Panorama rapide de l’actualité « Technologies de l’information » de la semaine du 15 janvier 2024
Sélection de l’actualité « Technologies de l’information » marquante de la semaine du 15 janvier 2024.
Données
Inapplicabilité du RGPD à une commission d’enquête parlementaire pour ses activités visant à préserver la sécurité nationale
- En Autriche, une commission d’enquête était chargée de déterminer l’existence d’une éventuelle influence politique sur l’Office fédéral pour la protection de la Constitution et pour la lutte contre le terrorisme. Dans le cade de cette enquête, des auditions ont été réalisées et retranscrites dans les médias. L’un des témoins, auditionné lors de cette enquête, a introduit une réclamation auprès de l’autorité autrichienne de protection des données, estimant que la mention de son identité dans le compte-rendu transmis aux médias était contraire aux dispositions du RGPD.
L’autorité de protection des données a rejeté sa demande aux motifs que le principe de séparation des pouvoirs s’opposait à ce que cette autorité, en tant que branche du pouvoir exécutif, contrôle le respect du RGPD par la commission d’enquête qui relève, elle, du pouvoir législatif. Le témoin a alors saisi les juridictions nationales autrichiennes qui ont renvoyé la question devant la Cour de justice de l’Union européenne.
La Cour a jugé qu’une activité ne saurait être considérée comme située hors du champ d’application du RGPD pour la seule raison qu’elle est exercée par une commission d’enquête parlementaire. Elle rappelle que la sécurité nationale peut néanmoins justifier une limitation des obligations et droits découlant du RGPD. Cependant, en l’espèce, il ne ressortait pas du dossier que la divulgation du nom du témoin était nécessaire pour sauvegarder la sécurité nationale.
La Cour énonce par ailleurs que lorsqu’un État membre a choisi d’instaurer une seule autorité de contrôle pour l’application du RGPD, ce qui est le cas en Autriche, celle-ci est également compétente pour contrôler le respect du RGPD par une commission d’enquête parlementaire, et ce, malgré le principe de séparation des pouvoirs.
(CJUE, 16 janv. 2024, C-33/22, Österreichische Datenschutzbehörde)
L’UE maintient le statut d’adéquation de 11 pays et territoires ses décisions d’adéquation : les données pourront continuer à circuler librement vers ces juridictions
- Le 15 janvier 2024, la Commission européenne a achevé son réexamen de 11 décisions d’adéquation existantes, adoptées en vertu de la législation de l’UE en matière de protection des données à caractère personnel.
Dans son rapport, la Commission constate que les données à caractère personnel transférées de l’Union européenne vers Andorre, l’Argentine, le Canada, les Îles Féroé, Guernesey, Israël, Jersey, la Nouvelle-Zélande, la Suisse et l’Uruguay continuent de bénéficier de garanties adéquates en matière de protection des données. Il en résulte que les décisions d’adéquation adoptées pour ces 11 pays et territoires restent en place et que les données peuvent continuer à circuler librement vers ces juridictions.
Le rapport comprend un résumé des résultats pour chaque pays concerné, en mettant l’accent sur les développements favorables. Dans trois cas (Argentine, Israël et Canada), le rapport comprend des recommandations visant à « inscrire dans la législation les protections qui ont été élaborées au niveau sous-législatif et par la jurisprudence ». Cela est particulièrement important compte tenu des réformes législatives en cours dans la loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) du Canada, de la loi israélienne sur la protection de la vie privée et de la récente présentation du projet de loi sur la protection des données au Congrès argentin.
La Commission déclare en outre qu’elle suivra de près l’évolution future de la législation des pays et territoires concernés et que des développements négatifs pourraient entraîner l’exercice des pouvoirs conférés à la Commission en vertu de l’article 45, paragraphe 5 du RGPD de suspendre, de modifier ou de retirer une décision d’adéquation. (Rapport de la Commission au Parlement, 15 janv. 2024)
META dans l’œil du viseur de l’association Noyb
- L’association Noyb, active dans le domaine de la protection du droit à la vie privée, a déposé un recours devant l’autorité autrichienne de protection des données à l’encontre de Meta, la société détenant les plateformes Facebook et Instagram, lui reprochant la complexité de sa procédure de retrait du consentement au traitement de données personnelles à des fins de publicité ciblée.
