Panorama rapide de l’actualité « Propriété intellectuelle » des semaines du 1er octobre au 31 octobre 2025

Sélection de l’actualité « Propriété intellectuelle » marquante des semaines du 1er octobre au 31 octobre.

Propriété littéraire et artistique

Condition de protection

  • Sculptures et reproductions des supports. Si, selon une jurisprudence constante (Civ. 1re, 18 mars 1986, n° 84-13.749, Bull. 1986, I, n° 71 ; Civ. 1re, 4 mai 2012, n° 11-10.763, Bull. 2012, I, n° 103 ; Civ. 1re, 22 mai 2019, n° 17-28.314), les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir d’un modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement doivent être considérées comme l’œuvre elle-même émanant de la main de l’artiste en ce que, par leur exécution même, ces supports matériels, dans lesquels l’œuvre s’incorpore et qui en assurent la divulgation, portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur, tel n’est pas le cas de la reproduction, obtenue par surmoulage, d’une sculpture de l’artiste, même acquise avant la loi du 9 avril 1910 (Civ. 1re, 4 mai 2012, n° 11-10.763, Bull. civ. I, n° 103). Dès lors qu’elle a retenu que les bronzes litigieux avaient été réalisés à la demande des héritiers [B] par prise d’empreintes directes sur les marbres, la cour d’appel, qui n’avait pas à faire la recherche invoquée à la quatrième branche, en a déduit à bon droit que ces bronzes ne pouvaient pas être qualifiés d’œuvres originales d’[N] [D]. Le moyen n’est donc pas fondé. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-16.312, F-D)
  • Protection d’une technique de photographie (non). Il est de principe que le processus de création et les éléments techniques ayant contribué à la réalisation de l’œuvre ne sont pas protégeables en eux-mêmes, à défaut de matérialisation dans une création de forme. En l’occurrence, monsieur [O] entend se prévaloir de droits sur une “technique originale de déstructuration et d’impression des photographies”, soit une méthode personnelle employée pour concevoir des photographies et non une matérialisation d’une œuvre de l’esprit (comme cela pourrait être le cas de photographies précisément identifiées, pour lesquelles la technique susvisée aurait été employée). La protection assurée par le droit d’auteur ne lui étant pas applicable, il ne peut être fait droit aux demandes d’indemnisation et de restitution formées à l’appui. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 3, 8 oct. 2025, n° 23/06891)
  • Protection d’une conférence (non). Au cas présent, M. [O] revendique la protection par le droit d’auteur de la conférence qu’il a donnée le 24 puis le 27 juin 2022, en particulier l’expression originale de sa pensée qui s’y trouve. (…) Il en ressort que M. [O], sous couvert du droit d’auteur, tend à revendiquer une protection de l’analyse personnelle qu’il a livrée à l’occasion des deux conférences qu’il a données les 24 et 27 juin 2022. Toutefois, cette analyse, quelque novatrice qu’elle puisse être, ne peut être protégée que dans sa forme et à condition que celle-ci soit originale. Or, à cet égard, M. [O] admet lui-même que les mots qu’il utilise sont banals et que les concepts auxquels il fait référence, tels l’essentialisation, le rapport au monde, le tournant global ou l’histoire par le bas, ne lui sont pas propres (ses conclusions p. 16, 21, 22). Par ailleurs, M. [O] argue de contrefaçon la reprise de l’enchaînement de sa réflexion par M. [M], sans procéder à l’indispensable caractérisation de l’originalité de cet enchaînement. De même, M. [O] argue de contrefaçon la reprise de la phrase : “Persuadés d’avoir retrouvé en Afrique la nature disparue en Europe, les colons créent les premiers parcs naturels du continent, du Congo jusqu’en Afrique du Sud. […] Il faudrait “sauver l’Éden !” de son livre “L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’éden africain” paru en 2020. sans en caractériser l’originalité, le tribunal ne pouvant s’y substituer. Il résulte de l’ensemble que M. [O] échoue à démontrer que les conférences qu’il a données les 24 et 27 juin 2022 et la quatrième de couverture de son livre “L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’éden africain” paru en 2020, sont originales et, partant, éligibles à la protection par le droit d’auteur. Ses demandes à ce titre seront, en conséquence, rejetées. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 3, 8 oct. 2025, n° 23/06891)
  • Originalité d’une photographie (non). Néanmoins, lorsque l’originalité d’une œuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur de caractériser l’originalité de l’œuvre revendiquée, c’est à dire de justifier de ce que cette œuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. En l’espèce, les choix dont il est fait état, concernant tant le style rustique de la table en bois contrastant avec l’assiette de couleur noire et de facture contemporaine sur laquelle sont posées quatre oranges givrées, les cristaux de givre dont les fruits sont parés, que les fines cuillères en métal placées en arrière- plan, suggérant une dégustation imminente et délicate de la crème d’orange, dont l’onctuosité est mise en valeur par une présentation réalisée à l’aide d’un syphon, ne peuvent suffire à traduire une démarche personnelle et créatrice qui porterait l’empreinte de la personnalité du photographe, la prise de vue en légère plongée, le léger flou en arrière-plan suggérant une journée ensoleillée et contrastant avec la fraîcheur du met, relevant quant à eux d’un savoir-faire de photographe mis en œuvre, en l’occurrence en jouant avec divers moyens techniques sur la texture et les couleurs dans le but de valoriser une préparation culinaire.
