Pas de licenciement abusif si la retraite est notifiée avant la fin du contrat requalifié en CDI
Si le salarié notifie avant le terme d’un contrat de mission, et de façon claire et non équivoque, sa décision de prendre sa retraite, la relation de travail, même requalifiée en CDI, prend fin au jour de la notification. Il ne peut donc pas faire valoir un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Qu’advient-il lorsqu’un salarié en cours de contrat de mission informe l'entreprise utilisatrice qu’il quitte son travail pour partir à la retraite quelques jours après la fin du contrat, mais que ce même contrat est par la suite requalifié en CDI ? La relation de travail a-t-elle pris fin à la date de la notification ? Et, de fait, la rupture du contrat doit-elle est être considérée comme étant à l’initiative du salarié ou comme étant un licenciement sans cause réelle et sérieuse ? C’est à ces questions qu’a répondu la Cour de cassation dans un arrêt publié du 27 septembre. Une décision qui interroge à la fois sur la forme, la portée et l’importance des motivations de la notification d’un départ volontaire à la retraite.
Ecrire que l’on "quitte son travail " pour partir à la retraite suffit à acter la fin du contrat
Dans cette affaire, un salarié avait effectué plusieurs contrats de mission, le terme du dernier étant fixé au 6 mars 2015. Par lettre du 5 mars, il avait informé l'entreprise utilisatrice qu’étant admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 23 mars, il "quittait son travail". Il a ensuite saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de ses contrats en CDI et a obtenu gain de cause. Il faisait donc valoir que la rupture de la relation contractuelle constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque la procédure de licenciement n’avait pas été respectée.
Mais pour la cour d’appel comme pour la Cour de cassation, "la rupture de la relation contractuelle procède du départ à la retraite et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse". En effet, il résulte de l'article L.1237-9 du code du travail que le départ à la retraite est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Or ce dernier ayant, avant le terme du dernier contrat de mission, notifié à l'employeur sa décision de prendre sa retraite, la relation de travail avait pris fin au jour de la notification. Peu important donc que le départ effectif à la retraite soit survenu postérieurement au terme du contrat requalifié, la notification suffit à acter le départ volontaire à l’initiative du salarié et la fin de la relation de travail.
► On peut logiquement penser que si le salarié avait formulé autrement sa lettre, en écrivant par exemple qu’il ne serait plus en mesure d’accepter de nouveaux contrats car il allait liquider sa retraite peu après le terme de celui en cours, la situation aurait été toute autre. Bien qu’aucun formalisme ne soit exigé en ce qui concerne la notification du départ volontaire à la retraite, attention donc aux termes choisis…
L’absence de manquement de l'employeur, un élément déterminant
Une autre partie de la motivation de la Cour est intéressante : "le salarié avait, à la veille du terme du dernier contrat de mission, notifié à l'employeur sa décision de prendre sa retraite et ce, sans jamais imputer son départ à la retraite à un manquement de l'employeur, y compris dans ses dernières écritures". En effet, elle a déjà pu considérer que la volonté du salarié n'est pas claire ou est équivoque compte tenu du comportement de l'employeur et/ou des circonstances antérieures ou contemporaines au départ à la retraite. Le départ est alors requalifié en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tel est le cas par exemple lorsque le salarié avait, préalablement à la notification de son départ à la retraite, saisi la juridiction prud'homale pour ce qu'il estimait être des manquements imputables à l'employeur (arrêt du 20 octobre 2015). Se pose donc ici la question des motivations au départ à la retraite, et il ressort en creux que si le salarié avait dénoncé des manquements de l’employeur, la solution aurait également pu être différente.
Mais en l’espèce la position de la Cour est très claire : "le départ à la retraite d'un salarié est un acte unilatéral par lequel celui-ci manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Il en résulte que, lorsque le salarié notifie à l'entreprise utilisatrice, de façon claire et non équivoque, sa décision de prendre sa retraite avant le terme du contrat de mission, la relation de travail requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée prend fin au jour de la notification du départ volontaire à la retraite du salarié et non à raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse".
© Lefebvre Dalloz