Pas de délai de standstill pour un marché de maîtrise d’œuvre passé à l’issue d’un concours restreint
Le Conseil d’État confirme que les marchés qui ne sont pas passés via une procédure formalisée ne sont pas concernés par le délai de standstill. Ainsi, le juge du référé contractuel ne saurait prononcer la nullité d’un marché de maîtrise d’œuvre passé à l’issue d’un concours restreint au motif que ce délai n’aurait pas été respecté.
 
                            La commune de Migennes a lancé une procédure de concours restreint de maîtrise d’œuvre, via un avis de concours publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) en mars 2024, en vue de la construction d’une médiathèque. Le groupement dont la société Nord Sud Architecture est mandataire arrive en tête du classement, tandis que le groupement dont la société AA Group Dijon est mandataire est classé second, comme indiqué dans le rapport du jury du concours. Il s’en est suivi des négociations entre la commune de Migennes et ces groupements, désignés lauréats du concours. À l’issue de ces négociations, la société Nord Sud Architecture a été informée par un courrier du 3 septembre 2024 que l’offre de son groupement a été rejetée au profit de celle du groupement représenté par la société AA Group Dijon.
Saisi d’un référé précontractuel par le groupement évincé le 13 septembre 2024, le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande car le marché a été signé le 3 septembre 2024. Le groupement évincé forme alors un référé contractuel, également rejeté par une ordonnance du 18 octobre 2024.
Le délai de standstill n’est requis que dans le cadre des procédures formalisées
Il résulte de la directive 89/665/CEE du Conseil du 21 décembre 1989, modifiée, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, que « La conclusion du contrat qui suit la décision d’attribution d’un marché relevant du champ d’application de la directive 2004/18/CE ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du marché a été envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés (…) ». La même directive précise que les États membres peuvent ne pas imposer ce délai, à l’occasion de la transposition en droit interne des textes européens, aux marchés dont la publication au JOUE n’est pas imposée.
Aussi, en droit français, l’article R. 2182-1 du code de la commande publique dispose très explicitement que le délai de standstill, qui est au minimum de onze jours pour une notification par voie électronique, et de seize jours pour une notification par courrier papier avec accusé de réception, s’applique « pour les marchés passés selon une procédure formalisée ».
Les marchés passés selon une procédure formalisée se distinguent, comme l’indique l’article L. 2120-1 du même code, d’une part des marchés passés sans publicité ni mise en concurrence, et d’autre part des marchés passés en procédure adaptée. En outre, seuls les marchés « passés selon l’une des procédures formalisées énumérées aux articles R. 2124-2 à R. 2124-6 » font l’objet d’un avis de marché publié au BOAMP et au JOUE, et sont donc les seuls marchés soumis au délai de standstill.
La signature d’un marché passé à l’issue d’un concours n’est pas contrainte par le délai de standstill
Le concours est une technique d’achat, parmi celles énumérées à l’article L. 2125-1 du code de la commande publique. À cet égard, l’article R. 2122-6 du même code prévoit que « L’acheteur peut passer un marché de services sans publicité ni mise en concurrence préalables avec le lauréat ou l’un des lauréats d’un concours ».
Le Conseil d’État considère qu’« un marché de maîtrise d’œuvre conclu par le maître d’ouvrage avec l’un des lauréats d’un concours restreint n’a pas à être passé selon une procédure formalisée, quand bien même il répondrait à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée et qu’un avis de concours devrait être publié en application de l’article R. 2162-15 du [code de la commande publique] ». La Haute juridiction en déduit alors que le délai de standstill n’a pas à être observé par le maître d’ouvrage lorsqu’il signe le marché passé avec l’un des lauréats du concours restreint car ce marché n’est pas passé en procédure formalisée.
L’absence de délai de standstill a des conséquences sur l’office du juge des référés
Le troisième alinéa de l’article L. 551-18 du code de justice administrative dispose que « Le juge prononce (…) la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d’exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat ».
Le Conseil d’État rappelle régulièrement que « les manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du [code de la justice administrative] » et que par conséquent, le juge des référés ne peut prononcer la nullité du contrat litigieux que dans les conditions prévues par ces articles (CE 25 oct. 2013, Commune de La-Seyne-sur-Mer, n° 370393, Dalloz actualité, 5 nov. 2013, obs. D. Poupeau ; Lebon  ; AJDA 2013. 2125
 ; AJDA 2013. 2125  ; AJCT 2014. 112, obs. S. Hul
 ; AJCT 2014. 112, obs. S. Hul  ).
).
En outre, le juge des référés ne saurait annuler la signature d’un marché pour non-respect du délai de standstill alors que l’on se trouve dans le cadre d’un référé contractuel, et que par ailleurs le maître d’ouvrage n’était pas tenu au respect de ce délai. Aussi, « en jugeant que la circonstance que la commune de Migennes n’avait pas respecté le délai qu’elle s’était imposé à elle-même et dont elle avait informé la société Nord Sud Architecture dans la lettre de rejet de son offre ne pouvait être utilement invoquée au soutien de la demande d’annulation du contrat sur le fondement de l’article L. 551-18 du code de justice administrative, le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon n’a pas commis d’erreur de droit ».
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