Précisions en matière d’infractions relatives aux stupéfiants, de récidive et d’amende douanière

La Cour de cassation apporte certaines précisions sur la caractérisation des infractions de transport, de détention et d’acquisition de stupéfiants, ainsi que sur la récidive et l’individualisation du montant de l’amende douanière.

À la suite de la réception d’un renseignement portant sur un convoi composé de quatre véhicules susceptibles de transporter des stupéfiants, un dispositif de surveillance est mis en place le 17 octobre 2018. Une fois que ces quatre véhicules ont passé la frontière espagnole, lors d’un arrêt sur une aire d’autoroute, un contrôle est opéré sur deux des véhicules. Dans le premier véhicule, les agents des douanes découvrent de nombreuses plaquettes de résine de cannabis (650 kgs). Le conducteur du second véhicule est mis en examen des chefs de détention, acquisition, transport et offre ou cession de produits stupéfiants, d’importation en bande organisée de produits stupéfiants, d’importation, transport et détention de marchandises dangereuses pour la santé réputées importées en contrebande et d’association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et délits punis de dix ans d’emprisonnement, courant 2018 et jusqu’au 17 octobre 2018.

Alors qu’il avait présenté une demande d’acte au juge d’instruction, celle-ci est rejetée par ordonnance du 21 décembre 2018. Saisie de l’appel de cette demande, la chambre de l’instruction confirme la décision rendue le 10 décembre 2019. Le prévenu est renvoyé le 9 avril 2020 devant le tribunal correctionnel, lequel le déclare coupable, le 4 septembre de la même année, des chefs d’importation non autorisée de stupéfiants en récidive, acquisition, détention, transport, offre ou cession non autorisés de stupéfiants, en récidive, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’une délit puni de dix ans d’emprisonnement, en récidive, importation en contrebande de marchandise dangereuse pour la santé publique en récidive, détention et transport de marchandise dangereuse pour la santé publique sans document justificatif régulier. Il le condamne à six ans d’emprisonnement et, sur l’action douanière, au paiement solidaire avec les autres condamnés d’une amende de 1 301 880 €. Il relève appel de ce jugement.

La Cour d’appel de Paris le condamne, le 30 mars 2023, des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, transport et contrebande de marchandises prohibées, en récidive, à huit ans d’emprisonnement, une confiscation et des pénalités douanières.

En ce qui concerne les infractions relatives aux stupéfiants

Au soutien de son pourvoi, le prévenu critiquait la décision à deux égards concernant les infractions qui avaient été retenues contre lui.

D’abord, il soutenait qu’il n’avait pas lui-même détenu ou même transporté cette marchandise, le seul fait qu’il ait participé au convoi ne permettant pas de retenir l’infraction de transport et de détention de stupéfiants (§ 10 de la présente décision). Aussi, il soutenait que lors de ses précédentes interpellations à l’occasion de « convois », il était impossible d’affirmer que les véhicules portaient effectivement sur des stupéfiants, faisant ainsi obstacle à la qualification de participation à trois convois d’importation de stupéfiants.

En réponse, la Cour de cassation opère, comme à son habitude, une appréciation large des conditions d’application de ces infractions. Elle a déjà pu juger, par exemple, que la condamnation des chefs de transport, détention, offre ou cession, acquisition et emploi non autorisé de stupéfiants était justifiée à l’égard d’une personne dont le concubin était un chef de trafic, car le conditionnement de la drogue et les commandes s’effectuaient au domicile du couple (Crim. 14 janv. 1998, n° 96-86.071, Gaz. Pal. 1998. 1). Ici, il n’en va pas différemment. En effet, elle constate que l’infraction d’importation, transport et détention de stupéfiants, association de malfaiteurs, importation, détention et transport de marchandises prohibées était caractérisée car le prévenu, ayant agi avec d’autres personnes, utilisait des véhicules acquis par des prête-noms, équipés de fausses plaques d’immatriculation, et utilisant des lignes téléphoniques ouvertes au nom de tiers. De surcroît, la Cour retient que « le demandeur a participé aux nombreux actes nécessaires à la réalisation des convois », ce qui caractérise indéniablement ces infractions (Crim. 13 déc. 2000, n° 99-86.322, D. 2001. 832 ; Dr. pénal 2001. Comm. 60, obs. M. Véron ; RSC 2001. 376, obs. Y. Mayaud). Or, ce mode opératoire « marque une participation active et éclairée du demandeur, est incompatible avec ses explications, et [il] ne peut sérieusement soutenir qu’il ignorait la nature des produits qu’il transportait » (§ 15).

