Précisions par décret de la procédure applicable à l’ordonnance provisoire de protection immédiate
Le décret pris en application de l’article 1er de la loi n° 2024-536 du 13 juin 2024, qui a renforcé l’ordonnance de protection et créé l’ordonnance provisoire de protection immédiate, vient préciser la procédure relative à cette dernière. Quelques articles sont également relatifs à l’ordonnance de protection, à titre plus accessoire. Ce décret a fait l’objet d’une circulaire par le ministère de la Justice à destination des magistrats et greffes, dont les détails pratiques sont importants.
 
                            La loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 (Dalloz actualité, 24 juin 2024, obs. M. Musson) a renforcé l’ordonnance de protection et créé l’ordonnance provisoire de protection immédiate (ci-après, OPPI). Cette dernière peut être délivrée par un juge aux affaires familiales (ci-après, JAF), en cas de danger grave et immédiat pour la victime potentielle, dans un délai de vingt-quatre heures, à l’initiative du ministère public lorsqu’un JAF a déjà été ou est, de manière concomitante, saisi d’une demande d’ordonnance de protection. L’objectif est en effet d’assurer la protection de la victime potentielle le temps que cette ordonnance « classique » soit rendue. Le décret n° 2025-47 du 15 janvier 2025 relatif à l’ordonnance de protection et à l’ordonnance provisoire de protection immédiate précise la procédure entourant la délivrance de cette dernière.
Les modifications effectuées dans le code de procédure civile relativement à l’ordonnance de protection ne sont pas substantielles ; en témoigne la circulaire CIV/01/2025 du 16 janvier 2025 du ministère de la Justice à destination des magistrats et directeurs de greffe qui n’en dit mot. À tout le moins peut-on souligner quelques éléments.
Doit être saluée – pour davantage de lisibilité et de clarté – la création d’une sous-division au sein de la section II ter, du chapitre V du titre Ier du livre III, afin de distinguer les dispositions applicables à l’ordonnance de protection et à l’OPPI ou uniquement à l’une d’entre elles. La durée maximale des mesures de protection pouvant être ordonnées par le juge a été allongée, de six à douze mois : il en est de même à défaut de toute précision au sein de l’ordonnance (C. pr. civ., art. 1136-7, al. 2). La sanction répressive pour non-respect des obligations ou interdictions imposées par le juge dans sa décision – qu’il s’agisse d’une ordonnance de protection ou d’une OPPI – est renforcée : la personne risque trois ans d’emprisonnement (anciennement : 2 ans) et 45 000 € d’amende (anciennement : 15 000 €). Les dispositions de l’article 227-4-3 du code pénal en ce sens, ainsi que celles des articles 1136-13 et 1136-14 du code de procédure civile doivent d’ailleurs être reproduites dans le dispositif de l’ordonnance. Le rehaussement du quantum de la peine encourue s’explique notamment pour permettre une géolocalisation de l’auteur, puisque l’article 230-32 du code de procédure pénale la conditionne à l’existence d’une enquête ou d’une instruction portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement (Proposition de loi visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate).
Enfin, l’ordonnance doit informer « la personne en danger de la faculté d’obtenir la reconnaissance transfrontière de la décision en application du règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile » (C. pr. civ., art. 1136-7, al. 3). Au regard de l’augmentation du nombre de situations comportant un élément d’extranéité et de la circulation des individus – facilitée par l’espace Schengen et les libertés conférées par le droit de l’Union européenne –, une telle information est la bienvenue pour s’assurer que les autres États membres de l’Union dans lesquels s’installerait par exemple la personne en danger ou celle contre laquelle l’ordonnance a été rendue soient en mesure de faire appliquer celle-ci.
