Panorama rapide de l’actualité « Propriété intellectuelle » des semaines 1er juillet au 31 août 2025
Sélection de l’actualité « Propriété intellectuelle » marquante des semaines 1er juillet au 31 août 2025
Propriété littéraire et artistique
Livre d’occasion
- Épuisement du droit de distribution. Le Conseil d’État est d’avis que la règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession, telle qu’elle résulte de la directive 2001/29/CE, lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, fait obstacle à la création d’un dispositif de droit national qui prolongerait l’exploitation commerciale du droit de distribution de l’auteur en imposant la perception d’une rémunération lors du commerce ultérieur de livres imprimés d’occasion. (CE, avis, 17 juin 2025)
Droit de l’Union Européenne
- Manquement d’État – Défaut de transposition de la Directive (UE) 2019/790 en Bulgarie. La Commission a introduit un recours en manquement le 23 mars 2023, après avoir constaté que la Bulgarie n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour se conformer à la directive, ni communiqué de telles mesures. La République de Bulgarie reconnaît qu’elle n’a pas transposé la directive (UE) 2019/790 à l’expiration de ce délai, mais expose diverses difficultés qui auraient justifié le retard dans l’adoption des mesures de transposition notamment la pandémie de covid-19, la survenance d’une crise politique nationale entraînant la constitution de quatre gouvernements successifs et la dissolution anticipée de quatre formations successives de l’Assemblée nationale, enfin qu’une partie des dispositions de la directive (UE) 2019/790 étaient déjà transposées en Bulgarie avant le 7 juin 2021. La Commission demandait à la Cour de constater ce manquement et d’imposer à la Bulgarie une somme forfaitaire ainsi qu’une astreinte journalière. La Cour déclare et arrête que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 29 de cette directive. La République de Bulgarie est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 1 000 000 €. (CJUE 5 août 2025, aff. C-186/23).
- Manquement d’État – Défaut de transposition de la directive (UE) 2019/790 au Portugal. La Commission a introduit un recours en manquement, après avoir constaté que le Portugal n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour se conformer à la directive, ni communiqué de telles mesures. Le Portugal justifiait ce retard par des circonstances politiques (dissolution du Parlement le 5 déc. 2021 et élections anticipées), complexité de la directive, et sa volonté d’attendre l’arrêt de la Cour concernant le recours en annulation de l’article 17 introduit par la Pologne. La Cour déclare que n’ayant pas, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé de la Commission européenne du 19 mai 2022, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/790 et, partant, en n’ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 29 de cette directive. La République portugaise est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 2 500 000 €. (CJUE 5 août 2025, aff. C-211/23)
- Manquement d’État – Défaut de transposition de la directive (UE) 2019/790 au Danemark. La Commission européenne a introduit un recours en manquement contre le Royaume de Danemark pour transposition partielle de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Le Danemark a reconnu la transposition partielle mais a invoqué plusieurs justifications pour expliquer son retard : la pandémie de covid-19 qu’il qualifie de force majeure, la réorganisation du programme législatif qui en a résulté, et la tenue d’élections législatives en novembre 2022. Il a également soutenu que les dispositions non transposées n’entraînent que des modifications mineures de sa législation existante. La Cour a constaté le manquement du Danemark et le condamne au paiement d’une somme forfaitaire de 1 600 000 €. (CJUE 5 août 2025, aff. C-214/23)
Condition de protection du droit d’auteur
