Panorama rapide de l’actualité « Technologies de l’information » de la semaine du 13 octobre 2025
Sélection de l’actualité « Technologies de l’information » marquante de la semaine du 13 octobre.
 
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La Californie renforce son arsenal législatif face à l’IA et aux plateformes en ligne
- Dans un communiqué du lundi 13 octobre 2025, le gouverneur de Californie a annoncé avoir signé 15 projets de loi destinés à protéger les mineurs face aux technologies émergentes, telles que l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux.
 Ces différents projets de loi s’intègrent dans le prolongement de l’adoption de lois californiennes visant à protéger les mineurs de la dépendance aux réseaux sociaux et à préserver leur confidentialité en ligne (Loi AB 2273), et à renforcer la transparence des réseaux sociaux face à la désinformation, au harcèlement et à l’extrémisme (Loi AB 587).
 Une première série de ces projets de loi renforcent les droits en matière de protection des données. Certains ont déjà été adoptés.
 - La loi SB 361, adoptée le 11 septembre 2025, renforce la protection consommateurs en leur permettant, via un mécanisme de désinscription groupée, d’identifier et de supprimer leurs données personnelles qui ont été collectées afin d’être vendues par les courtiers en données.
 - La loi SB 446, adoptée le 18 février 2025, impose aux entités détentrices de données personnelles en cas d’atteinte de notifier leurs clients (dans un délai de trente jours) et saisir le procureur général (dans les quinze jours).
 S’agissant de l’intelligence artificielle (IA), le projet AB 316 empêche les développeurs et utilisateurs d’IA d’échapper à la responsabilité civile en invoquant que la technologie a agi de manière autonome, et clarifie la responsabilité en cas de dommages.
 S’agissant de la protection des mineurs, un chapelet de projets de loi couvre les nouveaux défis :
 - Le projet de loi SB 243 encadre les « Chatbots compagnons » destinés aux mineurs. Tout d’abord, il est prévu un système d’identification et de signalement aux autorités compétentes d’idées suicidaires et d’actes d’automutilation partagés par les utilisateurs. Ensuite, les interactions générées par IA et l’affichage d’images sexuellement explicites est interdit concernant les mineurs.
 - Le projet AB 1043 impose aux fournisseurs de systèmes d’exploitation et d’applications de mettre en œuvre des mécanismes de vérification de l’âge des utilisateurs afin de ne pas exposer les mineurs à des contenus inappropriés et dangereux.
 - Le projet de loi AB 772 vise à lutter contre les actes de cyberintimidation sur les réseaux sociaux commis en dehors des établissements scolaires.
 En matière de la cybercriminalité, le projet de loi AB 621 renforce la répression des « deepfakes pornographiques » (pratique consistant à truquer des vidéos pornographiques en y intégrant le visage d’un individu) : l’action civile est ouverte aux mineurs et le montant des réparations des victimes peut atteindre jusqu’à 250 000$.
Encadrement des services juridiques en ligne : la cour d’appel de Montpellier confirme la fermeture d’un site de consultations illégales
- Par un arrêt du 30 septembre 2025, la cour d’appel de Montpellier déclare illicite l’objet social de la société Nt & Co, prononce la nullité de son contrat de société et ordonne sa dissolution judiciaire. La Cour sanctionne ainsi l’exercice, sous forme commerciale, d’une activité de conseil juridique digitalisé sans inscription à un barreau, en violation des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 et de l’article 22 du code de déontologie des avocats.
 La société Nt & Co, présidée par une avocate, proposait via son site « SOS à vos droits » la fourniture d’actes juridiques et de conseils personnalisés. Le Conseil National des Barreaux (CNB), après plusieurs mises en demeure restées sans effet, a assigné la société et sa dirigeante pour obtenir la reconnaissance du caractère illicite de son objet social. Le tribunal de commerce de Montpellier ayant jugé la situation régularisée après modification des statuts, le CNB a interjeté appel.
 La cour d’appel infirme cette décision. Elle considère que la société, non inscrite à l’ordre, exerce une activité réservée aux avocats. Elle juge que la modification des statuts postérieure à l’assignation n’efface pas l’illicéité initiale, l’article 1844-11 du code civil imposant d’apprécier la licéité de l’objet au jour de la constitution. La Cour rappelle que l’article 111 du décret du 27 novembre 1991, autorisant des activités connexes pour les avocats, ne s’applique pas à une société commerciale distincte d’un cabinet.
