquements aux droits de l’homme
- Des violations des droits de l’homme flagrantes et généralisées : tel est le constat dressé à l’unanimité par la Cour de Strasbourg à l’encontre de la Russie. La décision rendue ce 9 juillet porte sur le conflit né dans l’est de l’Ukraine en 2014 puis amplifié en février 2022, l’examen des faits s’interrompant au 16 septembre 2022, date à laquelle la Russie a cessé d’être partie à la Convention européenne des droits de l’homme. La décision concerne en outre la destruction, alors qu’il survolait l’Ukraine, de l’avion qui assurait le vol MH17 en juillet 2014, de nombreux ressortissants néerlandais ayant alors trouvé la mort.
La Grande chambre retient que la Russie a méconnu une dizaine d’articles de la Convention, dont les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), 4 § 2 (interdiction du travail forcé) et 5 (droit à la liberté et à la sûreté). Elle souligne entre autres la commission, par des agents de l’État russe, d’exécutions sommaires de civils et de militaires ukrainiens hors de combat, d’actes d’intimidation et de violence dirigés contre des journalistes, ou encore d’actes de torture tels que le recours au viol comme arme de guerre.
S’agissant de la destruction de l’avion, la Cour estime en particulier que les articles 2, 3 et 13 (droit à un recours effectif) ont été violés. Sont relevés notamment l’absence d’enquête effective russe sur la destruction de l’appareil, le défaut de coopération avec l’équipe commune d’enquête internationale et le refus de sécuriser le site du crash, lequel refus a entravé l’opération de récupération des corps des victimes.
Plusieurs requêtes interétatiques et plus de 9000 requêtes individuelles sont actuellement pendantes devant la Cour (CEDH, gr. ch., 9 juill. 2025, Ukraine et Pays-Bas c/ Russie, nos 8019/16, 43800/14, 28525/20 et 11055/22)
Droit pénal spécial
Homicide routier : publication de la loi
- Ce texte crée, à côté de l’homicide involontaire, l’homicide routier qui vise les accidents mortels commis avec au moins une circonstance aggravante (alcool, stupéfiants, grand excès de vitesse, etc.). Il est puni de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende, et de 10 ans et 150 000 € lorsque plusieurs circonstances sont réunies. La loi crée également le délit de blessures routières (ITT supérieure ou inférieure à 3 mois), aggrave les sanctions pour conduite sous emprise, et érige en délit tout excès de vitesse supérieur ou égal à 50 km/h, dès la première infraction. Elle renforce les droits des parties civiles et introduit des peines complémentaires obligatoires que la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. (Loi n° 2025-622 du 9 juill. 2025 créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière. – V. not. C. pén., art. 221-18 s.)
Parution de la loi sur la sécurité des professionnels de santé
- Ce texte introduit notamment une nouvelle circonstance aggravante pour les infractions de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, avec ITT (supérieure ou inférieure à 8 jours), lorsque l’infraction est commise sur une personne exerçant au sein d’un établissement de santé, d’un centre de santé, d’une maison de santé, d’une maison de naissance, d’un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, d’une officine de pharmacie, d’un prestataire de santé à domicile, d’un laboratoire de biologie médicale, d’un établissement ou d’un service social ou médico-social (C. pén., art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13). De même, les peines de l’agression sexuelle sont aggravées lorsque l’agression est commise sur un professionnel de santé durant l’exercice de son activité (C. pén., art. 222-28, 3 bis). (Loi n° 2025-623 du 9 juill. 2025 visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé)
Rapport d’activité 2024 de l’AFA
- L’Agence française anticorruption (AFA) a publié son rapport d’activité pour l’année 2024, marquée par de nombreux changements. C’est d’abord son organisation qui a été repensée en deux sous-directions (acteurs économiques et acteurs publics) et dont l’efficacité a été accrue par la création de l’Observatoire des atteintes à la probité, chargé de fournir une base de données en la matière.