- Originalité d’un modèle de formation e-learning (non). Le module e-learning (pièces nos 4 en demande et 8 en défense) consiste en un module de formation sur la création d’une mousse au chocolat et ayant en réalité pour fonction de servir d’exemple aux participants à la formation Concevoir un module de formation sur Rise 360. Il se compose de dix parties correspondant à autant de thèmes (page d’accueil, comment naviguer dans votre module, introduction, les ingrédients, les ustensiles, la préparation, en résumé, un quiz, l’annonce du score, et une fin) (…). Le module est illustré par plusieurs clichés libres de droit, manifestement choisis pour leur lien avec chacun des thèmes traités, ou encore une photographie d’une jeune femme destinée à incarner [T], qui apparaît à chacune des interventions d’icelle. Dans ses conclusions, Mme [H] insiste à de nombreuses reprises sur les nombreux choix arbitraires qu’elle a réalisés pour réaliser le module dont, par exemple, le choix d’une recette de cuisine, la structuration en différentes étapes, la création d’un personnage de cheffe pour servir de guide, la présence de cartes mémoire, les photographies positionnées dans un certain ordre, et le ton humoristique et bienveillant du module. En premier lieu, comme préalablement rappelé, la simple réalisation de choix, même arbitraires, ne saurait suffire à caractériser l’existence d’une œuvre protégée au titre du droit d’auteur, dès lors qu’il convient également de démontrer un effort créatif exprimant la personnalité de l’auteur. Or, dans ses conclusions, Mme [H] ne précise aucunement en quoi les choix de composition qu’elle invoque portent l’empreinte de sa personnalité (…). La demanderesse se contente toutefois de cette affirmation, qui n’est pas plus explicitée, et au demeurant, les œuvres produites par Mme [H] dans son activité d’artiste (sa pièce n° 26) sont clairement dépourvues de tout lien avec le module d’e-learning versé aux débats. (…) En second lieu, ce module a été créé pour une formation portant sur la conception de modules de formation à l’aide de l’outil Rise 360. Il s’agit donc d’un exemple destiné à présenter une partie des fonctionnalités proposées par ce logiciel. Or, un module e-learning, destiné à faire apprendre une tâche particulière à une personne, peut concerner de très nombreux sujets, y compris des recettes de cuisine et à ce titre, Mme [H] ne démontre pas en quoi son choix d’une recette de mousse au chocolat témoigne d’un effort créatif portant de surcroît l’empreinte de sa personnalité. (…) Enfin, le ton bienveillant et ludique, voire la présence d’humour, est inhérent à toute formation dont l’objet réside dans la transmission de connaissances. En conclusion, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il sera jugé que Mme [H] ne démontre pas que le module 10 minutes en cuisine constitue une œuvre originale portant l’empreinte de sa personnalité et protégée par le droit d’auteur. (TJ Nanterre, 1re ch., 25 juill. 2025, n° 23/01709)
- Originalité des vers « La mer qu’on voit danser » et trouble manifestement illicite (oui). En l’espèce, la société appelante contestait l’originalité des vers revendiqués qui ne serait pas décrite, et dont l’appréciation relèverait en tout état de cause du juge du fond. Pour autant, le juge des référés reste compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en présence d’une contestation sérieuse si l’’uvre est manifestement originale. Contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante, les intimés décrivent l’originalité du vers « la mer qu’on voit danser » comme résultant d’une association ni naturelle ni évidente des termes utilisés, le mot « danse » signifiant l’art de s’exprimer en interprétant des compositions chorégraphiques et/ou une suite rythmée et harmonieuse de gestes et de pas alors que d’un point de vue logique, la mer ne danse pas, de sorte que le choix de ce verbe renvoie à l’univers d’une certaine forme d’arts, de corps, de courbes, de rythmes. Ces éléments traduisent manifestement l’expression de choix libres et créatifs de son auteur et à tout le moins une apparence d’originalité et de manière évidente, l’œuvre litigieuse doit être protégée. Aux termes de l’article L. 335-34 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon « Toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ». En l’espèce est produit aux débats un procès-verbal du 5 octobre 2023 montrant la présence sur le site internet de la société Carteland de produits (coussin, gourde, tote bag et sac de plage) portant l’inscription ’la mer qu’on voit danser se présentant ainsi : L’utilisation de ces vers sans autorisation ainsi que sans la mention du nom de [V] [I], dans le but de promouvoir la vente d’objets personnalisables dans des conditions que M. [E] réfute, porte atteinte au droit patrimonial et moral de l’auteur, et partant aux droits dont la société Éditions Raoul Breton et M. [E] sont investis. Cette utilisation est en conséquence constitutive d’un trouble manifestement illicite. (Paris, pôle 5 - 2e ch., 11 juill. 2025, n° 24/16927)
