Précisions sur la désignation des membres de la Commission santé, sécurité et conditions de travail

Dans les entreprises ou établissements où est institué, en application de l’article L. 2314-11 du code du travail, un troisième collège électoral, un siège au moins à la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) doit être attribué à un élu au Comité social et économique (CSE) représentant le troisième collège.

Le tribunal judiciaire statue en dernier ressort lorsqu’il juge d’une contestation des désignations des membres de la CSSCT, sa décision étant susceptible de pourvoi dans un délai de dix jours.

La désignation des membres de la CSSCT à la suite des élections des membres du CSE peut, elle aussi, se voir contester devant le juge judiciaire.

Dans les deux espèces avaient été organisées les élections professionnelles en vue du renouvellement des mandats des élus aux CSE d’établissements d’une unité économique et sociale du groupe Total énergies dans un cas (n° 23-20.714), et d’établissement du groupe Enedis dans l’autre (n° 24-12.295). Dans chacun des cas les élections avaient été établies sur la base de trois collèges électoraux. Au regard du nombre d’ingénieurs et de cadres – supérieur à vingt-cinq – un troisième collège représentant les cadres était institué (n° 23-20.714).

Les membres élus titulaires d’un des CSE ont désigné en leur sein des membres de la CSSCT qui appartiennent tous au collège des techniciens et agents de maîtrise.

Les entreprises ont alors saisi le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de ces désignations.

Les juges du fond déboutèrent les sociétés de leur contestation de la désignation, un appel fut interjeté et la décision d’appel confirma la position du tribunal judiciaire. Un pourvoi en cassation fut alors formé.

La chambre sociale de la Cour de cassation va, sur la base d’un moyen relevé d’office et au visa des articles 125 du code de procédure civile, L. 2315-38, L. 2315-39, R. 2314-24 et R. 2314-25 du code du travail et R. 211-3-15, 1°, du code de l’organisation judiciaire, casser ces décisions du fond.

La contestation de la désignation des membres de la CSSCT insusceptible d’appel

L’article L. 2315-39 du code du travail prévoit en effet que les membres de la CSSCT, à qui est confié par délégation du CSE tout ou partie des attributions de ce dernier relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, sont désignés par le CSE parmi ses membres pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité, ces dispositions étant d’ordre public.

Les articles R. 2314-24 et R. 2314-25 du code du travail prévoient quant à eux la compétence du tribunal judiciaire, saisi par voie de requête pour les contestations portant sur l’électorat et la régularité des opérations électorales ainsi que sur la désignation de représentants syndicaux et précisent que sa décision est susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de dix jours.

La partie réglementaire du code du travail précitée est elle-même complétée par l’article R. 211-3-15, 1°, du code de l’organisation judiciaire, qui précise que le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l’élection des membres de la délégation du personnel aux CSE.

L’éminente juridiction va dans la première espèce (n° 23-20.714), par une interprétation combinée des différents textes procéduraux, poser le principe selon lequel le tribunal judiciaire, saisi d’une contestation des désignations des membres de la CSSCT, qui sont désignés par le CSE parmi ses membres pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus, statue par décision en dernier ressort susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de dix jours.

La solution ne surprend pas en ce qu’elle fait application littérale des articles tant du code du travail que du code de l’organisation judiciaire. La cour d’appel, faute de pouvoir être saisie, ne pouvait donc pas se prononcer en l’espèce (n° 23-20.714).

La nécessaire représentation du troisième collège à la CSSCT

La seconde espèce laissait poindre un problème juridique relatif à la représentation du troisième collège au sein de la CSSCT (n° 24-12.295). En dépit de l’existence de celui-ci, aucun membre du CSE lui appartenant n’avait en effet été désigné pour faire partie de ladite commission.

Le tribunal judiciaire saisi de la désignation rejeta la demande en annulation des désignations litigieuses, retenant que le législateur n’avait pas indiqué dans une formule claire et limpide qu’un siège est réservé dans la CSSCT au troisième collège lorsque ce collège existait.

Erreur de raisonnement selon la chambre sociale, qui va ici encore prononcer la cassation au visa des articles L. 2314-11, L. 2315-38 et L. 2315-39 du code du travail.

L’article L. 2315-39 du code du travail prévoit en effet que la commission comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévu à l’article L. 2314-11, désignés par le CSE.

Dans le même temps le code prévoit la nécessité d’un troisième collège dès lors que le nombre de cadres et assimilés est au moins égal à vingt-cinq.

Faisant une interprétation combinée de ces dispositions, dont la chambre sociale rappelle leur caractère d’ordre public, l’éminente juridiction va en déduire que dans les entreprises ou établissements où est institué, en application de l’article L. 2314-11 du code du travail, un troisième collège électoral, un siège au moins à la CSSCT doit être attribué à un élu au CSE représentant le troisième collège.

Cette solution vient lever une incertitude qui pouvait peser à la lecture des articles, en particulier liée à l’ambiguïté de la formule de l’article L. 2315-39 « ou le cas échéant du troisième collège » l’opérateur booléen « ou » laissant entendre que la présence d’un membre du deuxième collège pourrait suffire à satisfaire à l’obligation.

Le principe est désormais clair pour le CSE qui entend désigner les membres de la CSSCT. S’il est clair que la désignation doit résulter d’un vote des membres du CSE à la majorité des voix des membres présents lors du vote, sans qu’il soit besoin d’une résolution préalable fixant les modalités de l’élection (Soc. 27 nov. 2019, n° 19-14.224 P, Dalloz actualité, 23 janv. 2020, obs. H. Ciray ; D. 2019. 2357 ; RDT 2020. 344, chron. M. Véricel ; RJS 2/2020, n° 97), il convient désormais d’ajouter qu’il est nécessaire que figure parmi les membres de la commission un représentant du troisième collège, dès lors que celui-ci est rendu obligatoire par l’effet de l’article L. 2314-11 du code du travail. À défaut, le CSE s’exposera à l’annulation de la désignation ne satisfaisant pas à cet impératif.

 

par Loïc Malfettes, Docteur en droit, Responsable RH et juridique

Soc. 26 févr. 2025, F-B, n° 23-20.714

Soc. 26 févr. 2025, F-B, n° 24-12.295

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