 En conséquence, l’objet de social est déclaré illicite et la société dissoute. Sur le fondement des articles L. 227-8, L. 225-249 et L. 225-251 du code de commerce, la présidente est jugée personnellement fautive pour avoir maintenu une activité prohibée malgré les avertissements du CNB. Elle est condamnée, solidairement avec la société, à verser un euro de dommages-intérêts et à fermer le site litigieux. (Montpellier, 30 sept. 2025, n° 25/00612)
Application de l’article 6-3 de la loi du 21 mai 2024 à la commercialisation illicite d’équipements sportifs
- Le 7 octobre 2025, le président du tribunal judiciaire de Lille, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond engagée par la Fédération Algérienne de Football, a rendu une ordonnance enjoignant à la société CLOUDFLARE PORTUGAL UNIPESSOAL LDA de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès au site litigieux « www.dzfanstore.com » sur le fondement de l’article 6-3 de la loi du 21 mai 2024 pour la confiance dans l’économie numérique.
 La Fédération Algérienne de Football (FAF), unique titulaire des droits d’exploitation des équipes nationales de l’Algérie, a assigné l’hébergeur du site litigieux, la société portugaise CLOUDFLARE PORTUGAL UNIPESSOAL LDA, représentant juridique en Europe de la société américaine CLOUDFARE INC au sens de l’article 13 du DSA, ainsi que l’exploitant du site internet litigieux, la société KM.
 La FAF reproche à la société KM d’avoir commercialisé des produits contrefaisants, notamment des maillots présentés comme étant ceux de l’équipe nationale de football d’Algérie, de s’être présentée comme le distributeur exclusif de la FAF, sans qu’aucun contrat n’ait été signé.
 La FAF a demandé au président du tribunal qu’il enjoigne à la société CLOUDFLARE PORTUGAL toutes les mesures propres à empêcher l’accès au site litigieux sur le fondement de l’article 6-3 de la LCEN, sous astreinte.
 Le président du tribunal a fait droit à cette demande, constatant la commercialisation de produits contrefaisants, il a considéré que le blocage de l’accès au site litigieux est proportionné à l’atteinte subie par la FAF, et que seule cette mesure est de nature à permettre de faire cesser le dommage. (TJ Lille, 7 oct. 2025, n° 25/01026)
Régulation du marché
Régulation des acteurs systémiques : la CMA qualifie Google Search de service à statut de marché stratégique
- Le 10 octobre 2025, l’autorité de la concurrence et des marchés britannique (CMA, en anglais) a adopté sa décision finale dans l’enquête sur la désignation de Google Search comme ayant un « statut de marché stratégique » (SMS) pour les services de recherche générale et de publicité liée à la recherche, en application du Digital Markets, Competition and Consumers Act 2024 (DMCCA), le nouveau régime britannique de concurrence sur les marchés numériques, entré en vigueur le 1er janvier 2025.
 Cette décision intervient à la suite de l’enquête ouverte le 14 janvier 2025 par le CMA. Après avoir recueilli les observations de plus de 80 parties prenantes, le CMA a constaté que Google détient un pouvoir de marché substantiel, avec plus de 90% des recherches au Royaume-Uni effectuées sur sa plateforme, et a confirmé sa décision de lui attribuer un statut de marché stratégique.
 Ce statut SMS couvre les services de recherche en ligne et les services publicitaires destinés aux utilisateurs de ces services de recherche. Il s’agit notamment de Google Search, Google Discover, Google Ads, ainsi que les fonctionnalités de recherche basées sur l’intelligence artificielle générative, telles qu’AI Overviews et AI Mode. Si l’assistant Gemini AI de Google est pour l’instant exclu du champ d’application, cette position pourra être modifiée après une nouvelle consultation, en fonction de l’évolution du marché.
 Selon le régulateur britannique, la désignation de Google au titre du statut de marché stratégique ne constitue ni une constatation d’infraction ni une mesure imposant des obligations immédiates. Toutefois, elle confère au CMA la possibilité d’intervenir de manière ciblée et proportionnée pour garantir l’ouverture des services de recherche générale à une concurrence effective et assurer un traitement équitable des consommateurs et des entreprises. Le CMA a ainsi prévu de mettre prochainement en œuvre des consultations sur les interventions possibles.
 La désignation de Google est entrée en vigueur le 11 octobre 2025 pour une durée initiale de cinq ans. Le CMA peut engager à tout moment une nouvelle enquête visant à révoquer ou étendre la désignation à d’autres activités numériques jugées similaires.
par Mélanie Clément-Fontaine, Professeure de droit privé
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