Sur l’année 2024, l’AFA a réalisé 27 contrôles et 121 actions de sensibilisation et de formations auprès d’acteurs publics et économiques. De plus, 3 examens préalables de CJIP ont été diligentés par l’AFA. Enfin, elle a reçu 802 signalements relatifs à des faits d’atteinte à la probité, représentant une hausse de 83 % par rapport à l’année 2023. (AFA, Rapport d’activité 2024)
Justice
L’IERDJ change de nom
- Le 1er juillet 2025, l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ) a adopté un nouveau nom : l’Institut Robert Badinter. Pour rappel, cet institut est issu de la fusion de l’Institut des hautes études sur la justice (IHEJ) et la Mission de recherche droite et justice (MRDJ). Opérationnel depuis le 1er janvier 2022, il a pour objectif de mieux prendre en compte les attentes des citoyens en matière de droit et de justice, tout en améliorant leur compréhension des réponses juridiques et judiciaires. Il répond aussi au besoin de rapprocher la réflexion et l’action, en réunissant dans un même lieu la recherche fondamentale, la prospective et les professionnels du droit.
Peine et exécution des peines
Parution du rapport d’activité 2024 du CGLPL
- Le rapport annuel d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour l’année 2024, paru chez Lefebvre-Dalloz le 21 mai dernier, est désormais accessible au public.
Sans surprise, la surpopulation carcérale ne cesse d’augmenter, atteignant 82 921 détenus pour 62 358 places au 1er avril 2025. Le taux d’occupation moyen des maisons d’arrêt passe à 161,8 % (contre 150,4 % il y a un an). Plus surprenant, en revanche, est le taux d’occupation des centres de détention (98,1 % au 1er avril), étendant aux établissements pour peine les conséquences néfastes de la surpopulation carcérale.
Une partie de l’activité du CGLPL en 2024 concerne également les établissements psychiatriques qui présentent des difficultés relatives à une baisse des effectifs, mettant à mal l’organisation et la qualité des soins psychiatriques. Les modalités de prise en charge sont également dénoncées au sein des centres de rétention administrative, des locaux de garde à vue et des geôles de tribunaux. Enfin, le rapport se penche sur l’instabilité structurelle des centres éducatifs fermés, entre difficultés de recrutement, périodes de conflit et fermetures temporaires.
En définitive, l’an passé, les contrôleurs ont passé 171 jours en établissement de santé, 150 jours en prison, 47 jours en local de garde à vue, 31 jours en centre éducatif fermé, et 8 jours en centre de rétention administrative, pour un total de 133 établissements visités en 2024 et 2 503 lettres reçues (majoritairement de personnes privées de liberté elles-mêmes). (CGLPL, Rapport d’activité 2024)
Recommandations en urgence du CGLPL pour le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses
- À la suite d’une visite effectuée au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses du 7 au 11 avril pour un suivi de recommandations en urgence formulées en 2021, le CGLPL a publié, le 4 juillet 2025, de nouvelles recommandations en urgence relatives à cet établissement. Elles concernent notamment la surpopulation carcérale, la maintenance et la désinfection des cellules, mais également la reprise en main de l’établissement confronté à un climat de violence ne garantissant ni au personnel des conditions normales d’exercice de leur travail, ni aux détenus le respect de leur dignité, de leurs droits fondamentaux, et de leur intégrité physique et psychique. (CGLPL, Recommandations en urgence du 4 juin 2025 relatives au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses [Haute-Garonne], NOR : CPLX2518143X)
Inéligibilité de Marine Le Pen : la CEDH rejette la demande de mesure provisoire
- Par une décision rendue le 9 juillet 2025, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté la demande de mesure provisoire formée par Mme Marine Le Pen sur le fondement de l’article 39 de son règlement. La requérante sollicitait la suspension de l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité de cinq ans, prononcée à son encontre par le tribunal correctionnel de Paris, le 31 mars 2025, dans le cadre de sa condamnation pour complicité et détournement de fonds publics.
La Cour, statuant à l’unanimité de ses membres, a estimé que l’existence d’un risque imminent d’atteinte irréparable à un droit protégé par la Convention ou ses protocoles, en l’occurrence l’article 3 du Protocole n° 1 (droit à des élections libres), n’était pas établie. Elle n’a donc pas fait droit à la mesure sollicitée, laquelle ne préjuge ni de la recevabilité ni du bien-fondé de la requête introduite par Mme Le Pen.
Pour rappel, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné la requérante à quatre ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, aménageables sous bracelet électronique, à une amende de 100 000 € et à une peine complémentaire d’inéligibilité avec exécution provisoire. Le jugement est actuellement frappé d’appel. (CEDH 9 juill. 2025, no 20233/25, Marine Le Pen c/ France)
© Lefebvre Dalloz