Panorama rapide de l’actualité « Propriété intellectuelle » des semaines du 17 juin 2024 au 1er juillet 2024

Sélection de l’actualité « Propriété intellectuelle » marquante des semaines 17 juin 2024 au 1er juillet 2024

Propriété littéraire et artistique

Originalité

  • Preuve de l’originalité d’un logiciel (non). Il ressort de ces circonstances que les conditions de l’originalité sont potestatives du choix de la société Smart RX de communiquer à l’expert qu’elle a désigné des éléments de son code source et du positionnement arbitraire du technicien de sélectionner ceux qu’il estimait pertinents. Les conclusions de l’expert, qui n’a pu se voir communiquer l’intégralité du code source, apparaissent d’une faible valeur probante. En présence d’éléments pouvant relever du secret des affaires, il appartenait à la société Smart RX d’aménager la communication de ce code ou de ses extraits pertinents au cours de la procédure, le cas échéant en saisissant le juge de la mise en état d’un incident. En l’absence de communication du code source, la juridiction n’est pas en mesure d’apprécier l’originalité du logiciel et l’effort personnalisé de l’auteur matérialisé dans une structure individualisée et l’éventuelle logique automatique et contraignante. L’originalité du logiciel en litige n’est donc pas prouvée et la demande fondée sur sa contrefaçon rejetée. (TJ Paris, 27 juin 2024, n° 20/02476)
  • Originalité d’un scénario (oui). L’originalité s’entend comme le reflet de la personnalité du créateur, et démontre un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, de ses choix libres et créatifs et non de simples déclinaisons ou des transpositions, conférant ainsi à l’objet un caractère d’originalité. En l’espèce, Mme [J] revendique la protection du droit d’auteur sur la version V 4.1 du scénario de L’ombre qui grandit, document écrit, produit en pièce 9, dont le tribunal peut se convaincre qu’il constitue un scénario constitué de 79 séquences. La demanderesse se réfère à la note d’intention en pièce 18 jointe à la version présentée à l’école pour la sélection pour le jury afin de détailler les caractéristiques de l’histoire, du décor, de l’atmosphère et des personnages de ce scénario afin d’expliciter ce qui marque l’empreinte de sa personnalité. Il n’est pas contesté que ces caractéristiques se retrouvent dans le scénario, peu importe que des extraits de texte ne soient pas précisément cités. Il n’est pas allégué que ces caractéristiques seraient mensongères. Contrairement à ce qui est soutenu par la défenderesse, les modifications induites par une adaptation de roman qu’il s’agisse de sa sphère temporelle, géographique ou des personnages caractérisent parfaitement l’originalité d’une oeuvre et ne peuvent être écartés comme non probant de l’empreinte de la personnalité. Ces modifications constituent au contraire des choix, une composition et un mode narratif qui sont autant de manifestations de la personnalité. La seule affirmation du caractère banal des modifications induites par une adaptation n’est nullement probante d’une absence d’originalité, sauf à dénier par principe à toute adaptation d’une oeuvre la possibilité de constituer une nouvelle oeuvre, ce qui est contraire aux dispositions de l’article L. 112-3 précité. En tout état de cause, une simple lecture du scénario permet au tribunal de se convaincre qu’il constitue un agencement créatif d’une histoire qui comporte nécessairement des choix narratifs pour l’adaptation d’une oeuvre littéraire. (TJ Bordeaux, 2 juill. 2024, n° 21/09443)
  • Originalité d’expositions (oui). Sont des œuvres de l’esprit protégeables, les expositions, à la condition qu’elles soient originales. En premier lieu, s’agissant de l’exposition « Passeur de mémoires », il résulte des pièces produites que l’exposition est composée de 7 séries de panneaux consacrés aux génocides des Arméniens, des Juifs d’Europe, des Tutsi du Rwanda, à la famine d’Ukraine, au génocide du Cambodge, aux persécutions raciales des Tziganes et à l’éthnocide du Tibet. Chacun des panneaux contient des textes spécifiques d’illustration et des photographies sélectionnées et organisées, avec un panneau d’introduction et un panneau final de conclusion intitulé « pensées… » composé de 13 citations sélectionnées évoquant le génocide. M. [L] explique que l’exposition est organisée en trois parties correspondant aux génocides avérés, les crimes contre l’humanité à caractère génocidaire et les crimes contre l’humanité afin d’inviter le public à une réflexion sur les difficultés de qualification juridico-historique de chacun des crimes et à leur reconnaissance. En deuxième lieu, s’agissant de l’exposition « Mémoires croisées de l’esclavage et de la colonisation », il résulte des pièces produites qu’elle comporte 51 panneaux traitant de l’esclavage et de la colonisation. Comme pour la précédente exposition, chacun des panneaux contient des textes originaux spécifiques d’illustration et des photographies sélectionnées et organisées. Sont également insérés des documents iconographiques et des archives historiques, politiques et culturelles. M. [L] explique que l’exposition est organisée en quatre parties distinguées par des couleurs différentes évoquant la chaleur et l’exotisme dont le sujet est connoté. En troisième lieu, s’agissant de l’exposition « Le génocide des Arméniens », il est constant entre les parties qu’elle a été réalisée à partir de l’exposition « Passeur de mémoires ». Il résulte des pièces produites que les panneaux d’exposition consacrés au génocide des Arméniens ont été retravaillés puisque les couleurs de fond ont été modifiées et qu’a été inséré un nouveau texte original introductif, certaines légendes ayant, en outre, été reprises. En quatrième lieu, s’agissant de l’exposition « L’odyssée de [G] [K] », consacrée au témoignage d’une survivante du génocide arménien, il résulte des pièces produites qu’elle est composée de textes originaux, d’images et de cartes sélectionnés exposés sur 10 panneaux, comprenant un fond de couleurs brique et ocre et des textes de couleur blanche. M. [L] explique que l’exposition replace l’histoire individuelle de [G] [K] dans l’histoire du génocide des Arméniens et la Première guerre mondiale dans l’empire Ottoman et qu’une frise chronologique située en partie inférieure du panneau permet de contextualiser les événements importants qui sont retracés. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les panneaux de chacune des expositions, comportent des textes originaux, une sélection de documents issus de recherches historiques, des photographies sélectionnées et disposées spécifiquement, et qu’ils ont été mis en page selon des choix arbitraires et créatifs et selon une cohérence d’ensemble, révélant l’apport intellectuel et la personnalité de l’auteur. En conséquence, il y a lieu de retenir que ces quatre expositions, du fait de leur caractère original, sont des œuvres relevant de la législation sur les droits d’auteur. Le jugement est donc infirmé. (Lyon, 2 juill. 2024, n° 22/05460)
  • Originalité d’une photographie (non), mais engagement de la responsabilité civile. De ce fait, en reproduisant le cliché sur son site internet, sans bourse délier, la société DKA a profité des investissements de l’AFP et, sans manquer à une obligation préexistante qui lui serait imposée par la loi du 10 janvier 1957, a néanmoins adopté un comportement fautif parasitaire, de nature à engager sa responsabilité civile. (TJ Paris , 27 juin 2024, n° 22/02990)
  • Originalité d’une photographie (non plus). Au stade préparatoire, cette photographie révèle un travail de mise en scène : sur un arrière-plan en dégradé de violet, posé sur deux assiettes d’une belle couleur orange, on découvre dans son écrin rouge un somptueux tajine de poulet. L’abondance, les couleurs, cet écrin, tout est ici raffiné à l’exemple de la nappe, que l’on distingue en bas à gauche, à carreaux rouge et violet, écho aux autres couleurs du décor. Au stade de la prise de vue, le photographe a choisi un cadrage permettant de distinguer le couvercle conique en terre cuite rouge recouvrant la moitié du tajine. La lumière vient de la gauche et du fond. Elle met en valeur les pilons de poulet et la belle couleur brillante des pruneaux ainsi que l’accumulation des plats qui ajoute à l’abondance du plat. Toutefois cette photographie représente un tajine de poulet, plat traditionnel d’Afrique du Nord, présenté dans un plat en terre cuite du même nom à couvercle conique, (soit dans le plat qui lui est habituellement dédié) dans un coloris d’ensemble brun orangé, évoquant là aussi de manière classique, la cuisine méditerranéenne. L’arrière-plan et la nappe sont à peine visibles, et ne peuvent contribuer à la mise en scène du plat. La photographie se borne à présenter les composants de ce plat dont le poulet et les pruneaux, qui sont mis en évidence par l’éclairage. La présentation du couvercle du plat entr’ouvert, de manière à montrer partiellement les aliments, à susciter la curiosité et à suggérer que le plat est appétissant, constitue un procédé banal de la photographie culinaire. On ne peut conclure, au regard de ces éléments, à une mise en scène créative du plat traduisant la personnalité de son auteur. L’originalité de la photographie n° 600636517 n’est donc pas établie. (TJ Paris, 28 juin 2024, n° 23/05932)

