Permis de construire : la notification d’un recours au maire d’arrondissement suffit
Le Conseil d’État sanctionne pour erreur de droit le juge d’appel qui avait jugé irrecevable, au visa de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, le recours contre un permis de construire qui avait été notifié à l’adresse du maire d’arrondissement, et non du maire de la Ville de Paris, pourtant seul auteur de la décision.
 
                            Un pays creusé de chausse-trapes par le fisc et la police, voici comment Jean Cocteau décrivait la France dans sa Lettre aux Américains. Il aurait pu ajouter, par le code de l’urbanisme, tant ces dernières années le contentieux de l’urbanisme s’est réformé pour mieux ralentir, stopper, tromper, et finalement décourager le requérant (sur ce thème, v. not., S. Lapprand, Le contentieux des autorisations d’urbanisme : chronique d’une mort annoncée ou vers un difficile équilibre des intérêts ?, JCP A 2022. 2358 ; B. Hachem, La préoccupante indifférence du Conseil constitutionnel face aux atteintes au droit au recours en matière d’urbanisme, l’exemple des associations, JCP A 2022. 2342 ; R. Radiguet, Restrictions des droits d’accès au juge par la procédure administrative contentieuse en droit de l’urbanisme, JCP A 2019. 2183).
Refuser la notification du recours au maire d’arrondissement, ça n’est pas porter atteinte au droit à un recours effectif
Quoiqu’ancienne, l’obligation qui pèse sur l’auteur d’un recours (lorsqu’il est tiers et non préfet) de notifier celui-ci à l’auteur de la décision ainsi qu’à son bénéficiaire, fait indéniablement partie de ses chausse-trapes prompts à faire tomber un requérant par trop léger ayant donné lieu à une « jurisprudence byzantine » (R. Radiguet, art. préc.).
Néanmoins, il ne s’agit pas d’une règle dont le Conseil d’État souhaite voir assouplir l’application au prétexte du droit à un recours effectif au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et c’est pourquoi il n’a pas admis l’argumentation du demandeur au pourvoi qui était de dire que le juge d’appel avait pêché par excès de formalisme, en se référant pour se faire à la jurisprudence européenne qui juge que « si le droit d’exercer un recours est bien entendu soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois » (CEDH 26 juill. 2007, Walchli c/ France, n° 35787/03, D. 2007. 2304, obs. M. Léna  ; AJ pénal 2007. 490, obs. C. Porteron
 ; AJ pénal 2007. 490, obs. C. Porteron  ).
).
À lire les conclusions du rapporteur public sur cette affaire, il apparaît donc que toutes les informations avaient été données au requérant pour leur permettre de notifier le recours au maire de Paris et qu’ainsi ça n’était pas porter atteinte au droit à un recours effectif que d’exiger une telle notification.
C’est en revanche commettre une erreur de droit
Le Conseil d’État a néanmoins considéré que le juge d’appel avait commis une erreur de droit en ne jugeant pas que notifier au maire d’arrondissement dans lequel se situe le projet incriminé c’était bien notifier à l’auteur de l’acte attaqué, au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : ces dispositions « visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision, d’être informés à bref délai de l’existence d’un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. Eu égard au rôle dévolu dans l’instruction des demandes d’autorisation d’utilisation du sol au maire d’arrondissement, élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris, la notification d’un recours gracieux ou d’un recours contentieux contre un permis de construire délivré par le maire de Paris, au maire de l’arrondissement dans lequel se situe le terrain d’assiette du projet, à l’adresse de la mairie d’arrondissement, doit être regardée comme une notification faite à l’auteur de la décision au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, alors même que l’affichage de ce permis sur ce terrain ne fait pas mention de cette adresse ».
Tout en veillant à conserver à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme toute sa rigueur, il a fait le choix d’une interprétation extensive de la notion d’auteur de la décision en s’appuyant sur divers critères :
- le maire d’arrondissement participe à l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme situées dans sur son territoire en émettant un avis sur celles-ci, en application de l’article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales ;
- le maire d’arrondissement est élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris.
Soit autant d’éléments prouvant un lieu fort entre le maire d’arrondissement et le maire de Paris.
Un courant jurisprudentiel pragmatique
En jugeant de la sorte, le Conseil d’État fait preuve de pragmatisme, que lui-même où les juges du fond pratiquent depuis longue date à propos de l’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme et justifiant que dans certaines circonstances, la notification à une autre personne que le maire en personne, vaut notification à l’auteur de l’acte.
En ce sens, une notification faite au maire-adjoint chargé de l’urbanisme, signataire du permis de construire contesté, est régulière (CAA Bordeaux, 10 mars 2008, Sté nationale immobilière, n° 05BX00926) ; une notification faite au maire, quand le permis de construire est délivré par le maire au nom de l’État, est régulière (CE 22 avr. 2005, Epoux Letouzey, n° 257743, Lebon  ; AJDA 2005. 1367
 ; AJDA 2005. 1367  ; RDI 2005. 342, obs. P. Soler-Couteaux
 ; RDI 2005. 342, obs. P. Soler-Couteaux  ; BJDU 2005. 174, concl. de Silva).
 ; BJDU 2005. 174, concl. de Silva).
Ce pragmatisme est d’autant plus nécessaire que la notification d’un recours n’est pas l’adresse d’une demande. Autrement dit, si l’article L. 114-2 du code des relations entre le public et l’administration issu de la loi du 12 avril 2000 impose que « lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé », ces dispositions ne s’appliquent pas aux mesures d’information.
Se tromper de porte peut être rédhibitoire (pour la notification d’un recours, v. CAA Paris, 11 avr. 2003, Tamalet, n° 00PA03886 ; CAA Bordeaux, 24 nov. 2011, Cne de Lezignan et a., n° 10BX02605 ; pour la notification de cessions de créances, v. CE 9 mars 2018, Banque Delubac & Cie, n° 407842, Lebon  ; AJDA 2018. 539
 ; AJDA 2018. 539  ) et c’est pourquoi la lecture réaliste du Conseil d’État dans la définition de l’auteur de l’acte au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, est bienvenue.
) et c’est pourquoi la lecture réaliste du Conseil d’État dans la définition de l’auteur de l’acte au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, est bienvenue.
© Lefebvre Dalloz