Ensuite, il critiquait l’arrêt en ce qu’il l’avait déclaré coupable d’acquisition de stupéfiants, sans se justifier sur cette infraction, et « se contentant de faire état d’une participation éclairée et active de ce dernier dans les convois d’importation » (§ 18, 1°). Or, pour la Cour, « tout jugement de condamnation doit constater, à la charge du prévenu, l’existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il le déclare coupable » (§ 19). Elle constatait en ce sens que cette motivation était insuffisante pour caractériser l’infraction d’acquisition de stupéfiants (§ 20).

En ce qui concerne la récidive et l’amende douanière

D’abord, le prévenu se plaignait que la récidive soit retenue contre lui. En effet, il estimait que la cour d’appel ne justifiait pas quelle condamnation antérieurement commise permettait à la cour de retenir contre lui la récidive, au sens de l’article 370 du code des douanes (§ 23).

Il est vrai que ce texte pose question. Il prévoit qu’a la qualité de récidiviste celui qui commet une nouvelle infraction dans les cinq ans « qui suivent une transaction ou une condamnation ». Or, un auteur soulevait justement le fait que « Le législateur ne tient aucun compte du fait que, les transactions n’étant pas inscrites au casier judiciaire, le tribunal n’a aucun moyen officiel de savoir ce qu’il en est » (v. not., Rép. pén., Douanes – Sanctions de l’infraction, par C. J. Berr, n° 277). L’article pourrait effectivement laisser croire que toute condamnation pourrait justifier la qualité de récidiviste. C’est d’ailleurs ce qu’avait cru la cour d’appel, car elle l’avait appliqué alors que les seules condamnations antérieures du prévenu avaient été prononcées en répression de faits d’escroquerie et de tentative d’escroquerie en bande organisée (§ 24). La Cour de cassation cassait alors la décision sur ce point, en rappelant utilement que les condamnations antérieurement prononcées permettant de caractériser la récidive doivent être expressément visées par le texte (§ 25). Or, en l’espèce, tel n’était pas le cas s’agissant des infractions douanières d’importation, de détention et de transport de marchandises prohibées. La récidive n’était donc caractérisée qu’à l’égard des infractions de droit commun d’importation, transport et détention de stupéfiants, et d’association de malfaiteurs.

Ensuite, il critiquait l’arrêt d’appel en ce qu’il avait omis d’individualiser le montant de l’amende douanière prononcée à son encontre, sans prendre en compte les éléments de personnalité requis par les articles 365 et 369 du code des douanes, et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale (§ 27). En effet, pour décider du montant de l’amende, la Cour avait seulement déclaré que « ce montant correspond à la valeur des produits stupéfiants d’après les données de l’office central des stupéfiants » (§ 30).

La Cour avait déjà eu à se prononcer sur ce point dans des situations similaires, pour conclure que le montant de l’amende douanière devait être ordonné en tenant compte de l’ampleur et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur (Crim. 5 janv. 2023, n° 21-87.258, D. 2023. 421, chron. L. Ascensi, M. Fouquet, P. Mallard, L. Guerrini, B. Joly et O. Violeau ; AJ pénal 2023. 104 et les obs. ; RTD com. 2023. 253, obs. B. Bouloc ; comp., Crim. 19 avr. 2023, n° 21-86.213, RTD com. 2023. 774, obs. B. Bouloc ), mais pas de sa situation personnelle (Crim. 7 févr. 2024, n° 22-83.659, Dalloz actualité, 28 févr. 2024, obs. M. Dominati ; D. 2024. 262 ; AJ pénal 2024. 167 et les obs. ). Cette décision ne déroge pas à la règle : la Cour de cassation casse la décision sur ce point, car la cour d’appel s’était estimée « tenue de prononcer l’amende minimale encourue et sans s’expliquer sur l’ampleur et la gravité de l’infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu’elle devait prendre en considération pour fonder sa décision » (§ 31).

 

Crim. 29 mai 2024, F-B, n° 23-82.170

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