- Originalité d’un concept d’émission (non). Les éléments évoqués dans ces courriels se limitent à des considérations d’ordre général et imprécises pour une émission musicale télévisée (fréquence hebdomadaire, participants inconnus du public, jury composé d’artistes célèbres, thème différent d’une émission à l’autre), qu’ils ne déterminent pas le format de l’émission (durée de l’émission, nombre d’artistes présentés, modalités de présentation de ces artistes, déroulement et animation de l’émission). Le seul fait d’indiquer que les participants élaborent eux-mêmes leur chanson et que l’émission soit intitulée « The Artist », même associé à ces considérations générales, ne suffit pas à conférer au concept une mise en forme, seule apte à trouver une protection par le droit d’auteur, de sorte qu’il y a lieu de considérer que l’émission telle que proposée n’est pas une œuvre de l’esprit mais en reste au stade d’une idée non protégeable par le droit d’auteur. En conséquence, il y a lieu de débouter M. [P] de ses demandes en contrefaçon et de ses demandes subséquentes, devenues sans objet, de mesures d’interdiction et de publication. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 3 juill. 2025, n° 22/10866)
- Originalité de trois imprimés tigre et léopard (oui). L’imprimé pour lequel la protection par le droit d’auteur est revendiquée est identifié dans le catalogue de la collection ME 369 de la société AH Fashion, comme suit, pour la confection d’un modèle de robe : Il ressort de cet imprimé, comme le souligne la société demanderesse, une composition de motifs variés, qui revêtent pour certains un caractère bohème, et pour d’autres un caractère psychédélique, associée au mot FUN écrit dans une police de caractères de couleur orange évoquant le cirque, et à la représentation d’un tigre au pelage géométrique sur fond coloré et de trois motifs imprimés eux-mêmes à formes géométriques. Leur combinaison particulière produite par l’agencement des différents éléments (terme à message, animal stylisé, imprimés géométriques) confère à cet imprimé une apparence singulière et inattendue révélant un parti-pris esthétique. Les caractères créatifs et originaux de cet imprimé sont suffisamment exprimés et témoignent de choix arbitraires portant l’empreinte de la personnalité de leur auteur. Les motifs géométriques produits en défense en pièce 6, présentés comme relevant du fond commun de la mode, pris isolément, ne sont pas de nature à infirmer cette analyse. (…). Il résulte de ces éléments, que les imprimés Lover #890, Tiger#839, Léopard #837 et le dessin All you need is love #888, sont originaux et bénéficient de la protection par le droit d’auteur. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 3 juill. 2025, n° 22/05597)
Titularité des droits
- Présomption prétorienne de titularité attachée à l’exploitation (oui). Selon l’article L. 113-14 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l’œuvre est divulguée. Il est rappelé qu’une personne morale est présumée titulaire des droits d’exploitation à l’égard des tiers si elle commercialise l’œuvre sous son nom de façon non équivoque en l’absence de revendication du ou des auteurs. Pour bénéficier de cette présomption, la personne morale doit caractériser l’œuvre sur laquelle elle revendique des droits, justifier de la date et des modalités de la première commercialisation sous son nom et apporter la preuve que les caractéristiques de l’œuvre qu’elle a commencé à commercialiser à cette date sont identiques à celles qu’elle revendique. La société [Localité 9] Sellier justifie avoir déposé le 26 février 1997 sous son nom un modèle français intitulé « Oran » n° 971181-040 reproduisant les sandales revendiquées sous ce libellé au titre du droit d’auteur (pièce appelante n° 12). Elle fait la promotion dans la presse (pièce appelante n° 4.1) et vend, en particulier sur son site Internet marchand hermes.com, les sandales « Oran » et « Izmir » (pièces appelante nos 16 et 37). Ces sandales sont vendues sous la marque qui rattache clairement les produits, dans l’esprit du public, à la société [Localité 9] Sellier, même si elle n’est pas titulaire de cette marque, et établit une commercialisation des sandales sous son nom de façon non équivoque. Cette exploitation a été soutenue et les sandales ont connu un succès certain auprès des consommateurs : « Les mules [Localité 9] [Localité 11], un best-seller toujours au top : découvrez quelques inspirations moins cher » (art. blog chaussures.fr, 1er avr. 2021, pièce appelante n° 26). La société [Localité 9] Sellier est donc fondée à se prévaloir de la présomption de titularité des droits patrimoniaux d’auteur sur les sandales « [Localité 11] » et « Izmir », celle-ci établissant au demeurant avoir commandé les dessins de ces sandales auprès de M. [H] [W], selon un contrat du 2 décembre 1991, qui a fait l’objet d’un avenant du 2 décembre 1993, et de deux contrats du 11 février 2002. (Paris, pôle 5-2, 11 juill. 2025, n° 23/17558)
- Présomption prétorienne de titularité attachée à l’exploitation (non). Il appartient à celui qui revendique des droits d’auteur sur un logiciel de fournir les éléments de nature à justifier de l’originalité des composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes de l’organigramme, ou du matériel de conception préparatoire (v. en ce sens Civ. 1re, 14 nov. 2013, n° 12-20.687). En l’espèce, la société Teeldo Health qui se prévaut de la présomption de titularité du droit d’auteur sur un logiciel, ne justifie d’aucun acte d’exploitation en France ou dans d’autres pays, du logiciel Teeldo. Elle ne produit qu’un contrat non daté, faisant état de faits de 2011, aux termes duquel elle apporte une mission de conseil à une société tierce sans faire mention du logiciel. Ne pouvant se prévaloir de la présomption de titularité qu’elle invoque, la société Teeldo Health est donc mal fondée à agir en contrefaçon. (TJ Paris, 3e ch., 11 juill. 2025, n° 22/12582)
Exception au droit d’auteur
- Exception d’information immédiate. L’article L.122-4, alinéa 1er, 9° du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 , dispose : Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : La reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d’indiquer clairement le nom de l’auteur. Le premier alinéa du présent 9° ne s’applique pas aux œuvres, notamment photographiques ou d’illustration, qui visent elles-mêmes à rendre compte de l’information. (…) Si la défenderesse justifie que les reproductions des œuvres d’[H] [WC] illustrent un article traitant de l’exposition qui avait lieu au musée [7] de [Localité 6], du 12 mars au 15 novembre 2020, le tribunal ne peut que constater que cet article figure dans la rubrique « Inspiration déco » et qu’outre la reproduction des œuvres, il opère des placements de produits (papier-peint, prêt-à-porter, mobilier), de telle sorte que si l’exploitation des œuvres est en lien avec l’information du lecteur sur l’exposition dont s’agit, elle sert également à lui proposer des « inspiration déco » et mettre en avant les produits correspondants, de sorte que la représentation et la reproduction de ces 10 œuvres n’ont pas un but exclusif d’information. L’exception d’information n’étant pas applicable, la société Marie claire album devait donc obtenir l’autorisation de la société ADAGP avant de publier cet article. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 3 juill. 2025, n° 23/01047)
Faux artistique
- Faux artistique et destruction de l’œuvre litigieuse. S’agissant du sort de l’œuvre litigieuse (un faux Fernand Léger), qui constitue un faux artistique, il y a lieu en application de l’article L. 331-1-4, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle d’en ordonner la destruction dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt, cette mesure ne présentant pas au regard des circonstances de la cause un caractère disproportionné et constituant la seule de nature à répondre à l’impératif général de lutte contre la contrefaçon et à garantir que le tableau litigieux soit définitivement écarté de tout circuit commercial afin de ne pas compromettre à nouveau les droits d’auteur attachés à l’œuvre de [I] [F] dont sont investis ses ayants droit. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté la demande principale en destruction du tableau litigieux. (Paris, pôle 5 -, 2e ch., 11 juill. 2025, n° 24/00691)
