Précisions multiples à l’occasion d’une condamnation pour accueil habituel à domicile et à titre onéreux de personnes âgées sans agrément
La Cour de cassation s’intéresse aux éléments constitutifs de l’infraction d’accueil habituel à domicile et à titre onéreux de personnes âgées sans agrément et malgré mise en demeure, visée à l’article L. 443-9 du code de l’action sociale et des familles. Elle s’interroge ensuite sur l’applicabilité de l’article 425 du code de procédure pénale en cause d’appel. Enfin, les juges donnent des précisions sur la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une profession.
 
                            Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation donne des précisions de droit pénal spécial relatives à la caractérisation de l’infraction d’accueil habituel à domicile et à titre onéreux de personnes âgées sans agrément et malgré mise en demeure. L’apport de cet arrêt ne se limite néanmoins pas à ce point. En effet, les juges de la Haute juridiction se positionnent sur la question de l’application de l’article 425 du code de procédure pénale en cause d’appel et du prononcé de la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une profession. Afin d’appréhender la portée multiple de cette décision, il est intéressant de s’intéresser point par point à ses apports.
La caractérisation de l’infraction d’accueil habituel à domicile et à titre onéreux de personnes âgées sans agrément et malgré mise en demeure
L’arrêt commenté donne en premier lieu des précisions sur la caractérisation de l’infraction d’accueil habituel à domicile et à titre onéreux de personnes âgées sans agrément et malgré mise en demeure, laquelle est régie par l’article L. 443-9 du code de l’action sociale et des familles.
Au soutien de son pourvoi, la demanderesse affirmait que l’infraction n’est caractérisée que lorsque l’ensemble des soins infirmiers et médicaux répondant aux besoins de la personne hébergée sont directement fournis et facturés par l’accueillant. Elle contestait ainsi le positionnement des juges d’appel ayant retenu que les services étaient facturés au titre d’un forfait global incluant des prestations sans caractériser que l’ensemble des soins répondant aux besoins de la personne hébergée étaient réalisés par l’accueillant lui-même et non par des tierces personnes.
La Haute juridiction a néanmoins retenu que l’article L. 443-9 précité n’exige pas, pour que l’infraction soit caractérisée, que les soins infirmiers et médicaux prodigués, le cas échéant, à la personne hébergée soient fournis et facturés par l’accueillant.
Il est intéressant de relever qu’à notre connaissance, les décisions de justice relatives à l’application de cette disposition du code de l’action sociale et des familles sont très peu nombreuses. On peut tout de même mentionner que par un arrêt du 25 février 2025 (Crim. 25 févr. 2025, n° 24-85.132), la chambre criminelle avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité, soulevée par la même demanderesse, relative à la clarté et à la précision de l’incrimination portée par l’article L. 443-9.
L’inapplication de l’article 425 du code de procédure pénale en cause d’appel
Le code de procédure pénale dispose, en son article 425, alinéa 1er, que « La partie civile régulièrement citée qui ne comparaît pas ou n’est pas représentée à l’audience est considérée comme se désistant de sa constitution de partie civile ».
La demanderesse au pourvoi relevait qu’en cause d’appel, la partie civile n’était pas représentée et n’avait pas formulé de demande de dommages et intérêts. Elle contestait en conséquence la décision des juges du second degré ayant confirmé le jugement en ce qu’il a alloué des dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
La Haute juridiction retient toutefois que les dispositions de l’article 425 du code de procédure pénale sont inconciliables avec les effets de l’appel qui a saisi les juges du second degré. Les juges de cassation affirment que cette disposition doit être considérée comme sans application en cause d’appel, nonobstant les termes de l’article 512 dudit code. La partie civile demeure partie au procès quand bien même elle n’est pas représentée et ne formule pas de demande en appel.
Par ce positionnement, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure (v. not., Crim. 24 juill. 1967, n° 67-90.061 ; 27 avr. 1968, n° 67-91.540, D. 1968. Somm. 100 ; et plus réc., Crim. 23 sept. 2003, n° 03-81.056, JCP 2003. IV. 2917 ; 20 oct. 2010, n° 10-81.118, Dalloz actualité, 6 déc. 2010, obs. M. Bombled ; D. 2010. 2842  ; Procédures 2011, n° 28, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; 25 juin 2014, n° 12-88.329, Dalloz actualité, 30 juill. 2014, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2014. 1499
 ; Procédures 2011, n° 28, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; 25 juin 2014, n° 12-88.329, Dalloz actualité, 30 juill. 2014, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2014. 1499  ).
).
Les juges ont eu l’occasion de préciser qu’il en est autrement en cas d’évocation après annulation d’un jugement ayant mis fin à la procédure sans statuer au fond (Douai, 31 mai 1995, Gaz. Pal. 1995. 2. Chron. 569).
La peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une profession
La demanderesse au pourvoi critiquait en outre la peine complémentaire d’interdiction définitive d’exercer une profession en rapport avec les personnes âgées et l’interdiction définitive d’exercer la profession d’infirmière en application des dispositions de l’article L. 8224-3 du code du travail, au motif que les juges n’ont pas recherché si cette peine était strictement nécessaire au regard du droit à exercer la profession de son choix.
La Haute juridiction rappelle que cette peine complémentaire est prononcée en considération de la gravité des faits et des éléments connus relatifs à la personnalité et à la situation personnelle de l’auteur. Les juges de cassation retiennent ensuite qu’il se déduit de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme que le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale portée par la peine d’interdiction d’exercer une profession qu’il prononce lorsqu’une telle garantie est invoquée, ou procéder à cet examen d’office lorsque cette peine n’a été ni prononcée en première instance ni requise par le ministère public.
Or, dans le cas d’espèce, le contenu des notes d’audience devant la juridiction du second degré révèle que si l’interdiction d’exercer une quelconque profession en relation avec des personnes âgées a été requise, l’interdiction définitive d’exercer la profession d’infirmière n’a été ni prononcée en première instance ni requise par le ministère public. Cela implique que le juge est tenu de rechercher si l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée de la prévenue par cette dernière peine était proportionnée. En l’absence desdites recherches, la cassation est encourue sur ce point.
Cet arrêt témoigne de l’importance des notes d’audience. La décision commentée est novatrice sur ce point en ce qu’à notre connaissance, les juges de la Haute juridiction n’avaient pas eu l’occasion de statuer sur les modalités d’application de la peine complémentaire d’interdiction d’une profession.
Le positionnement de la Cour de cassation est à saluer dans la mesure où il assure une protection spécifique à l’auteur des faits dans un domaine où les conséquences de la peine complémentaire peuvent être importantes.
Crim. 30 sept. 2025, F-B, n° 24-85.132
par Fanny Charlent, Docteur en Droit, Avocat inscrit au Barreau des Alpes de Haute-Provence
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