    Par ailleurs, la présentation en carré des quatre oranges givrées sur une assiette noire posée sur une table de campagne grise est des plus usuelle et ne traduit pas une mise en scène révélant des choix créatifs au regard des nombreuses photographies culinaires fournies par la société intimée. Il n’est pas démontré l’existence de choix particuliers du photographe quant au cadre de la prise de vue ou à l’éclairage, qui apparaissent en l’espèce parfaitement usuels en la matière (gros plan en légère contre-plongée sur l’assiette, positionnée au centre de la photographie et éclairage artificiel suggérant une journée ensoleillée) et qui obéissent à des impératifs techniques justifiés par la nécessaire mise en valeur d’un plat culinaire et de restitution d’une image fidèle de celui-ci. Le travail de préparation en amont évoqué par la société Sucré Salé relatif à l’onctuosité de la crème d’orange relève d’un savoir-faire technique, non protégeable par le droit d’auteur puisqu’il s’agit en l’espèce de conférer au produit un aspect appétissant et une apparence de fraîcheur au plus près de la réalité.
    Si, comme l’appelante le soutient à juste titre, la banalité du sujet est parfaitement indifférente en droit d’auteur, elle ne démontre pas pour autant que la manière dont le sujet a été traité par le photographe révèle l’empreinte de sa personnalité. L’originalité de la photographie n’étant pas démontrée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Sucré Salé de ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur. (Paris, pôle 5 - 1re ch., 1er oct. 2025, n° 24/01840)
  • Originalité de la couverture du catalogue (non). Pour justifier de l’originalité de la couverture du catalogue, la société LGO expose les caractéristiques suivantes : l’adoption d’un style épuré principalement en nuances de gris, le rappel de couleur entre le logotype et le titre ; l’utilisation de caractères gras pour le mot « tarif » et de caractères plus fins pour la date ; la suppression de la mention « Au cœur de la Cuisson », une partie basse blanche occupant un tiers de la page avec le nouveau logotype en aplat ; une image de flamme grisée extraite du logotype et insérée en filigrane ; la position de la photographie ; le choix d’une photographie traduisant une intention artistique de se focaliser sur les boutons de cuisson d’un produit de la marque du client. Or, alors que l’originalité ne se déduit pas des modifications apportées à un catalogue antérieur, le tribunal ne peut constater que la couverture de catalogue dont s’agit présente une architecture graphique commune pour un catalogue professionnel dans le secteur de l’industrie, et que les éléments qui la composent sont en réalité guidés par sa finalité commerciale et l’identité de l’entreprise dont il émane (code couleurs de l’entreprise, reprise de la flamme stylisée en arrière-plan, présence du logotype, illustration avec un produit), de sorte que ces caractéristiques traduisent non pas la personnalité de l’auteur mais celle du commanditaire. Il n’en ressort donc aucun choix libre et créatif portant l’empreinte de la personnalité de la société LGO ou de l’auteur. L’originalité de la couverture n’est donc pas caractérisée. En conséquence, il y a lieu de débouter la société LGO de ses demandes en contrefaçon au titre de la couverture du catalogue, et de la demande d’interdiction subséquente. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 2 oct. 2025, n° 23/02606)
  • Protection d’un modèle de dentelle (oui). Il résulte de l’ensemble que le motif de dentelle utilisé sur les modèles de produits commercialisés par la société New Naf Naf reprend de nombreuses caractéristiques originales du modèle de dentelle n° 970110 de la société Dentelle Sophie [O], conférant à ces deux modèles une grande ressemblance. Les quelques différences soulignées par les défenderesses, relatives à l’épaisseur des liens entre les motifs floraux, celle du maillage quadrillage, aux six pétales extérieurs et sept pétales intérieurs à la fleur, et à la dissemblance de quelques feuilles, ne sont pas de nature à gommer cette ressemblance. En conséquence, le motif de dentelle utilisé sur les modèles de produits commercialisés par la société New Naf Naf constitue une contrefaçon de droit d’auteur du modèle de dentelle n° 970110 de la société Dentelle Sophie [O]. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 3, 8 oct. 2025, n° 22/06205)
  • Originalité de la fusée de Tintin (oui). S’agissant de la fusée créée par Hergé, il est indéniable que Monsieur [TJ] et la société CLEMENTINE ont repris les éléments originaux de la fusée imaginée par Hergé à savoir notamment : le support tripodique ; la forme oblongue plus évasée en son centre ; la décoration en damier rouge et blanc (sous une forme non modifiée s’agissant de la « Fusée R&B craquelée », et sous une forme légèrement modifiée s’agissant de la « Fusée puzzle »). Si les défendeurs persistent à en contester l’originalité au motif que « le schéma de conception de la fusée, caractérisé par ses ailerons et sa forme ronde ludique, se trouve largement répandu dans l’ensemble des dessins de fusées destinés aux enfants disponibles sur internet », le Tribunal judiciaire de Marseille avait en au contraire reconnu son originalité en ce qu’elle «possède sa physionomie propre qui la rend immédiatement reconnaissable, résultant du choix de l’auteur et d’arbitrages qui lui sont tout à fait personnels », et dès lors « constitue également une œuvre originale ».
    L’originalité de la fusée dessinée par [U] a en outre été retenue « non seulement par le choix des couleurs, le rouge et le blanc, mais encore par le nombre de cases qui diffère des fusées V2 (…) la fusée dessinée par [U] quoiqu’inspirée des fusées V2, possède sa physionomie propre qui la rend immédiatement reconnaissable, résultant du choix de l’auteur et d’arbitrages qui lui sont tout à fait personnels ». (TJ Marseille, 1re ch., 9 oct. 2025, n° 23/02489)