Procédure
- Référé et contestation sérieuse. L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile énonce que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». En l’espèce, Monsieur [S] soutient qu’il a créé la bibliothèque, qu’elle constitue une œuvre originale, qu’il est porté atteinte à son œuvre sans son autorisation avec une dénaturation de celle-ci passant par l’adjonction d’un nouveau bâtiment à la bibliothèque, l’ajout d’un bardage métallique vertical, y compris sur la partie originelle de cette bibliothèque, et la destruction du hall central autour duquel est articulé le bâtiment, et que son préjudice est actuel et déjà constitué car le permis de construire délivré est devenu définitif. Cependant, en particulier, la détermination du caractère original ou non de la bibliothèque, avec donc l’analyse des caractéristiques de celle-ci afin d’apprécier si elle peut ou non être considérée comme originale, constitue une contestation sérieuse. Également, la caractérisation de l’existence d’une atteinte à l’œuvre revendiquée, notamment au regard de la question de l’intangibilité de ladite œuvre, est une contestation sérieuse. Il est indéniable que la réponse à ce point implique un examen plus approfondi des moyens et pièces des parties et qu’il y a donc incompatibilité avec l’évidence requise en référé. Dès lors, il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formulée par Monsieur [S] à l’encontre du Département du Rhône. (TJ Lyon, ch. civ., 29 juill. 2025, n° 24/02098)
- Assignation, originalité et recevabilité de l’action en contrefaçon. La fin de non-recevoir soulevée par la société TOLERIE FORÉZIENNE, soit le défaut de qualité de la société MÉTAL DESIGN pour agir à leur encontre en contrefaçon de droit d’auteur, nécessite qu’il soit tranché au préalable une question de fond tenant à la titularité des droits d’auteur. En raison de la complexité de ladite question de fond et conformément aux dispositions susvisées, la fin de non-recevoir est renvoyée devant la juridiction de jugement qui sera amenée à statuer sur le fond du dossier à l’issue de l’instruction. La société TOLERIE FORÉZIENNE est invitée à la reprendre au sein des conclusions récapitulatives qui seront adressées à la formation de jugement. De même, la société MÉTAL DESIGN CONCEPT se devra d’y répondre en retour par conclusions récapitulatives au fond. (TJ Lyon, 7 juill. 2025, n° 23/03066)
Propriété industrielle
Marques
- Droits conférés par la marque - notion de détention. L’article 10, § 3, sous b), de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque protégée dans un État membre peut interdire à un tiers de détenir, sur le territoire d’un autre État membre, des produits sous un signe dans les conditions visées à l’article 10, § 2, de cette directive afin d’offrir ces produits à la vente ou de les mettre sur le marché dans l’État membre dans lequel cette marque est protégée. Pour « détenir », au sens de cette disposition, un produit sous un signe dans les conditions visées à l’article 10, § 2, de cette directive, il est suffisant de disposer d’un pouvoir de contrôle ou de direction sur la personne qui a la maîtrise directe et effective de ce produit. (CJUE 1er août 2025, aff. C-76/24)
- Risque de confusion (non). Importance de la comparaison visuelle. Dans le cadre d’un conflit opposant la marque demandée à l’enregistrement , pour désigner des produits de boulangerie, des services de vente en gros, au détail, d’articles de pâtisserie, de gâteaux secs, et la marque antérieure IMPOSSIBLE, enregistrée pour désigner des produits de la classe 30 (Poudre à lever ; pain ; en-cas à base de pain ; en-cas à base de céréales ; gommes à mâcher ; succédanés du chocolat ; chocolat ; cacao soluble ; produits à base de chocolat ; cacao ; boissons à base de cacao ; succédanés du cacao ; café ; boissons à base de café), le Tribunal retient que pour les produits de cette classe étaient normalement achetés dans des supermarchés ou des établissements similaires et étaient donc choisis directement par le consommateur dans un rayon, plutôt que demandés oralement. De même, dans de tels établissements, le consommateur perdait peu de temps entre ses