Droits patrimoniaux

  • Exposition d’œuvres dans une galerie sans l’accord de l’auteur - atteinte au droit de représentation (non). La Galerie Objet Trouvé a reconnu avoir exposé, sans l’autorisation de [V], dans le cadre de l’exposition « In the flesh : corps véritables », qui a eu lieu du 14 juin au 12 juillet 2020, l’œuvre « n°723 Ex-Chier Feck ». D’une part, la Galerie Objet Trouvé n’avait nul besoin du mandat ou de l’autorisation de l’auteur, pour vendre cette œuvre qu’elle lui avait auparavant achetée. Cette vente est au demeurant établie par les pièces produites (et notamment la facture de l’ADAGP, pièce 25 de la défenderesse) et a eu lieu au plus tard le 24 juin 2020. D’autre part, la vente d’une œuvre telle qu’un tableau à une galerie d’art par son auteur a nécessairement pour objet son exposition en vue de sa revente éventuelle. Sa communication au public constitue donc un accessoire nécessaire de sa revente sauf à reconnaître à l’auteur le droit d’entraver celle-ci et indirectement de l’interdire, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle. Il convient d’en déduire que les époux [Z] ne peuvent valablement soutenir qu’en procédant à l’exposition temporaire de l’œuvre « n° 723 Ex-Chier Feck » dans les circonstances précitées, la Galerie Objet Trouvé a commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur. (TJ Paris, 28 juin 2024, n° 21/05823)

Auctorialité et titularité 

  • Affaire Boléro : œuvre de collaboration (non). Les parties en demande rappellent que le ballet Boléro existe par la réunion de contributions de genres différents, celle de Maurice Ravel pour la composition musicale, celle de Bronislava Nijinska pour la chorégraphie, et celle d’Alexandre Benois pour les décors et costumes, ce qui n’est pas contesté par la SACEM, qui reconnaît à Alexandre Benois cette contribution, dont il a d’ailleurs été crédité lors de la divulgation de l’oeuvre, sur l’affiche et le programme de la soirée du 22 novembre 1928. En outre, le caractère original des costumes et décors en cause ne fait l’objet d’aucun débat. De la même manière, il n’est pas davantage contesté que Bronislava Nijinska est l’auteur de la chorégraphie représentée pour la première fois le 22 novembre 1928, sur la musique composée par Maurice Ravel. Cependant, la caractérisation de cette participation de plusieurs auteurs à une même oeuvre est insuffisante, à elle seule, à lui conférer la qualification d’oeuvre de collaboration, d’une part, car il a été fait précédemment le rappel qu’aucune présomption légale n’est prévue à cet effet à l’endroit des ballets, et d’autre part, au regard des critères dégagés par la jurisprudence, précédemment rappelés. Il convient ainsi, non seulement de démontrer que chaque collaborateur y a apporté une contribution originale, mais également que l’oeuvre résulte d’un travail créatif concerté et conduit en commun par ces différents collaborateurs, cette concertation résultant d’une communauté d’inspiration et de but poursuivi, de sorte que chaque auteur aura, à tout le moins intellectuellement, contribué à l’ensemble de l’œuvre. Ces critères étant cumulatifs, le défaut de l’un seulement d’entre eux suffit à exclure la qualification d’œuvre de collaboration de l’œuvre en cause. (TJ Nanterre, 28 juin 2024, n° 18/06332)
  • Affaire Druet c/ CattelanConformément à l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’’uvre est divulguée». L’auteur est donc présumé être celui ayant divulgué l’’uvre pour la première fois sous son nom, cette présomption simple étant réfragable. En l’espèce, il n’est pas contesté que les oeuvres litigieuses, sur lesquelles [D] revendique la titularité des droits à titre exclusif ont toutes été divulguées sous le seul nom de [C], aussi bien dans la presse où il est présenté comme leur unique auteur, qu’à l’occasion des expositions. En application de l’article L. 113-1 susvisé, M. [C] est donc présumé être l’auteur desdites oeuvres (…). Le tribunal a justement retenu que la recevabilité des demandes de M. [D] formées en contrefaçon de droit d’auteur est soumise à la démonstration par ce dernier de sa qualité d’auteur des oeuvres litigieuses, laquelle est contestée et nécessite de renverser la présomption de titularité dont bénéficie M. [C] revendiquant une titularité exclusive sur lesdites oeuvres. Il est pourtant constant que M. [D] n’a pas assigné M. [C]. Ce dernier a été attrait dans la cause par La Monnaie de Paris au titre d’un appel en garantie. Cependant l’appel en garantie simple ne crée de lien juridique qu’entre l’appelant en garantie et l’appelé, à l’exclusion de tout lien entre le demandeur à l’action principale et l’appelé en garantie (Civ. 1re, 15 mai 2015, n° 14-11.685) (…). Dès lors, et ainsi que l’a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, faute d’avoir assigné en personne [C], auteur présumé des oeuvres dont il revendique la titularité des droits, [D] doit être déclaré irrecevable en toutes ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur. (Paris, pôle 5 - ch. 1, 5 juin 2024, n° 22/14922)

