Précisions sur la requalification d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi

Un contrat d’accompagnement dans l’emploi peut, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être contracté pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente des collectivités, organismes, personnes morales et sociétés concernés. Lorsqu’en sus de la mention « contrat d’accompagnement dans l’emploi », un contrat de travail contient un des motifs de recours au contrat à durée déterminée visés à l’article L. 1242-2 du code du travail, il y a lieu de retenir comme seul motif de recours celui relatif au contrat aidé.

Les contrats à durée déterminée conclus dans le cadre de l’article L. 1242-3 du code du travail répondent à un régime spécifique dont les frontières avec le régime de droit commun du CDD sont parfois difficiles à discerner. Tel est le cas du contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE). Les conditions de licéités de ces CDD ne sont pas à négliger par l’employeur, en ce que leur irrespect peut conduire à de lourdes conséquences financières, au premier chef desquelles celles inhérentes à la requalification en CDI. Mais un tel contrat doit-il, en sus des règles qui lui sont propres, se conformer aussi aux règles de droit commun pour éviter la requalification. La jurisprudence pouvait incliner à le penser, ayant jugé à propos du contrat emploi-solidarité que sa rupture était soumise au régime de la rupture des CDD (Soc. 20 mai 1997, n° 95-42.057, Dr. soc. 1997. 739, obs. C. Roy-Loustaunau ). Une question essentielle s’incarne en particulier dans le fait de savoir si ces contrats sont ou non soumis à l’obligation de justifier d’un motif de recours classique (C. trav., art. L. 1242-2) en sus de la mention de leur régime particulier. Subséquemment émerge la question de savoir si, en présence d’un contrat spécial visé à l’article L. 1242-3 du code du travail, la mention d’un autre motif prévus par l’article L. 1242-2 dudit code est de nature à entacher la licéité du contrat et à conduire à sa requalification. Tels étaient en particulier les enjeux posés à l’occasion de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 mars 2024, à propos du CAE.

En l’espèce, un chauffeur, affecté au ramassage scolaire, avait été recruté par une association suivant CAE à temps partiel soumis à la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

L’intéressé a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, son repositionnement conventionnel et diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, avant que son employeur ne soit placé en redressement, puis en liquidation judiciaire.

Les juges du fond le déboutèrent toutefois de sa demande en requalification de son contrat de travail en CDI, estimant que la seule mention d’un « accroissement temporaire d’activité suite à une nouvelle activité » n’est pas de nature à remettre en cause la qualification de CDD, puisqu’il était ici constant que celui-ci a été conclu dans le cadre de la politique de l’emploi alors en vigueur et qu’il s’inscrivait dans le cadre des dispositions spécifiques de l’article L. 1242-3, 1°, du code du travail.

Le salarié forma alors un pourvoi en cassation, que la chambre sociale de la Cour de cassation va rejeter en validant le raisonnement des juges du fond.

La particularité du CDD d’accompagnement dans l’emploi affirmée

L’éminente juridiction va en effet affirmer qu’un CAE peut, par exception au régime de droit commun des CDD, être contracté pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente des collectivités, organismes, personnes morales et sociétés concernés.

Mais quelle place accorder à la mention indiquée au contrat ? Sur ce dernier point, les hauts magistrats vont considérer que la seule mention « contrat d’accompagnement dans l’emploi », qui fait référence aux dispositions de l’article L. 1242-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020, suffit à satisfaire à l’exigence de définition du motif du CDD prévue à l’article L. 1242-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Ce faisant, la chambre sociale marque avec force la particularité du CAE par rapport aux CDD « de droit commun » reposant sur l’article L. 1242-2 du code du travail, du moins quant à leur motif de recours. Bien qu’il s’agisse de créer une entaille dans le principe selon lequel un CDD ne doit pas conduire à pourvoir à l’activité normale et permanente d’une structure, la volonté du législateur permet ici d’aller au-delà. Le fait que l’article L. 1242-3 soit logé dans la partie du code relative aux motifs de recours de CDD, à la suite de ceux listés à l’article L. 1242-2 et de façon indépendante de ceux-ci permet d’offrir à la solution posée par la Cour de cassation une assise textuelle solide.

L’indifférence quant à la mention d’un autre motif de recours

Peut dès lors en être inféré le principe selon lequel lorsqu’en sus de la mention « contrat d’accompagnement dans l’emploi », un contrat de travail contient un des motifs de recours au CDD visés à l’article L. 1242-2 du code du travail, il y a lieu de retenir comme seul motif de recours celui relatif au contrat aidé.

Or en l’espèce, le CDD dont il était question était précisément intitulé « contrat de travail à durée déterminée CAE à temps partiel avec terme précis », et évoquait dans le corps du contrat un « accroissement temporaire d’activité suite à une nouvelle activité ».

Cette dernière mention doit être considérée comme n’étant pas de nature à remettre en cause la qualification de contrat de travail à durée déterminée, dès lors qu’il était constant que celui-ci avait été conclu au titre de la politique de l’emploi alors en vigueur et qu’il s’inscrivait dès lors dans le cadre des dispositions spécifiques de l’article L. 1242-3, 1°, du code du travail.

La solution ancre ainsi sans ambages le principe d’une autonomie consubstantielle aux CDD d’accompagnement dans l’emploi s’agissant du motif de recours. En d’autres termes, ceux-ci n’ont pas à justifier d’un autre motif de droit commun pour asseoir leur licéité sur la question du motif de recours, et la mention d’un autre motif n’est pas de nature à contaminer la licéité du contrat conclu dans le cadre de tels dispositifs.

La solution, rendue à propos du CAE, devrait pouvoir être étendue aux autres contrats visés à l’article L. 1242-3, bien que la chambre sociale ne l’évoque pas expressément.

Précisions sur la suffisance de la preuve des actions de formation inhérentes au CAE

Était également contestée par le salarié la suffisance de la preuve rapportée par l’employeur quant à son obligation d’accompagnement professionnel, inhérente au contrat particulier mobilisé. Selon l’intéressé en effet, l’employeur se devait de justifier de la régularité du CAE, en particulier au travers de l’effectivité des mesures d’accompagnement professionnel, lorsque celle-ci est contestée par le salarié, celui-ci arguant du fait qu’il n’avait pas bénéficié d’actions d’accompagnement professionnel et de formation et que son tuteur officiel n’avait pas joué de rôle d’accompagnement réel, faisant du recours au CUI-CAE une pure fiction.

La cour d’appel avait ici considéré qu’aucun élément n’établissait que le tutorat contractuellement prévu et assuré conformément aux dispositions légales parmi les salariés qualifiés de l’entreprise ait été « purement fictif ».

La chambre sociale va sur ce point également valider le raisonnement des juges du fond en considérant qu’il n’y avait pas lieu à requalification en CDI dans la mesure où le contrat de travail mentionnait le recours à un tuteur et qu’étaient produites les attestations des formations dispensées durant l’embauche.

Cette solution permet d’éclaircir le degré d’exigence attendu en termes de preuve fournie par l’employeur s’agissant des actions de formation conditionnant la licéité du CUI-CAE. Ainsi doit-on considérer qu’il peut désormais suffire à l’employeur, dès lors que le salarié ne produit pas davantage qu’une allégation de fictivité des actions de formation, de fournir des attestations de formation ainsi que la mention dans le contrat d’un accompagnement avec un tuteur désigné pour remplir les obligations de preuve qui lui incombe pour s’affranchir du risque de requalification pour absence d’actions de formation.

 

Soc. 13 mars 2024, FS-B, n° 22-20.031

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