  • Originalité de luminaires suspendus (oui) contrefaçon (oui). La contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences (en ce sens, Civ. 1re, 6 janv. 2021, n° 19-20.758). En l’occurrence, Mme [G] et la société Maison Mère établissent par trois procès-verbaux d’agent assermenté de l’agence pour la protection des programmes des 28 juin 2021, 13 juillet 2022 et 13 novembre 2023, ainsi que par des captures d’écran du 13 octobre 2022 dont l’authenticité n’est pas contestée, que Mme [S] promeut et commercialise via le compte Instagram , le compte Facebook et sur les sites internet et des suspensions lumineuses intitulées « fleurs », dont le modèle « [W] » (leurs pièces n° 8, 11, 19 et 25), ce que Mme [S] ne réfute pas. Le modèle de suspension « [W] » présente avec la suspension « Pale Originelle » de nombreuses ressemblances : même long câble de suspension rappelant la tige d’une fleur, même forme des parties servant d’abat-jour imitant des pétales de fleurs, même bordure claire visuellement détachée des pétales, même socle permettant de maintenir l’ensemble des pétales, même emplacement et visibilité de l’ampoule un peu plus bas que les pétales, tel un bouton de fleur allongé, même utilisation de tissus transparents permettant de filtrer la lumière. Ainsi, le modèle de suspension [W] reproduit cinq des six caractéristiques revendiquées de l’œuvre « Pale Originelle ». Les quelques différences soulignées par Mme [S] : pétales plus nombreux sur le modèle « [W] », squelette en bois et non en laiton, forme des pétales plus allongée, serre-fils caché, n’affectent pas les nombreuses similitudes entre ce modèle et la création « Pale Originelle » et l’impression de copie ou de déclinaison qui s’en dégage. La circonstance que d’autres modèles de luminaires prétendument ressemblants à la création « Pale Originelle » soient vendus le 30 août 2023 sur le site internet de sociétés tierces est inopérante (pièces Mme [S] n° 4-1, 6 et 11). Il en résulte que le modèle « [W] » constitue une contrefaçon de droit d’auteur sur la création « Pale Originelle ». (TJ Paris, 3e ch. - sect. 3, 8 oct. 2025, n° 23/03702)
  • Protection d’un range-bûches par le droit d’auteur (oui) contrefaçon (non). La société LAD revendique la protection par le droit d’auteur d’un range-bûches dénommé « Pétale », lequel se définit comme un objet utilitaire destiné à accueillir du bois de chauffe. À cet égard, alors qu’un tel objet pouvait se résumer à un contenant adapté aux dimensions des bûches, les photographies et dessins versés en procédure mettent en évidence que le range-bûches en cause est constitué d’une feuille de métal longitudinale découpée de manière à ce que les extrémités soient asymétriques et se superposent par enroulement de cette feuille, dessinant ainsi non pas une encoche mais un angle obtu qui, à la manière d’une échancrure, rompt le pourtour supérieur du cylindre. À l’exception de la forme cylindrique qui est nécessaire pour contenir les bûches, ces différentes caractéristiques ne présentent aucune utilité particulière, ce qui démontre que la forme de cet objet n’est pas exclusivement guidée par sa fonction. Cette combinaison de caractéristiques singularise ainsi une conception libre et créative de cet objet du quotidien auquel elles confèrent un aspect esthétique épuré qu’aucune pièce communiquée en défense ne permet d’attribuer au fonds commun du genre, et qui porte donc l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité de ce porte-bûches est caractérisée. En conséquence, le porte-bûches intitulé « Pétale » est une œuvre protégée par le droit d’auteur. (…) Au cas présent, pour justifier de la contrefaçon de son porte-bûches, la société LAD produit des photographies et des impressions de pages du site internet lemarquier.com, sur lesquelles il est loisible de constater l’existence de serviteurs de cheminées et de ranges-bûches cylindriques estampillés « Le Marquier », qui présentent une fente sur le pourtour de leur partie supérieure. Si ces documents, réalisés par la demanderesse elle-même, ne présentent aucune indication spatio-temporelle certaine, il n’en demeure pas moins que la preuve de la contrefaçon se rapporte par tout moyen et que la société MLM ne conteste pas commercialiser les produits qui y sont représentés, ce que confirme d’ailleurs le contenu de son courrier en réponse à la mise en demeure que lui a adressée la société LAD. Néanmoins, à l’exception du site internet lemarquier.com, aucun des autres sites et magasins incriminés par la demanderesse n’est en lien avec un acte de reproduction susceptible d’être imputé à la défenderesse. Aussi convient-il d’entendre les demandes de la société LAD comme l’incrimination d’une part de la reproduction de son œuvre dans les produits matériels qui sont ensuite distribués, et d’autre part de la reproduction et de la représentation de cette même œuvre sur le site internet lemarquier.com. Toutefois, bien que le range-bûches de la société MLM se présente sous la forme d’un cylindre formé par une feuille de métal, il ne résulte pas de la superposition de deux extrémités asymétriques, et ses motifs géométriques formés par ajours de matière lui confèrent un aspect esthétique chargé. Si le range-bûches argué de contrefaçon est cylindrique et doté d’une encoche assez similaire à l’angle obtu de l’œuvre protégée, il ne reproduit donc ni la superposition des extrémités asymétiques d’une feuille de métal, ni l’aspect esthétique épuré de la combinaison de caractéristiques conférant à l’œuvre son originalité. Ce porte-bûche est ainsi tout au plus inspiré de l’œuvre, sans que la combinaison originale de celle-ci ne s’y retrouve, de sorte qu’il n’en constitue pas une reproduction. S’agissant de l’écran et du serviteur de cheminée, ils présentent cette même encoche similaire à l’angle obtu mais ne reproduisent pas la combinaison des caractéristiques de l’œuvre protégée dont ils s’inspirent sans pour autant que celle-ci ne s’y retrouve, de sorte que, pour les mêmes motifs que ceux ci-avant développés, ils n’en constituent pas une reproduction. La contrefaçon n’est donc pas caractérisée. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 2 oct. 2025, n° 24/05401)

