Pas de notification requise du débiteur lors du renouvellement de l’inscription
L’article R. 532-7 du code des procédures civiles d’exécution et les articles 61 et suivants du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, pris pour l’application du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, ne prévoient pas de notification du renouvellement de l’inscription d’un nantissement sur fonds de commerce.
Les questions d’inscription provisoire concernant les sûretés réelles telles que les nantissements sur fonds de commerce peuvent poser des difficultés assez âpres en pratique. On remarquera donc utilement un arrêt rendu le 8 juin 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui pourra aiguiller utilement la pratique sur la notification du débiteur quand l’inscription est renouvelée.
Les faits à l’origine du pourvoi débutent le 18 juillet 2013 par une inscription provisoire de nantissement sur fonds de commerce par un syndicat de copropriétaires, et ce en exécution d’une ordonnance rendue par le juge de l’exécution. L’inscription est régulièrement dénoncée au débiteur. Par jugement du 5 novembre 2015, la société propriétaire du fonds est placée en sauvegarde avec désignation d’un mandataire judiciaire et d’un administrateur judiciaire. Par bordereau déposé le 13 juillet 2016, le syndicat créancier a renouvelé son inscription provisoire. L’administrateur judiciaire et la société débitrice propriétaire du fonds saisissent le juge de l’exécution en mainlevée du nantissement en estimant que le renouvellement de l’inscription n’a pas été notifié. Un jugement du 29 mai 2017 arrête et homologue le plan de sauvegarde, désigne le mandataire judiciaire comme commissaire chargé de veiller à son exécution et met fin à la mission de l’administrateur tout en le maintenant pour la mise en œuvre du plan et des procédures en cours. Concernant la demande de mainlevée, la cour d’appel saisie a considéré que l’article R. 532-7 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que la publicité du renouvellement obéit au formalisme applicable à l’inscription initiale. Par conséquent, les juges du fond en déduisent que le débiteur ne devait pas se voir notifier le renouvellement de l’inscription.
Dans son arrêt rendu le 8 juin 2023 et promis au Bulletin, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le moyen. Une telle décision s’impose sous l’angle d’une interprétation littérale de l’article R. 532-7 du code des procédures civiles d’exécution, autant qu’elle permet de créer une fluidité importante pour la pratique des affaires.
Une argumentation littérale bienvenue
Le principal ressort argumentatif de la décision du 8 juin 2023 repose sur la lecture des différents textes régissant l’inscription et l’information du débiteur, soit les articles R. 532-2 et R. 532-5 du code des procédures civiles d’exécution. Ces textes, combinés avec l’article R. 532-7 du même instrument, ne prévoient pas spécifiquement que le renouvellement de la publicité provisoire implique une nouvelle notification dudit renouvellement au débiteur. Il est vrai parfois qu’il faut interpréter les textes dans le sens de leur finalité et ne pas s’en arrêter à la seule lettre. Mais ici, l’inscription sur laquelle se fonde le renouvellement a bien été notifiée initialement au débiteur, de sorte que l’on peut se questionner si un tel formalisme avait pu s’avérer bien utile. On comprend le raisonnement du débiteur, propriétaire du fonds, puisque son bien reste grevé par l’inscription provisoire.
L’argument littéral permet d’en revenir aux textes, ce que la cour d’appel avait pu faire par ailleurs expliquant ainsi la nature d’arrêt de rejet de la décision du 8 juin 2023. Il ne faut pas oublier qu’aussi technique soit le contentieux sur la publicité provisoire afin de conserver une sûreté, les textes issus du décret prévoient, en tout état de cause, l’intégralité de la marche à suivre concernant les formalités les plus importantes (donc celles qui doivent être réalisées sous peine de mainlevée). Dans le silence du décret, on ne saurait ajouter une formalité supplémentaire que celui-ci n’aurait pas prévu, sous peine de dénaturer le système imaginé par le législateur et mis en pratique par le règlement.
Ceci permet de préserver également une certaine fluidité du processus de renouvellement de l’inscription.
Une fluidité bienvenue
Dans un monde où la publicité foncière et le droit des sûretés deviennent parfois très complexes, l’arrêt du 8 juin 2023 peut apparaître comme une bouffée d’air frais bienvenue. Si, comme nous l’avons dit, l’absence de précision dans les articles du code des procédures civiles d’exécution devait conduire à une telle orientation, il n’en reste pas moins que la portée pratique de cette dernière est importante. Elle évite au créancier de devoir notifier de nouveau l’inscription au débiteur, ce qui est une formalité assez lourde, et ce d’autant quand elle a été manquée et qu’un tel manquement est reproché par le débiteur pour obtenir la mainlevée de la sûreté réelle provisoire.
Il est, peut-être, assez curieux que la question soit restée tapie dans l’ombre si longtemps. À notre connaissance, très peu d’arrêts, notamment publiés, avaient pu envisager cette thématique précisément. On peut raisonner, certes, à l’aide de certains arguments concernant la publicité définitive qui suit un régime analogue, mais l’analogie trouve des limites méthodologiques que l’on connaît bien. La décision mérite, quoi qu’il en soit, une approbation qui semble exempte de critiques déterminantes en ce qu’elle vient assurer à la publicité foncière un rôle pivot sans lui faire endosser celui d’un frein dans la dynamique de la prise d’inscriptions provisoires.
Cette fluidité pratique ne doit pas faire occulter le caractère tout à fait intéressant de l’argumentation du demandeur au pourvoi. Il aurait été, en effet, possible par une certaine conception de symétrie entre les inscriptions que l’on considère que la notification soit nécessaire à chaque fois, et ce afin de parfaitement informer le débiteur de la situation sur son bien. L’interrogation était donc légitime, même s’il faut louer l’orientation prise par la deuxième chambre civile en l’espèce dans un arrêt pédagogue et expliquant la raison du rejet du pourvoi.
Voici donc un arrêt fort intéressant. Il permettra à la pratique de pouvoir compter sur une inscription provisoire ne nécessitant pas, au moment de son renouvellement, une notification supplémentaire. La notification initiale, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d’inscription ou la signification du nantissement, suffit amplement. Rien n’empêche toutefois de procéder à une nouvelle information du débiteur, ce qui évitera tout contentieux de ce type. Prudence est mère de sûreté.
© Lefebvre Dalloz