Précisions apportées au régime juridique de l’astreinte pénale en urbanisme

Par deux arrêts du 24 juin 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation se penche sur le régime juridique de l’astreinte accompagnant une mesure de remise en état des lieux. Elle confirme sa position sur le point de départ du délai de l’injonction et cadre la contestation de son recouvrement.

Le juge pénal est seul compétent pour sanctionner la réalisation de travaux sans autorisation d’urbanisme ou en méconnaissance d’une autorisation obtenue. Dans le cas où l’auteur de l’infraction n’est pas en mesure de régulariser, le juge peut lui imposer la mise en conformité ou la démolition des constructions ou des travaux litigieux. Il fixe un délai dans lequel la remise en état des lieux devra avoir été réalisée et peut décider de l’assortir d’une astreinte financière qui deviendra exécutoire en cas de manquement (C. urb., art. L. 480-7, al. 1er). L’astreinte prévue par le code de l’urbanisme est une mesure comminatoire, c’est-à-dire qu’elle vise à faire pression sur le contrevenant pour qu’il mette en œuvre l’injonction prononcée à son encontre. Elle n’est ni une amende ni une peine (Crim. 22 mai 1986, n° 85-93.238 P).

Dans les deux arrêts sous étude, la Cour de cassation confirme et clarifie certains points relatifs au régime juridique spécial de cette astreinte des articles L. 480-7 et L. 480-8 du code de l’urbanisme pouvant accompagner les mesures de restitutions ordonnées par le juge.

Point de départ du délai de remise en état des lieux et de l’astreinte

Le premier point concerne le point de départ du délai de remise en état des lieux et de l’astreinte. Le délai de remise en état est librement fixé par le juge et, à l’expiration de ce délai, l’astreinte financière démarre si la mesure ordonnée n’a pas été exécutée (C. urb., art. L. 480-7). La Cour de cassation décide que si le juge ne fixe pas dans sa décision le point de départ du délai de remise en état, ce délai court : ou bien du jour où la décision sera passée en force de chose jugée, ou bien du jour du prononcé du jugement ou de l’arrêt lorsque le juge ordonne l’exécution provisoire. Elle casse donc l’arrêt d’appel qui avait ordonné la remise en état des lieux dans le délai de deux mois à compter du jour où son arrêt sera passé en force de chose jugée, sous peine d’une astreinte de 200 € par jour de retard passé ce délai, tout en ordonnant l’exécution provisoire de sa décision (Crim. 24 juin 2025, n° 24-83.638 F-B).

Remarque

Pour éviter à un propriétaire peu scrupuleux de reculer volontairement la procédure l’obligeant à la remise en état des lieux, en faisant appel, et de bénéficier ainsi des fruits d’une construction litigieuse, le juge a la possibilité de demander l’exécution provisoire de la mesure de restitution au jour du jugement (C. urb., art. L. 480-7, al. 1er).

Possibilité de contester, au moment du recouvrement de l’astreinte, le caractère proportionné de son montant

Le second point concerne la possibilité de contester, au moment du recouvrement de l’astreinte, le caractère proportionné de son montant aux droits fondamentaux du contrevenant. La chambre criminelle de la Cour de cassation répond par la négative, confirmant ainsi sa jurisprudence (Crim. 2 mai 2018, n° 17-83.290). La réponse n’était pas certaine, dès lors que la deuxième chambre de civile de la Cour de cassation impose au juge, appelé à liquider une astreinte civile en application de l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, de tenir compte des difficultés du débiteur mais aussi d’apprécier le rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige (Civ. 2e, 20 janv. 2022, n° 20-15.261, n° 19-23.721 et n° 19-22.435, D. 2022. 864, chron. C. Bohnert, F. Jollec, O. Talabardon, G. Guého, J. Vigneras et C. Dudit ; ibid. 1331, obs. A. Leborgne ; RDT 2022. 180, obs. F. Guiomard ; Rev. prat. rec. 2022. 11, chron. O. Salati et C. Simon ; RTD civ. 2022. 452, obs. N. Cayrol ; arrêts figurant au Rapport de la Cour). La chambre criminelle justifie cette distinction par le fait que la demande de remise en état des lieux, à laquelle est assortie l’astreinte, vise à sanctionner une infraction en matière d’urbanisme et répond à un impératif d’intérêt général de maitrise de l’aménagement du territoire. Le caractère proportionné du montant de l’atteinte portée aux droits fondamentaux du contrevenant peut être examiné au moment du prononcé de l’astreinte, étant précisé que cet examen n’a pas lieu d’être lorsqu’il s’agit d’une construction illicite en zone de risque naturel. Par ailleurs, à la différence de l’astreinte civile, dont le montant provisoire n’est pas limité et sera liquidé ensuite par le juge, l’astreinte pénale en cas d’infraction d’urbanisme est fixée par le juge répressif dans la limite d’un taux journalier de 500 €, puis liquidée par l’Etat, pour le compte des communes. Ces différences expliquent que l’insuffisante proportionnalité du taux journalier ne puisse plus être invoquée lors du recouvrement de l’astreinte (Crim. 24 juin 2025, n° 24-83.658 FS-B, D. 2025. 1210 ).

 

Crim. 24 juin 2025, FS-B, n° 24-83.658

Crim. 24 juin 2025, FS-B, n° 24-83.638

par Camille Cortay, Rédactrice en droit de l’urbanisme, Département immobilier, Éditions Lefebvre Dalloz

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