Titularité

  • Détermination de la qualité d’auteur dans le cadre d’entretiens filmés. Un entretien filmé constitue en tant que tel une création protégée par le droit d’auteur dès lors qu’il revêt une forme originale et que la personne interrogée lors d’un tel entretien peut se voir reconnaître la qualité de coauteur à la condition qu’il soit démontré qu’elle a contribué à l’originalité de celui ci. Après avoir énoncé à bon droit qu’il appartenait à la société d’apporter la preuve que [I] [V] avait participé à la conception, à la préparation ou à la direction des entretiens filmés ou qu’elle avait contribué, d’une façon ou d’une autre, à une forme spécifique et originale de ces derniers, la cour d’appel a retenu qu’elle n’était jamais intervenue dans leur conception, n’avait jamais donné de directive et s’était limitée à répondre aux questions posées dans l’ordre décidé par Mme [M] sans contribuer à la rédaction, au choix ou à l’ordonnancement de ces questions. Sans être tenue de procéder à la recherche invoquée par la cinquième branche que ses constatations rendaient inopérante, elle a pu écarter la qualité de coauteur de [I] [V] et par voie de conséquence l’exigence de mise en cause de ses héritiers. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-12.076, F-B)
  • Présomption prétorienne de titularité (oui). En application de l’article L. 111-11 du code de la propriété intellectuelle, « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » et selon l’article L. 113-1 du même code « La qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée », instituant au profit du seul auteur, personne physique, une présomption légale de titularité. La personne morale qui exploite une œuvre ne peut bénéficier de la présomption légale précitée mais peut, en vertu d’une présomption prétorienne, être considérée comme titulaire des droits d’auteur, lorsque en l’absence de revendication de l’auteur, elle commercialise de manière non équivoque, une œuvre sous son nom. Le titulaire de l’action civile en contrefaçon de droits d’auteur est le titulaire des droits de propriété intellectuelle ou ses ayants-droits. En l’espèce, si la société DELIVER lui dénie toute initiative créatrice pour lui avoir transmis ses instructions de conception, elle n’en conteste pas pour autant que Mme [V], mandatée par l’agence LDR, a réalisé le logo litigieux. Il ne peut encore être soutenu, voire sous-entendu puisque la société DELIVER ne fait que l’évoquer sans le revendiquer, que M. [U], représentant de la société DELIVER, serait l’auteur du logo, dès lors qu’il ne s’agit que de soutenir qu’il a transmis ses instructions, sans prouver ni même alléguer que le logo aurait été concrètement réalisé par lui, l’œuvre de l’esprit n’étant protégée que dès lors qu’elle est matérialisée, les simples idées étant de libre parcours et non protégeables. Dès lors et en vertu de l’article précité, Mme [V] bénéficie de la présomption légale de titularité, tous autres développements de la défenderesse sur l’absence d’apport créatif de sa part relevant du débat sur l’originalité du logo, indifférent ici. Puis, la société DELIVER ne justifie pas qu’un contrat de cession de ses droits par Mme [V] ait été signé ni ne présente aucun moyen de droit ou de fait susceptible de renverser ladite présomption. Il convient donc de rejeter le moyen tiré du défaut de qualité à agir qu’elle oppose à la requérante. (TJ Lille, 1re ch., 10 oct. 2025, n° 23/06234)

Rémunération et streaming

  • Augmentation artificielle d’écoutes et préjudices pour les artistes (oui). En application du modèle de rémunération utilisé par les plateformes de streaming visées, intitulé « market centric payment system », la redevance des artistes utilisant ces plateformes est équivalente au nombre d’écoutes réalisées par le titre divisé par le nombre total d’écoutes réalisées sur la plateforme, le tout multiplié par le montant total des redevances redistribuées par la plateforme (pièces SNEP n° 15). Il en résulte que l’augmentation artificielle des écoutes et vues par l’intermédiaire des services proposés sur les sites litigieux entraîne nécessairement une baisse de la redevance versée aux artistes ne procédant pas à l’achat de fausses écoutes ou vues. De même, les algorithmes utilisés par ces plateformes permettent la promotion de titres par des classements ou des playlists générées automatiquement en fonction du nombre d’écoutes ou de vues de chaque titre. En ayant recours aux services des sites litigieux, un artiste peut donc bénéficier d’une promotion faussée, générant des écoutes et une redevance indue.
    Les manipulations des écoutes et des vues pouvant être effectuées par l’utilisation de ces sites internet portent préjudice à l’ensemble des membres du SNEP, et à l’intérêt général de la profession. Il y a donc un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. Le SNEP est, en conséquence, fondé à solliciter la prescription de mesures propres à faire cesser la violation des droits de ses membres. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 2 oct. 2025, n° 24/10705)