La saisine du juge
Auteur de la saisine
Concernant la procédure relative à l’OPPI, la victime potentielle ne peut elle-même saisir le juge pour obtenir une telle ordonnance. Cette impossibilité avait pu être regrettée (Rapport de la commission mixte paritaire, E. Chandler et D. Vérien, 21 mai 2024, p. 4), en particulier à l’aune de la faible part de saisines émanant du ministère public dans le cadre des ordonnances de protection : seulement 2 %. En commission, le Sénat avait ouvert cette saisine à toute personne ayant demandé l’octroi d’une ordonnance de protection, sous condition d’un avis conforme préalable du procureur de la République devant être rendu dans un délai de vingt-quatre heures (Rapport du Sénat, D. Vérien, 30 avr. 2024). Il avait en effet considéré que cette restriction constituait un « verrou » et rendait « inopérant » le dispositif de l’OPPI, d’autant plus que le procureur n’est pas contraint d’agir dans un délai particulier pour saisir le juge (ibid.). Néanmoins, cet apport n’a pas été retenu dans le cadre du texte de compromis présenté à la commission mixte paritaire. Aussi cette initiative revient-elle exclusivement au ministère public. Pour éviter le risque d’inefficacité souligné par les sénateurs, le ministère de la Justice indique que le procureur doit agir le plus rapidement possible, après information ou formulation de la requête en ordonnance de protection (Circ. CIV/01/2025, 16 janv. 2025, p. 4).
Accord de la personne en danger
Le juge ne peut être saisi par le ministère public qu’avec l’accord de la personne en danger, qu’il doit recueillir par tout moyen : sont cités, sans exhaustivité par le ministère de la Justice, un procès-verbal d’audition et un procès-verbal d’attache téléphonique (Circ. préc., p. 4). Pour davantage de facilité probatoire, le CERFA de demande en ordonnance de protection a été modifié : désormais, un encadré permet au requérant de donner par avance son consentement à une requête en OPPI (ibid.).
Nécessité d’une requête en ordonnance de protection
L’OPPI ne constitue qu’une « étape préalable à l’ordonnance de protection » (Rapport de l’Assemblée nationale, par É. Chandler, n° 2078) : elle ne saurait donc être requise à titre autonome, mais uniquement si une requête d’ordonnance de protection a également été déposée « afin d’éviter toute instrumentalisation de la procédure » (ibid.). Pour autant, dans le cadre de la procédure sur l’ordonnance de protection, le JAF n’est pas lié par la décision prise dans le cadre de la procédure sur l’OPPI.
Forme de la saisine
Le nouvel article 1136-15-1 du cde de procédure civile prévoit que le juge est saisi par requête motivée accompagnée des pièces justificatives nécessaires. Si le ministère public est également à l’initiative de la demande d’ordonnance de protection, les deux requêtes doivent être distinctes : celle relative à l’OPPI doit nécessairement être concomitante ou postérieure à celle relative à l’ordonnance de protection. Comme l’explique la circulaire précitée, une telle exigence tient au régime procédural distinct auquel obéisse chacune des procédures : l’ordonnance est soumise à un débat contradictoire préalable, contrairement à l’OPPI (Circ., préc., p. 3, note 1). En outre, l’existence d’une requête unique permettrait au défendeur d’avoir connaissance de la procédure d’OPPI, puisque lui est notifiée l’ordonnance fixant la date d’audience accompagnée d’une copie de la requête ; or, « une telle information serait de nature à accroître les tensions et donc le risque de passage à l’acte vis-à-vis de la personne en danger » (ibid.). Si le ministère public n’est pas à l’origine de la saisine en ordonnance de protection, communication lui est faite d’une copie de la requête et des pièces afin qu’il ait toutes les informations lui permettant d’apprécier l’opportunité de demander une OPPI (C. pr. civ., art. 1136-3). Le ministère de la Justice recommande que cette communication soit faite par le greffe lorsqu’il informe le parquet de la date d’audience de l’ordonnance de protection (Circ., préc., p. 4).
La décision du juge
Délai
Le nouvel article 1136-15-2 du code de procédure civile rappelle le délai de vingt-quatre heures de l’article 515-13-1 du code civil dans lequel le juge doit statuer sur la demande d’OPPI à compter de sa saisine. Toutefois, aucune sanction procédurale n’est prévue en cas de non-respect de ce délai (Circ., préc., p. 6).