Elle fait valoir que depuis décembre 2023, la procédure de retrait du consentement donné au traitement des données pour la publicité ciblée sur les plateformes de META est devenue compliquée : en effet, l’utilisateur qui souhaite retirer son consentement est alors contraint soit de souscrire à un abonnement payant, soit de supprimer son compte. En revanche, l’utilisateur ne rencontre aucune difficulté lorsqu’il s’agit de donner son consentement au même traitement des données : un simple clic suffit.
L’association Noyb soutient qu’en soumettant le retrait du consentement de l’utilisateur à la condition de souscription d’un abonnement ou à la suppression de son compte, la société Meta viole la disposition du RGPD selon laquelle « Il est aussi simple de retirer que de donner son consentement » (art 7.3 du RGPD). Dans les deux cas de retrait du consentement donné, l’utilisateur doit supporter d’importantes conséquences négatives.
Noyb demande ainsi à l’autorité de protection des données de déclarer que META a violé les dispositions de l’article 7.3 du RGPD en ne permettant pas un retrait du consentement sur ses plateformes aussi simple que son recueil. Il est également demandé à l’autorité de faire usage de ses pouvoirs de contrainte pour obliger META à se mettre en conformité avec l’article 7.3 du RGPD et offrir à ses utilisateurs une option de retrait du consentement plus simple.
La CNIL et l’autorité de la concurrence française sont particulièrement attentives sur ces pratiques qui ont été évoquées lors de la présentation de leur déclaration conjointe du 12 décembre 2023. (Second recours déposé devant la Cnil autrichienne le 11 janv. 2024)
Plateformes
Un abus de position dominante peut-il être constitué par le refus d’accès à une « installation essentielle » ?
- L’avocate générale Mme Juliane KOKOTT a rendu ses conclusions concernant le recours formé par les sociétés Google LLC et Alphabet à l’encontre de la décision du Tribunal du 10 novembre 2021 qui avait conclu à un abus de position dominante de Google Search.
Dans une décision de la Commission européenne du 27 juin 2017, la Commission a constaté que Google avait abusé de sa position dominante, au sens de l’article 102 du TFUE, sur différents marchés nationaux des services de recherche sur internet. L’abus avait notamment consisté en ce que Google désavantageait les services concurrents de comparaison de prix de produits, par rapport à son propre service de comparaison de prix, lors de l’affichage des résultats de recherche sur sa page de résultat générale. Les sociétés Google LLC et Alphabet avaient formé un recours devant le Tribunal qui a rejeté partiellement ce recours, estimant qu’il y avait effectivement un abus de position dominante de la part de Google sur treize marchés nationaux de la recherche spécialisée de produits. Les requérantes ont alors formé un pourvoi contre cette décision.
Au soutien de leur pourvoi, les requérantes ont notamment fait valoir qu’elles n’étaient pas tenues d’accorder aux comparateurs de produits concurrents un accès non discriminatoire à leur service de recherche sur internet. Par ailleurs, les requérantes ont également soutenu que le Tribunal avait commis plusieurs erreurs de droit en admettant que la décision attaquée a établi que le comportement de Google s’était écarté des moyens de concurrence normale par le mérite.
L’avocate générale Mme Juliane KOKOTT estime que la décision rendue par le Tribunal s’appuyant notamment sur le fait que « l’importance du trafic de Google issu de ses pages de recherche générales et son caractère non effectivement remplaçable constituaient des circonstances pertinentes susceptibles de caractériser l’existence de pratiques ne relevant pas d’une concurrence par les mérites » était fondée. Elle estime que l’approche adoptée par la Commission puis le Tribunal pour juger que la pratique reprochée aux requérantes était en tant que telle incompatible avec les moyens de la concurrence par le mérite, est conforme à la jurisprudence en la matière.
Selon elle, le pourvoi formé par les requérantes doit donc être rejeté. (Conclusions de l’avocate générale Mme Juliane KOKOTT présentées le 11 janv. 2024, C-48/22 P Google LLC, Alphabet, Inc. contre Commission européenne)
Environnement
Extension aux appareils électroniques des obligations contre les informations environnementales trompeuses
- À la suite du Pacte vert européen (« Green Deal », COM/2019/640 final), le Parlement a adopté le 17 janvier 2024, en session plénière, une directive « pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations ».