Communication au public

  • Mise à disposition dans des appartements d’appareils de télévision équipés d’une antenne d’intérieur permettant la captation de signaux et la diffusion d’émissions. L’article 3, paragraphe 1, de la la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprétée en ce sens que la notion de « communication au public » visée à cette disposition, couvre la mise à disposition délibérée, par l’exploitant d’un immeuble d’appartements mis en location, d’appareils de télévision équipés d’une antenne d’intérieur qui, sans autre intervention, captent des signaux et permettent la diffusion d’émissions, pour autant que les locataires de ces appartements puissent être considérés comme un « public nouveau ». (CJUE 20 juin 2024, aff. C-135/23, GEMA)

Droits voisins

  • Entreprises de communication audiovisuelle. Il est ainsi démontré de manière suffisamment probante que les sites litigieux, permettent aux internautes d’accéder, sans autorisation, à des manifestations et compétitions sportives sur lesquelles la SECP détient des droits exclusifs d’exploitation audiovisuelle et/ou un droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle. Sont ainsi établies des atteintes graves et répétées au sens de l’article L. 333-10 du code du sport, ces atteintes étant commises au moyen de différents services dont l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives. La SECP est donc fondée à solliciter la prescription de mesures propres à prévenir ou faire cesser la violation de ses droits sur le championnat MotoGP. (TJ Paris, 26 juin 2024, n° 24/06760 ; v. plusieurs décisions rendues le même jour).

Statut professionnel

  • Prise en charge des cotisations arriérées bénéficiant aux artistes-auteurs. Un nouveau décret a été pris pour améliorer le dispositif d’aide au rachat des cotisations arriérées. Il aura pour effet de relever deux plafonds applicables à cette aide sociale. Pour l’aide individuelle au rachat, il supprime le plafond de 50 % de la valeur mensuelle du plafond annuel de la sécurité sociale pour le remplacer par un plafond correspondant à 1 fois la valeur mensuelle du PASS, soit 3 864 € en 2024 (contre la moitié, soit 1 932 €, dans l’ancienne version de l’aide). Pour le montant total de l’aide au rachat, il supprime le plafond de 50 % de la fraction de la contribution diffuseur dédiée à l’action sociale de la SSAA pour le remplacer par un plafond maximum de 75 % jusqu’au 31 décembre 2026. (Décr. n° 2024-633 du 28 juin 2024 relatif à la prise en charge des cotisations arriérées bénéficiant aux artistes-auteurs).
     

Propriété industrielle

Droit des marques

  • Opposition - Intérêt à agir - Brexit. L’existence d’un intérêt à agir en annulation suppose que, par son résultat, le recours soit susceptible de procurer un bénéfice à la personne qui l’a introduit. La question de savoir si, s’agissant d’une décision rejetant une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, la personne ayant formé une telle opposition est susceptible de retirer un bénéfice d’un recours porté devant le Tribunal et visant à l’annulation de cette décision doit être appréciée de manière concrète, à l’aune de l’ensemble des conséquences susceptibles de découler du constat d’une éventuelle illégalité ayant entaché cette décision et de la nature du préjudice prétendument subi. Le Tribunal était fondé à constater que l’objet du recours introduit par Indo European Foods n’avait pas disparu. Il résulte, par ailleurs, que la décision litigieuse a confirmé le rejet de l’opposition introduite par cette partie sur la base du constat que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’étaient pas satisfaites, de sorte qu’Indo European Foods ne pouvait, selon cette décision, bénéficier, pour la marque antérieure en cause, de la protection prévue par cette disposition. Partant, dès lors que c’est précisément la violation de ladite disposition par la chambre de recours qu’Indo European Foods a invoquée au soutien de son recours devant le Tribunal et que ladite décision est préjudiciable, en particulier, aux intérêts économiques d’Indo European Foods, l’annulation de celle-ci serait susceptible de lui procurer un bénéfice. (CJUE 20 juin 2024, aff. C-801/21 P, Basmati)

 

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