Pour une fiscalité du logement plus cohérente

IMMOBILIER | Fiscalité immobilière Le 18 décembre 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), institution associée à la Cour des comptes, dont la mission est d’apprécier l’évolution et l’impact économique, social et budgétaire de l’ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative à ces prélèvements, a rendu un rapport intitulé « Pour une fiscalité du logement plus cohérente ».

Le logement est l’un des premiers budgets des Français, avec une dépense courante de plus de 580 Md€ en 2022, soit plus d’un cinquième du PIB (22 %). L’activité immobilière, regroupant l’ensemble des dépenses d’investissement en logements neufs et anciens, en terrains d’assises et en gros travaux représente, quant à elle, 439 Md€.

De plus, pour l’administration fiscale, le logement, présente l’avantage d’être visible et immobile, et fait, par conséquent l’objet d’une taxation particulière. Des impôts sont prélevés sur tout le cycle de vie du logement, de la construction à la cession, pour un montant total de 92 Md€ en 2022. Le logement est également confronté actuellement à des défis nouveaux ou devenus centraux, et qui ne sont pas sans incidence sur les dispositifs fiscaux.

Pour son étude (étude intérgrale), le CPO a analysé les rapports suivants :

  • panorama budgétaire et juridique de la fiscalité du logement ;
  • impact de la fiscalité sur le marché du logement ;
  • fiscalité du logement et inégalités ;
  • fiscalité du logement et enjeux environnementaux ;
  • comparaison internationale des systèmes fiscaux liés au logement ;
  • rapport évaluation de la réforme de la taxe d’habitation de l’Institut des politiques publiques (IPP) ;
  • étude des propriétés redistributives de la taxe foncière sur les propriétés bâties (Insee).

Les constats du Conseil des prélèvements obligatoires

La fiscalité du logement désigne l’ensemble des impôts et dispositifs fiscaux reposant directement sur le logement ou affectés à ce secteur, et s’appliquant tout au long de son cycle de vie, de sa construction à sa cession, en passant par son acquisition, sa détention, son occupation et sa location. Selon ce périmètre retenu par le CPO, elle représente 92 Md€ en 2022, soit près de 8 % des prélèvements obligatoires en France.

En comparaison internationale, la fiscalité du logement en France fait partie des plus élevées de l’OCDE, mais sa part relative dans le total des prélèvements obligatoires reste inférieure à celle rencontrée dans plusieurs économies comparables, telles que les États-Unis ou le Royaume-Uni.

Les dépenses fiscales relatives au logement sont nombreuses, pour un coût élevé de 15 Md€ en 2022. Elles ne sont en majorité ni bornées dans le temps, ni systématiquement évaluées par l’administration.

La fiscalité du logement repose majoritairement sur le propriétaire qui est plus souvent un couple, de 50 ans ou plus. Ces propriétaires sont en moyenne plus aisés que les locataires.

La fiscalité du logement représente une faible part du coût du logement et affecte peu le taux d’effort net des ménages, qui reste plus élevé chez les locataires ou les accédants à la propriété que chez les autres propriétaires.

La fiscalité du logement est une ressource essentielle des collectivités territoriales, si bien que toute réforme d’ampleur doit prendre en compte les effets sur les moyens financiers des collectivités, pour les neutraliser.

La fiscalité du logement en France est en partie déterminée par les collectivités territoriales, mais la réforme de la taxe d’habitation a fortement réduit leur pouvoir de taux.

La fiscalité foncière en France présente un profil régressif en fonction du niveau de vie des propriétaires, les patrimoines immobiliers les plus importants se situant dans les localités aux taux de taxe foncière plus faibles.

L’assiette de la fiscalité foncière est largement décorrélée de la réalité de la valeur marchande des logements ainsi que du prix de la terre.

Compte tenu de la rigidité du marché français du logement, la hausse des taux d’intérêt s’est traduite jusqu’à présent par une baisse limitée de l’ensemble des prix et beaucoup plus forte des transactions. L’activité du secteur du BTP résiste néanmoins à ce stade grâce aux chantiers lancés avant 2022, au dynamisme des rénovations et à la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production.

Malgré un coût élevé des dépenses fiscales, la fiscalité du logement a une incidence limitée sur le marché de l’immobilier par rapport à d’autres facteurs comme la conjoncture économique et l’état du marché du crédit.