achats successifs et, souvent, ne procédait pas à une lecture de toutes les indications portées sur les différents produits, mais se laissait davantage guider par l’impact visuel global produit par leurs étiquettes ou emballages. Dans ces circonstances, pour l’appréciation de l’existence d’un éventuel risque de confusion ou lien entre les signes en conflit, le résultat de l’analyse de la similitude visuelle devenait plus important que le résultat de l’analyse de la similitude phonétique et conceptuelle. En outre, dans le cadre de cette appréciation, les éléments figuratifs d’une marque jouaient un rôle plus important que ses éléments verbaux dans la perception du consommateur concerné. C’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, en ce qui concernait les produits en cause relevant du secteur alimentaire, les consommateurs étaient davantage guidés par l’impact visuel des marques en conflit. La simple circonstance que certains produits sont identiques ou similaires à un degré moyen ne suffit pas pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, eu égard aux circonstances du cas d’espèce, notamment à la comparaison des signes en conflit, et aux différences visuelles frappantes entre lesdits signes. En effet, l’application du principe d’interdépendance n’a pas vocation à s’appliquer de manière mécanique. Ainsi, s’il est vrai que, en vertu du principe d’interdépendance, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, inversement, rien ne s’oppose à constater que, eu égard aux circonstances d’un cas d’espèce, il n’existe pas de risque de confusion, même en présence de produits identiques et d’un faible degré de similitude entre les marques en conflit. (TUE 23 juill. 2025, aff. T-67/24)
- Risque de confusion (non) - marque antérieure faiblement distinctive. Dans le cadre d’un conflit opposant la marque demandée à l’enregistrement Magic Crown et la marque antérieure Crown, désignant toutes deux des produits et services identiques dans les classes 9, 28 et 41, le tribunal de l’Union européenne confirme la solution de la chambre de recours, en considérant qu’aucun risque de confusion ne pouvait être retenu. Les signes en conflit présentent un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, compte tenu des différences découlant de la présence de l’élément « magic » dans la marque demandée et du fait que les signes coïncident uniquement sur l’élément faiblement distinctif « crown », auquel les consommateurs sont habituellement exposés dans le marché des jeux. De plus, lorsque la marque antérieure et le signe dont l’enregistrement est demandé coïncident sur un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits et des services en cause, l’appréciation globale du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001, n’aboutit fréquemment pas au constat de l’existence de ce risque. Lorsque les éléments de similitude entre deux signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant présentant un caractère distinctif faible, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui‑même faible. Une protection excessive d’une marque présentant un caractère distinctif faible pourrait nuire à la réalisation des objectifs poursuivis par le droit des marques. Eu égard au faible degré de similitude des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, ainsi qu’au caractère distinctif faible de la marque antérieure, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à l’absence de risque de confusion, et ce en dépit du caractère identique ou similaire des produits et des services en cause. (TUE 23 juill. 2025, aff. T-436/24)
- Descriptivité. L’expression « jet lag » est descriptive de l’une des caractéristiques des produits désignés, à savoir des cosmétiques, des produits de soin pour la peau, en ce qu’elle serait perçue par une partie non négligeable du public pertinent comme indiquant que ces produits étaient conçus pour rafraîchir, rajeunir et restaurer la peau, atténuant ainsi les effets physiques visibles du syndrome du décalage horaire que sont la fatigue, la déshydratation et un teint terne. Cette expression suit les règles de syntaxe et de grammaire de l’anglais et possède une signification dans cette langue, de sorte qu’aucun effort ne sera nécessaire au public pertinent pour discerner directement et immédiatement