Procédure

  • Procédure abusive (oui). Il résulte de la combinaison des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, que celui qui agit en justice de manière abusive ou dilatoire commet une faute et doit réparer le préjudice que cette action a causé à la partie adverse. L’exercice d’une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif (en ce sens, Soc. 7 déc. 2022, n° 20-13.199 ; Civ. 3e, 25 janv. 2023, n° 21-21.163). Une telle faute peut résulter en particulier du fait d’engager une action avec une inconséquence et une légèreté blâmable (en ce sens, Civ. 3e, 25 févr. 2016, n° 14-29.324) ou lorsque la demande est manifestement vouée à l’échec (en ce sens, Soc. 23 juin 2021, n° 19-11.445). Au cas présent, en exerçant une action en contrefaçon à l’encontre des sociétés F. et R. en prétendant à des droits d’auteur sur des logotypes et une couverture d’un catalogue qui étaient manifestement une reprise de l’existant adaptée aux attentes de ses commanditaires, la société LGO, qui ne pouvait raisonnablement ignorer que ces éléments n’étaient pas plus protégeables par le droit d’auteur que les antériorités qu’elle a revisitées, n’a pu que se convaincre que ses demandes en contrefaçon étaient manifestement vouées à l’échec. Il s’ensuit qu’elle a agi avec une légèreté blâmable, ce qui a conféré au litige une configuration (440 888 €) hors de proportion avec le montant des factures impayées qui en constituaient en réalité objet (2 000 €) et point litigieux légitime. Les provisions qu’une telle procédure exige ont donc fragilisé la situation des défenderesses, ce qui constitue un préjudice moral qu’il convient de réparer par des dommages-intérêts à hauteur de 3 000 €. En conséquence, il y a lieu de condamner la société LGO à payer aux société F. et R. la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de la procédure. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 1, 2 oct. 2025, n° 23/02606)
  • Incompétence du Tribunal judiciaire de Bobigny relevée d’office. En l’espèce, le juge de la mise en état a soulevé d’office l’incompétence matérielle du Tribunal judiciaire de Bobigny. En effet, l’assignation délivrée par l’association JM Productions et Mme [O] [T] porte sur la défense des droits de propriété intellectuelle de l’association JM Productions et de Mme [O] [T] sur l’œuvre « Les Vengeurs – Le Flower Killer » dont Mme [O] [T] se dit co-auteure et dont l’association JM Productions se dit productrice et détentrice d’une licence d’exploitation. Les demandeurs estiment que M. [M] [G] a procédé à une exploitation de l’œuvre non autorisée et qu’il aurait commis des agissements susceptibles d’être qualifiés d’abus de droit d’auteur. Le litige relève de la compétence des tribunaux judiciaires désignés pour statuer en matière de propriété littéraire et artistique. Par suite, le défendeur demeurant à [Localité 4] (93), sur le ressort de la Cour d’appel de Paris, le Tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître du présent différend. Il convient donc de renvoyer le dossier au Tribunal judiciaire de Paris. (TJ Bobigny, 7e ch. - sect. 3, 14 oct. 2025, n° 24/06650)
  • Incompétence du Tribunal de commerce. Les actions relatives à la propriété intellectuelle, même lorsqu’elles portent aussi, comme en l’espèce, sur une question de concurrence déloyale, échappent à la compétence du tribunal de commerce, et, partant, de son président statuant en référé. En l’espèce, la société VLM demande qu’il soit ordonné aux intimées de cesser immédiatement toute communication reproduisant, utilisant ou exploitant la machine conçue par elle, et encore d’ordonner la suppression de toute revendication de paternité sur la machine conçue par elle. Elle fait notamment valoir que son logo a été enlevé de la machine. Toutefois, les intimés opposent de manière pertinente que ces demandes impliquent un examen de l’existence de droits de propriété intellectuelle attachés à la quasi-machine. Il peut être relevé avec elles que l’assignation du 10 janvier 2025 (pièce n° 33 des intimées) évoque comme griefs la « protection des signes distinctifs », la modification de « marquage d’identification », ou encore le dépôt d’un logo à titre de « marque de l’Union européenne », et précise que les intimées « revendiquent à tort la paternité de la machine ». L’examen du bien-fondé de ces griefs ainsi formulés par la société VLM implique qu’il soit procédé à la détermination de ses droits intellectuels sur la quasi-machine qu’elle a fabriquée, au vu des spécifications du cahier des charges de IREPA, par une recherche originale selon elle. Il en résulte que le président du tribunal de commerce s’est déclaré à juste titre incompétent en renvoyant l’affaire et les parties devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux. (Bordeaux, 4e ch. com., 14 oct. 2025, n° 25/02525)

Contrefaçon et concurrence déloyale

  • Dénigrement. En l’absence de décision de justice retenant l’existence d’actes de contrefaçon de droits d’auteur, le seul fait d’informer des tiers d’une possible contrefaçon de ces droits est constitutif d’un dénigrement des produits argués de contrefaçon. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 24-11.150, F-B)

Bases de données

  • Extraction et amortissement des investissements. Le juge doit, dans le cas d’une extraction et d’une réutilisation du contenu d’une partie substantielle d’une base de données, vérifier si cette exploitation caractérise un risque pour l’amortissement des investissements du producteur de la base de données. En retenant, par motifs propres et adoptés, que le site internet www.leparking.fr transférait les données composant les annonces issues de La Centrale sur son propre support en les mettant à disposition des internautes ayant effectué une requête sur le site Le Parking et réalisait ainsi des actes d’extraction d’une partie substantielle du contenu de la base de données protégée de La Centrale, ayant pour effet de dissuader les consommateurs de se rendre sur la page d’accueil de ce site pour effectuer directement des recherches sur les véhicules en vente répondant à leurs critères, qu’il était justifié d’une perte de trafic significative vers le site La Centrale ainsi qu’une baisse de chiffre d’affaires et que l’appropriation massive des données était ainsi de nature à remettre en cause les investissements humains, techniques et financiers substantiels consentis par cette société pour l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu de sa base de données, la cour d’appel a caractérisé un risque pour l’amortissement des investissements du producteur de cette base de données et, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. Le moyen n’est donc pas fondé. (Civ. 1re, 15 oct. 2025, n° 23-23.167, FS-D)