Audience
La procédure n’est pas contradictoire et aucune audition n’est prévue, afin que le délai puisse être respecté et au regard de l’urgence de la situation. Le JAF statuant sur la demande d’OPPI peut également, par la suite, statuer sur la demande d’ordonnance de protection, même si le ministère de la Justice invite les juridictions à veiller à son impartialité (Circ., préc., p. 6).
Contenu de la décision
Le dispositif de la décision doit reproduire le premier alinéa de l’article 227-4-2 du code pénal (v. supra) et rappeler la date à laquelle se tiendra l’audience relative à l’ordonnance de protection.
Notification de la décision
Si le JAF refuse de faire droit à la demande du ministère public, sa décision est notifiée à celui-ci ainsi qu’à la personne en danger. Si le JAF fait droit à la demande, elle est également notifiée à la personne à laquelle est opposée (C. pr. civ., art. 1136-15-2, II). La circulaire émise par le ministère de la Justice apporte des précisions quant aux modalités de la notification, avec d’importantes différences selon son destinataire et la réponse apportée par le juge à la demande.
La décision faisant droit à la demande d’OPPI est notifiée par tout moyen au procureur de la République et notifiée par voie administrative à la personne en danger et à la personne à laquelle l’ordonnance est opposée. Sont chargées de cette information les forces de sécurité intérieure, « ce moment représentant un risque accru de passage à l’acte violent et exposant la sécurité de la personne en danger » (Circ., préc., p. 7).
La décision rejetant la demande d’OPPI est notifiée par tout moyen au procureur de la République et à la personne en danger : cette dernière ne bénéficie pas obligatoirement d’une notification par voie administrative plus protectrice, « le juge ayant considéré que la situation de danger est moins prégnante et sa décision étant insusceptible de recours » (Circ., préc., p. 7). La personne à laquelle l’ordonnance est opposée n’en est pas informée, conformément à l’absence de contradictoire dans la procédure et afin d’éviter d’accroître les risques de violence à l’égard de la personne en danger : le demandeur n’a en effet pas été informé de la requête en OPPI (Circ., préc., p. 7).
Effets de la décision. L’OPPI prend effet à la date de la notification à la personne à laquelle est opposée (C. pr. civ., art. 1136-15-3), jusqu’à la notification de la décision du JAF statuant sur la demande de rétractation de l’OPPI formulée par cette personne (Circ. préc., p. 2-3) ou accueillant tout incident mettant fin à l’instance (par ex.,fin de non-recevoir, exception de procédure), ou jusqu’à la décision du JAF statuant sur la demande en ordonnance de protection.
Le recours contre la décision du juge
Exercice du recours
Cette décision est susceptible de recours uniquement dans l’hypothèse dans laquelle une OPPI est délivrée (C. pr. civ., art. 1136-15-2, I), par le biais d’un référé-rétractation de droit commun (Circ., préc., p. 5). Le législateur n’a, sur ce point, pas suivi l’avis du ministère de la Justice selon lequel un tel recours contre l’OPPI n’était pas « indispensable (…) compte tenu de sa durée d’effet relativement courte [et de son caractère] accessoire » (Rapport du Sénat, préc.). Cette voie de recours ne peut être exercée que par la personne contre laquelle elle est opposée, c’est-à-dire le conjoint (ou ex-conjoint), partenaire (ou ex-partenaire) ou concubin (ou ex-concubin), par assignation, valant convocation, dénoncée à la personne en danger (C. pr. civ.,, art. 1136-15-4). Aucun délai n’est prévu. Le défendeur peut demander la rétractation ou la modification de la décision. Les effets de l’ordonnance ne sont pas suspendus pendant la procédure.
Décision de recours
Aucun délai n’est imposé au juge pour rendre sa décision, qui peut examiner la demande avant ou concomitamment à l’examen de la demande d’ordonnance de protection selon ce qui lui paraît le plus opportun (Circ., préc., p. 5). La nouvelle décision, prise à l’issue de l’audience au cours de laquelle doivent être entendus la personne à laquelle l’ordonnance est opposée, la personne en danger et le ministère public, leur est notifiée (ibid.).
Décr. n° 2025-47, 15 janv. 2025, JO 16 janv.
Circ. CIV/01/2025, 16 janv. 2025
© Lefebvre Dalloz