Cette directive s’inscrit dans un contexte de prolifération du « greenwashing » (ou « écoblanchiment »), empêchant les consommateurs de faire des choix éclairés lors de leurs achats. L’objectif est d’interdire les promesses environnementales mensongères sur les produits, tout en luttant contre l’obsolescence programmée.
Pour ce faire, les députés européens ont listé des pratiques commerciales problématiques contrevenant aux obligations de transparence pesant sur les professionnels, notamment :
- Ajouter des mentions environnementales génériques qui ne correspondent pas à une performance environnementale excellente reconnue pertinente pour l’allégation (par exemple, « respectueux de l’environnement », « naturel », « ami de la nature », ou encore « bon pour le climat ») ;
- Faire la publicité d’avantages qui ne sont pas pertinents ou liés à une caractéristique du produit, induisant à tort un prétendu avantage pour l’environnement (par exemple, l’absence de plastique dans des feuilles de papier) ;
- Faire porter une allégation environnementale sur l’ensemble d’un produit lorsqu’elle ne concerne que l’un de ses aspects (par exemple, la mention « fabriqué avec des matériaux recyclés », quand seul l’emballage est concerné) ;
- Affirmer, sur la base de la compensation des émissions de gaz à effet de serre, qu’un produit a un « impact neutre ».
Par ailleurs, la directive incite les producteurs à porter davantage d’attention à la durabilité des produits en interdisant les labels de durabilité qui ne sont pas fondés sur un système de certification ou les incitations à remplacer les consommables de manière précoce.
Ces nouvelles règles seront introduites par la voie d’une modification de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales trompeuses.
Après approbation finale du Conseil, cette directive fonctionnera avec celle sur les allégations écologiques, qui définira plus en détail les conditions d’utilisation des allégations environnementales.
Preuve et acte de procédure dématérialisée
Enregistrement clandestin d’une réunion : au civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats
- Dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats : il faut notamment apprécier si cette preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.
Dans le cadre d’un litige opposant une société à l’un de ses salariés, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, ce dernier avait demandé que l’enregistrement clandestin de son entretien avec les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société (CHSCT) soit fourni à titre de preuve.
La Cour de cassation a affirmé que le caractère déloyal de l’obtention d’un moyen de preuve ne doit pas nécessairement conduire à l’écarter des débats. En effet, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si cette preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, la Cour d’appel avait, d’une part, relevé que le médecin du travail et l’inspecteur du travail avaient été associés à l’enquête et, d’autre part, après analyse des autres éléments de preuve produits par le salarié, retenu que ces éléments laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral. Par conséquent, la production de l’enregistrement clandestin ne s’avérait pas indispensable au soutien des demandes du salarié, et c’est à bon droit que la Cour d’appel a décidé d’écarter le moyen de preuve du débat. (Soc., 17 janv. 2024, n° 22-17.474, F-B)
La transmission par voie dématérialisée d’une requête aux fins d’extradition des autorités italiennes est régulière
- La Cour de cassation décide que la demande d’extradition d’un ressortissant italien transmise par voie dématérialisée est régulière.
Le gouvernement italien avait formé, le 8 février 2023, une demande d’extradition d’un ressortissant italien aux fins d’exécution d’une peine de réclusion à perpétuité, prononcée par la Cour d’assises d’appel de Catanzaro le 25 mai 2012 pour des faits d’assassinat et tentative d’assassinat.
Le ressortissant italien s’était pourvu en cassation sur le fondement d’une fausse application du 4ème protocole additionnel à la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, lequel prévoit que « les communications peuvent s’effectuer par voie électronique ou par tout autre moyen laissant une trace écrite, dans des conditions permettant aux parties d’en vérifier l’authenticité », au motif que ce protocole ne serait pas applicable à défaut de ratification.
La Cour de cassation a donc eu à se prononcer sur la régularité de la demande d’extradition transmise par voie dématérialisée. Après avoir rappelé que le quatrième Protocole additionnel à la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 est entré en vigueur en France le 1er octobre 2021, la Cour de cassation a jugé que c’est à juste titre que la chambre de l’instruction a jugé régulière la transmission par voie dématérialisée. (Crim. 16 janv. 2024, n° 23-82.942, F-B).
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