Droits voisins

  • Cession et liquidation d’une entreprise de production audiovisuelle et sort des contrats. L’article L. 132-30, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, relatif au sort des contrats de production audiovisuelle en cas de procédure collective, dispose : « En cas de cession de tout ou partie de l’entreprise [de production audiovisuelle] ou de liquidation, l’administrateur, le débiteur, le liquidateur, selon le cas, est tenu d’établir un lot distinct pour chaque œuvre audiovisuelle pouvant faire l’objet d’une cession ou d’une vente aux enchères. Il a l’obligation d’aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l’œuvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation. (’) ». Il se déduit de cet article qu’en cas de cession de tout ou partie de l’entreprise de production audiovisuelle ou de sa liquidation, il doit être établi des lots distincts pour chaque œuvre audiovisuelle pouvant faire l’objet d’une cession, ce qui fait obstacle à la cession globale de plusieurs œuvres. L’autorisation donnée par le juge-commissaire au mandataire liquidateur de sociétés de télévision de céder des droits afférents à des films, ne peut avoir pour effet d’écarter les règles impératives de l’article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle fixant les conditions de validité d’une cession portant sur des œuvres audiovisuelles (Civ. 1re, 16 juill. 1997, n° 95-13.334). En l’espèce, la société Zylo fait valoir qu’elle tient ses droits sur les productions audiovisuelles litigieuses de la société Bvrc, selon convention du 20 décembre 2017, intitulée « contrat de gestion des droits de diffusion d’œuvres audiovisuelles sur les portails vidéo internet et mobile YouTube & Dailymotion ». Il résulte cependant du procès-verbal d’assemblée générale du 26 décembre 2022 de la société Bvrc qu’ont été décidées sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable à compter du 26 décembre 2022, la société Zylo, à qui la société Bvrc avait consenti un droit non exclusif d’exploitation des œuvres audio-visuelles listées en annexe du « contrat de gestion de diffusion d’œuvres audiovisuelles »du 20 décembre 2017, et ce pour une durée de trois ans renouvelable, restant taisante sur ce qu’il est advenu de ce contrat à la suite de la liquidation amiable de la société Bvrc. En outre, la société Zylo fait valoir que la société Bvrc tenait elle-même ses droits de la cession de droit incorporels qui lui avait été consentie le 15 juin 2016, à la suite de la liquidation judiciaire de la société K France le 22 mars 2016, et conformément à l’ordonnance du juge-commissaire du 17 mai 2016.
    La cour constate cependant qu’il n’est pas justifié de ce que les auteurs ont été avisés en application de l’article L. 132-30, alinéa 3 susvisé, et qu’il a été procédé à une cession globale des œuvres audiovisuelles détenues par la société K France, ce qui ne respecte pas les conditions de validité d’une cession portant sur des œuvres audiovisuelles, étant au surplus observé que ledit contrat de cession stipule que « tous les contrats liant la société K France aux auteurs n’ayant pas été fournis par le gérant, le commissaire-priseur judiciaire n’a pu établir formellement ni la consistance exacte, ni la propriété, ni les conditions d’exploitation des 101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes, sa responsabilité ne pouvant être mise en cause sur ces points ». Il résulte des développements qui précèdent que la société Zylo ne justifie pas être titulaire de droits voisins de producteurs sur les œuvres qu’elle invoque, de sorte que l’ensemble de ses demandes, fondées sur l’atteinte à ses droits voisins de producteur de vidéos, doit être rejeté, et que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions. (Paris, pôle 5 - 1re ch., 8 oct. 2025, n° 24/11279)

