Précisions sur les conditions de délai dans le régime fiscal des marchands de biens
Pour les reventes d’immeubles consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu en faveur de l’occupant, s’il entend bénéficier du régime de faveur des marchands de biens prévu à l’alinéa 1er de l’article 1115 du code général des impôts, l’acquéreur doit revendre les lots concernés dans le délai légal de deux ans, lequel, courant à compter de la date de l’acquisition de l’immeuble, est applicable dès lors que les lots concernés sont occupés par un locataire ou un occupant de bonne foi à la date d’expiration de ce délai.
Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt de rejet du 9 octobre 2024, il est question d’une société, dénommée Nabu capital, ayant acquis, le 31 décembre 2010, trois biens immobiliers en se plaçant sous le régime de faveur des marchands de biens prévu à l’article 1115 du code général des impôts. Cet article prévoit que les marchands de biens soumis à la TVA peuvent bénéficier d’une exonération d’une partie des droits de mutation s’ils prennent, dans l’acte d’acquisition d’immeubles, de fonds de commerce, ou encore d’actions ou de parts de sociétés immobilières, l’engagement de revendre leurs biens dans un certain délai, actuellement fixé à cinq ans. Par exception, ce délai est ramené à deux ans pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption institué en faveur de l’occupant du logement acquis (qu’il s’agisse de celui prévu à l’art. 10 de la loi n° 75-1351 du 31 déc. 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation ou de celui prévu à l’art. 15 de la loi n° 89-462 du 6 juill. 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs).
Or, le marchand de biens n’ayant pas revendu la totalité des lots constituant les biens immobiliers au 31 décembre 2012, soit dans le délai de deux ans, l’administration fiscale a invoqué la déchéance du régime de faveur. En effet, la déchéance est encourue du seul fait que les biens acquis n’ont pas été revendus dans le délai de cinq ans (ou de 2 ans, le cas échéant ; BOI-ENR-DMTOI-10-50, 29 avr. 2014, n° 70). Elle a donc notifié à la société une proposition de rectification puis un avis de mise en recouvrement (AMR) ne visant que deux des immeubles acquis en 2010. Après rejet de sa contestation, la société a alors assigné l’administration fiscale aux fins d’annulation de cette décision et de dégrèvement des droits mis en recouvrement. Sa demande est rejetée à tous les stades de la procédure, en dernier lieu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui rejette son pourvoi. Dans ce pourvoi, la société reproche à la Cour d’appel de Paris d’avoir jugé que lorsque le délai de détention est ramené à deux ans, l’appréciation de la condition d’occupation s’apprécie à l’issue du délai de deux ans et non au moment de la revente effective du lot.
Pour la Cour de cassation, « pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ou celui prévu à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, afin de bénéficier du régime de faveur prévu à l’alinéa 1er de l’article 1115 du CGI, l’acquéreur doit revendre les lots concernés dans le délai légal de deux ans, lequel, courant à compter de la date de l’acquisition de l’immeuble, est applicable dès lors que les lots concernés sont occupés par un locataire ou un occupant de bonne foi à la date d’expiration de ce délai » (pt 9).
Or, en l’occurrence, à la date d’expiration du délai de deux ans suivant l’acquisition du bien immobilier, les lots concernés, qui étaient susceptibles de faire l’objet d’une préemption par leurs occupants, n’avaient pas été revendus. La cour d’appel en a ainsi déduit à bon droit que l’engagement pris le 31 décembre 2010 de revendre dans un délai de deux ans les lots concernés n’avait pas été respecté et que, par suite, la société ne pouvait pas bénéficier du régime de faveur prévu par l’article 1115 du code général des impôts. La solution n’est pas nouvelle (v. déjà, not., Com. 14 févr. 2024, n° 22-17.541).
Com. 9 oct. 2024, F-B, n° 22-20.175
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