sa signification. Elle se définit comme « un sentiment général de fatigue et de confusion souvent ressenti par les passagers d’avions à réaction qui parcourent plusieurs fuseaux horaires en relativement peu d’heures ». Confronté à la marque contestée, au regard des produits en cause, le public pertinent comprendra immédiatement et sans autre réflexion que ces produits, qui sont destinés à améliorer l’apparence et la santé de la peau, ont pour caractéristique de lutter contre les effets du syndrome du décalage horaire sur la peau. Il en résulte que, s’agissant de tels produits, la marque demandée sera perçue par le public pertinent comme une description d’une caractéristique desdits produits, à savoir leur destination. (TUE 23 juill. 2025, aff. T-472/24)
- Descriptivité - Marque géographique. L’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernés et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés disponibles pour celles-ci en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés. Même si le public pertinent connaît un lieu géographique, il n’en découle pas automatiquement que le signe peut servir, dans le commerce, comme indication de provenance géographique. Pour examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement en cause sont remplies, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, telles que la nature des produits ou services désignés, la renommée plus ou moins grande, notamment dans le secteur économique en cause, du lieu géographique en cause et la connaissance plus ou moins grande qu’en a le public concerné, les habitudes de la branche d’activité concernée et la question de savoir dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits ou services concernés. C’est à bon droit que la chambre de recours à tenu compte de la prospérité économique, incluant l’appréciation du produit intérieur brut (PIB), de la main-d’œuvre qualifiée ou encore de la présence d’industries différentes, dès lors que ces critères pouvaient permettre de déterminer si l’Islande était susceptible de devenir connue ou réputée en tant que lieu de provenance géographique pour les produits et les services désignés. La marque est descriptive pour des produits et services en classes 7, 11, 16, 29, 29, 30, 31, 32 et 35. (TUE 16 juill. 2025, aff. T-105/23 et T-106/23)
- Forclusion par tolérance - Mauvaise foi. L’article 9, § 1er, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque antérieure ayant indiqué dans une mise en demeure extrajudiciaire, adressée au titulaire d’une marque postérieure et visant à la cessation de l’usage de celle-ci, une date limite aux fins de l’exercice d’une action en nullité de cette marque, qui coïncide avec l’écoulement de la période de forclusion de cinq années consécutives prévue à cet article 9, § 1er, peut en demander, après la date indiquée, la nullité sur la base de la mauvaise foi du titulaire de la marque postérieure lors du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci, même si, au moment de cette mise en demeure, ledit titulaire de la marque antérieure disposait de tous les éléments nécessaires pour considérer que ce dépôt avait été effectué de mauvaise foi. (CJUE 10 juill. 2025, aff. C-322/24)
- Usage sérieux opéré par des tiers. L’usage de la marque d’une société de production par une société de distribution économiquement liée à celle-ci pouvait être reconnu comme étant un usage de cette marque fait avec le consentement du titulaire et ainsi être considéré comme fait par le titulaire, conformément à l’article 15, § 2, du règlement (UE) 207/2009. Ces considérations s’appliquent mutatis mutandis lorsque la marque d’une société de production, telle que la marque contestée, est utilisée par une autre société commercialisant les produits en cause comme étant des produits « officiels » sous licence de la première société. En effet, un tel usage établit un lien entre ces deux sociétés, lequel, à défaut d’indication contraire, présuppose que le titulaire de la marque a consenti, ne serait-ce qu’implicitement, à l’usage de ses marques par ladite société. (TUE 2 juill. 2025, aff. T-1104/23)
par Yann Basire, Maître de conférences et Directeur général du CEIPI, Université de Strasbourg, et Stéphanie Le Cam, Maître de conférences, Université Rennes 2
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