Propriété industrielle

Marques

  • Opposition - Intensité de la renommée. Il y a lieu de considérer que, lorsque l’EUIPO examine l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, il ne lui suffit pas de constater que la marque antérieure jouit d’un degré de renommée « à tout le moins moyen », mais il lui incombe soit de déterminer avec précision le degré d’intensité de cette renommée (moyen, élevé, voire très élevé), qui constitue un facteur pertinent pour l’appréciation globale du lien, soit, à tout le moins, de prendre en compte explicitement l’hypothèse la plus favorable à la partie perdante devant lui, en l’occurrence la requérante. Il doit être précisé que la notion de « partie perdante », dans ce contexte, désigne la partie dont l’EUIPO rejette les arguments concernant l’intensité de la renommée. À l’instar de l’EUIPO, que celui-ci n’est pas tenu de définir un degré précis de renommée dans tous les cas. Ainsi, dans certains cas appropriés (v. pts 34 et 35 ci-dessous), il est loisible à l’EUIPO, pour évaluer l’intensité de la renommée, d’avoir recours à des expressions telles qu’« à tout le moins » ou « tout au plus ». Toutefois, il importe de souligner que, dans les cas où l’EUIPO choisit d’utiliser des expressions telles qu’« à tout le moins » ou « tout au plus » pour évaluer l’intensité de la renommée, il lui incombe de prendre en compte explicitement l’hypothèse la plus favorable à la partie perdante devant lui, avant de pouvoir raisonner a fortiori pour les autres hypothèses moins favorables à cette partie perdante. Ainsi, dans les cas où l’EUIPO conclut à l’absence de lien ou à l’absence d’atteinte à la renommée de la marque antérieure en cause, il lui est loisible de qualifier le degré de renommée de « tout au plus » élevé, de prendre en compte le degré maximal, à savoir le degré élevé, et de raisonner a fortiori pour les hypothèses moins favorables à la partie perdante qu’est l’opposante, à savoir un degré moyen (ou faible). En revanche, dans de tels cas, il n’est pas permis à l’EUIPO de qualifier le degré de renommée d’« à tout le moins » moyen sans prendre en compte explicitement l’hypothèse la plus favorable à la « partie perdante », dans ce cas l’opposante, telle qu’un degré élevé, voire très élevé de renommée. En effet, le défaut de prise en compte explicite de l’hypothèse la plus favorable à l’opposante est de nature à vicier l’appréciation globale de l’existence du lien, pour laquelle l’intensité de la renommée de la marque antérieure constitue un facteur pertinent, ou celle de l’existence d’une atteinte à la renommée. À l’inverse, dans les cas où l’EUIPO conclut à l’existence d’un lien entre les marques en conflit ou à celle d’une atteinte à la renommée de la marque antérieure en cause, il lui est loisible de qualifier le degré de renommée de « tout au moins » moyen, de prendre en compte le degré minimal, à savoir le degré moyen, et de raisonner a fortiori pour les hypothèses moins favorables à la partie perdante, dans ce cas le titulaire de la marque contestée, à savoir un degré élevé, voire très élevé. En revanche, dans de tels cas, il n’est pas permis à l’EUIPO de qualifier le degré de renommée de « tout au plus » élevé sans prendre en compte explicitement l’hypothèse la plus favorable à la titulaire, telle qu’un degré moyen (ou faible) de renommée. En effet, le défaut de prise en compte explicite de l’hypothèse la plus favorable à la titulaire est de nature à vicier l’appréciation globale de l’existence du lien, pour laquelle l’intensité de la renommée de la marque antérieure constitue un facteur pertinent, ou celle de l’existence d’une atteinte à la renommée. Plus généralement, il y a lieu de considérer que, lorsque, dans le cadre d’une appréciation quelconque, l’EUIPO choisit de recourir à des expressions telles qu’« à tout le moins » ou « tout au plus », il lui incombe de prendre en compte explicitement l’hypothèse la plus favorable à la partie perdante devant lui, à savoir la partie dont il rejette les arguments concernant l’appréciation en question.L’obligation de prendre en compte explicitement l’hypothèse la plus favorable à la partie perdante devant l’EUIPO constitue pour ce dernier une expression particulière du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments de droit et de fait pertinents du cas d’espèce. Or, en l’espèce, force est de constater que la chambre de recours n’a pas explicitement pris en compte l’hypothèse la plus favorable à la partie perdante, en l’occurrence la requérante (qui, au demeurant, invoquait précisément une telle hypothèse), à savoir celle d’une renommée « très élevée », dans l’appréciation globale du lien entre les marques en conflit. (Trib. UE, 22 oct. 2025, aff. T‑491/24, Puma SE c/ EUIPO)
  • Procédure de nullité - Absence de consentement du titulaire de la marque antérieure. Selon l’article 60, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001, la « marque de l’Union européenne ne peut pas être déclarée nulle lorsque le titulaire d’un droit visé au[x] paragraphe[s] 1 ou 2 donne expressément son consentement à l’enregistrement de cette marque avant la présentation de la demande en nullité ou de la demande reconventionnelle ». Il découle du libellé de l’article 60, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 que le consentement du titulaire de la marque antérieure à l’enregistrement de la marque contestée doit revêtir un caractère exprès. Il en résulte que le consentement requis ne peut être seulement déduit du comportement du titulaire de la marque antérieure. (Trib. UE, 22 oct. 2025, aff. T‑482/24, Danger Group Co. Ltd c/ EUIPO)
  • Action en revendication - renouvellement de la marque. Le tiers, qui a fait diligence en introduisant son action en revendication dès le 25 décembre 2008, a été, en raison de la durée de la procédure, de plus de treize ans, excédant celle de l’enregistrement de la marque, placé dans l’impossibilité d’exercer son droit légitime à obtenir le renouvellement de cette marque avant l’arrêt du 25 mars 2022, faisant droit à cette revendication, intervenu postérieurement à l’expiration du délai de renouvellement, de sorte que l’irrecevabilité opposée à sa demande de renouvellement, qui a eu pour effet de le priver de son bien, sans dédommagement, constitue une atteinte excessive à son droit de propriété. (Com. 15 oct. 2025, n° 24-10.651, FS-B)
  • Usage à titre de marque - dénomination sociale. De la même manière que la seule demande d’enregistrement d’une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Com. 13 oct. 2021, n° 19-20.504, pts 11 à 13), le fait d’immatriculer une société sous une certaine dénomination n’est pas en soi un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n’est donc pas susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s’agit d’un acte dont l’effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l’existence d’une activité et on ne peut présumer que du seul fait qu’une société existe, elle est exploitée. Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés. L’immatriculation d’une société sous une dénomination litigieuse constitue toutefois un fait préparatoire à la commission d’une contrefaçon ou d’une concurrence déloyale. Il est dès lors possible en application de l’article L. 716-4-6 d’empêcher cette exploitation d’une part à travers l’interdiction de faire usage du signe litigieux, sous astreinte, d’autre part à travers l’obligation pour la défenderesse de modifier sa dénomination en y enlevant les éléments litigieux, sans qu’une astreinte ne soit justifiée à cet égard. (TJ Paris, 3e ch. - 2e sect., 10 oct. 2025, n° 24/13932)
  • Droit de priorité. Trademark troll. S’agissant du libellé de l’article 34, § 1er, du règlement (UE) 2017/1001, il convient de relever que cette disposition ne définit pas la notion de « première demande ». Elle se borne à prévoir que c’est à partir de la première demande de marque dans l’un des États parties à la Convention de Paris ou à l’accord instituant l’OMC que court le délai de six mois au cours duquel le déposant jouit d’un droit de priorité pour effectuer le dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne identique. Ainsi, le libellé de cette disposition n’assigne aucune limite temporelle à la notion de première demande et suggère que seul un dépôt de marque opéré pour la première fois ouvre un droit de priorité pendant six mois. Ce libellé ne permet donc pas de corroborer l’interprétation de la requérante selon laquelle la qualification de première demande viserait toute première demande déposée au cours d’une période de six mois et, partant, n’exclurait que la demande déposée moins de six mois après une précédente demande. L’interprétation littérale de l’article 34, § 1er, du règlement (UE) 2017/1001 est confortée par une lecture globale de l’article 34. En effet, il ressort de l’article 34, § 4, dudit règlement qu’une demande ultérieure déposée pour une marque identique ne peut être considérée comme une première demande qu’à titre exceptionnel, à savoir dans le cas particulier où la demande antérieure a été retirée, abandonnée ou refusée, sans avoir été soumise à l’inspection publique, sans laisser subsister de droits et sans avoir servi de base pour la revendication du droit de priorité. À cet égard, force est de constater, d’une part, que le caractère exceptionnel de l’assimilation d’une demande ultérieure à une première demande se concilie difficilement avec la théorie de la requérante qui conduit, in fine, à reconnaître la qualité de première demande à des demandes de marque nationale déposées tous les six mois. D’autre part, l’une des conditions posées par l’article 34, § 4, du règlement (UE) 2017/1001 est que la demande antérieure n’ait pas laissé subsister de droits et, partant, à tout le moins, qu’il ne soit plus possible de revendiquer un droit de priorité au titre de cette demande. Le fait que l’application de cette disposition requiert la satisfaction d’autres conditions invalide nécessairement la théorie de la requérante. S’agissant de la finalité du droit de priorité prévu à l’article 34 du règlement (UE) 2017/1001, il y a lieu de rappeler que ce droit trouve son origine dans l’article 4 de la Convention de Paris, dont il constitue l’un des piliers essentiels. L’objectif du droit de priorité est ainsi d’ouvrir une période, en principe unique, de six mois durant laquelle une personne qui a déposé une demande de marque dans un État partie à la convention de Paris ou à l’accord instituant l’OMC peut déposer une demande de marque de l’Union européenne identique, sans qu’on puisse lui opposer des demandes ou des droits qui seraient nés entre les deux demandes. Partant, l’interprétation littérale et contextuelle susmentionnée de l’article 34, § 1er, du règlement (UE) 2017/1001 est conforme à la finalité du droit de priorité. Tel n’est pas le cas de l’interprétation défendue par la requérante. En effet, il a déjà été jugé qu’une stratégie consistant en l’enchaînement de demandes d’enregistrement de marques nationales pour un même signe, dans l’objectif d’obtenir une position de blocage pour une période excédant la durée du délai de réflexion de six mois prévu à l’article 34, § 1er, du règlement (UE) 2017/1001, en monopolisant le signe demandé, était contraire aux objectifs dudit règlement. (Trib. UE, 8 oct. 2025, aff. T-562/24)