Sur la période 2018-2022, en première analyse, la suppression de la taxe d’habitation aurait été répercutée dans les prix de l’immobilier, à l’achat comme à la location, mais de manière limitée. Elle ne semble avoir eu à ce stade d’effet significatif ni sur la mobilité résidentielle ni sur le niveau de la taxe foncière, principalement affecté par les effets de la hausse de l’inflation sur la dépense locale.

Les dispositifs fiscaux sur l’investissement locatif peuvent avoir un impact inflationniste sur le niveau des prix des logements, en contradiction avec leur objet.

La lutte contre l’artificialisation des sols nécessite notamment de mieux mobiliser le parc de logements existants, en taxant plus efficacement la vacance, et de limiter les effets artificialisants des dépenses fiscales liées au logement.

Pour permettre l’atteinte de la norme « bâtiment basse consommation » ou équivalente pour les logements d’ici 2050, l’outil fiscal n’est pas le levier le plus efficient par rapport aux aides budgétaires ciblées, aux mesures réglementaires et à une politique visant à lever les obstacles à la rénovation énergétique.

Les droits pesant en France sur les transactions marchandes de logements sont d’un niveau élevé. Ils limitent le volume des transactions et ont un effet négatif sur la mobilité résidentielle et sur l’accession à la propriété.

Les différents régimes d’abattement pour durée de détention sur les plus-values immobilières alimentent des phénomènes de rétention de terrains et de biens immobiliers sous-utilisés

Les préconisations du Conseil des prélèvements obligatoires

À travers une série de recommandations, le CPO appelle à une révision profonde, et par étapes, de la fiscalité du logement et propose notamment trois orientations.

Mettre en cohérence les dispositifs fiscaux avec la valeur économique des logements

Borner dans le temps les dépenses fiscales liées au logement et procéder à leur évaluation systématique pour ne conserver que celles aux effets économiques, sociaux ou environnementaux avérés.

Compléter les bases de données existantes relatives au logement, notamment à sa fiscalité, et en réaliser l’expertise statistique.

Revoir la méthodologie d’estimation de l’assiette de la taxe foncière pour établir un lien plus direct et facilement actualisable avec les loyers ou les prix de marché.

Étendre la liste des communes soumises à la taxe sur les logements vacants en excluant les territoires en déprise et supprimer la possibilité pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale d’instituer la taxe d’habitation sur les logements vacants.

Préférer les aides budgétaires ciblées en substitution aux incitations fiscales pour faire face aux nouveaux défis du bâti

Confirmer la non-reconduction du dispositif « Pinel » et l’absence de dispositif équivalent en remplacement.

Ouvrir à nouveau le prêt à taux zéro au logement ancien avec travaux dans les zones tendues pour le rendre plus cohérent avec les enjeux environnementaux.

Rehausser le taux de TVA à 5,5 % sur la rénovation énergétique au niveau du taux intermédiaire de 10 % et utiliser le gain financier ainsi obtenu pour les aides budgétaires ciblées en faveur de la rénovation énergétique des logements.

Renforcer la neutralité de la fiscalité du logement pour favoriser la résilience du marché du logement

Une fois le lien rétabli entre l’assiette de la taxe foncière et la valeur économique des logements taxés, engager une réflexion sur le niveau et l’affectation des droits de mutation à titre onéreux visant à moins taxer l’acquisition de logements et à compenser le manque à gagner pour les finances publiques par un relèvement des impôts portant sur leur détention.

Limiter la rétention des biens en remplaçant les abattements sur les plus-values de cessions foncières et immobilières pour durée de détention par une prise en compte de l’évolution des prix de la construction et des travaux d’amélioration réalisés par le vendeur et en rehaussant, pour les terrains nus rendus constructibles, la taxe forfaitaire.

Rapprocher et unifier à terme les régimes fiscaux de la location meublée et de la location nue.

Pour la première fois, le CPO a choisi d’analyser la fiscalité du logement en s’interrogeant sur sa cohérence et son efficacité. Il arrive à la conclusion, au terme de ses travaux, que cette fiscalité sectorielle est peu préparée aux défis actuels et doit gagner en cohérence en trouvant un meilleur équilibre entre les dispositifs d’incitation et une logique plus large de neutralité.

 

© Lefebvre Dalloz