Brevet

  • Nouveauté - Contrefaçon. La nouveauté d’une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui implique une identité d’éléments, de forme, d’agencement, de fonctionnement et de résultat technique. Dans la présente affaire, le dispositif antérieur comprend un tuyau d’aspiration, tandis que le dispositif du brevet litigieux comprend un câble électrique. Il retient que les contraintes de ces deux éléments sont différentes et que le but de l’invention n’est pas identique, au regard des risques d’écrasement, d’arrachage, d’échauffement et d’intempéries, qui peuvent nuire au bon fonctionnement du câble électrique, ce qui ne correspond pas aux contraintes existant pour un tuyau. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de retenir que l’invention d’application était nouvelle.
    En retenant la contrefaçon, alors qu’elle relevait qu’un câble électrique et un câble ou un tuyau d’aspiration ou de gonflage ne constituaient pas un même élément et engendraient un problème technique différent pour assurer le renvoi de cet organe en position de rangement, de sorte que la poulie correspondant au brevet FR 10 59443 ne remplissait pas les mêmes fonctions que celle de la potence développée par la société ID Bretagne, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 613-3 et L. 615-1. (Com. 15 oct. 2025, n° 24-10.010, F-D)

Dessins et modèles

  • Culottes menstruelles, protection (non). La fonction technique de la culotte est d’être portée en sous-vêtement menstruel et de garantir le confort de l’utilisatrice par la possibilité de s’étendre selon sa morphologie. Au cas présent, la forme en « v  » sous le nombril de la porteuse, est obtenue par la superposition de deux pans et qualifiée de « portefeuille asymétrique » ou « cache-cœur » ; elle permet le maintien et l’extension du sous-vêtement selon la morphologie de la porteuse. Ces caractéristiques, visuellement minimalistes, ne s’expliquent pas autrement que par cette fonction et constituent donc des choix non pas d’aspect mais exclusivement destinés à assurer la fonction technique du produit de garantir à son utilisatrice une protection efficace contre les menstruations ainsi qu’un sous-vêtement confortable par la possibilité de s’étendre selon sa morphologie. La forme en « v », le « cache-cœur » et la forme en « portefeuille asymétrique » sur une culotte haute, du dessin et des modèles litigieux sont donc exclusivement imposés, pour chacun du dessin et des modèles, par leur fonction technique. Les modèles « 002 » et « 010 » sont donc dépourvus de caractère propre en ce que leur apparence est entièrement dictée par leur fonction ; en revanche, le dessin « 006 » présente un cercle rouge qui n’est pas dicté en tant que tel par sa fonction technique, n’ayant aucune incidence sur le confort ou l’efficacité de la culotte menstruelle. Ce dessin a bien un caractère propre. (TJ Paris, 3e ch. - sect. 2, 10 oct. 2025, n° 23/02194)

 

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