Précisions sur les conditions de dénonciation d’un accord collectif à durée déterminée

Un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu’il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l’accord produisant ses effets au terme de celui-ci, sous la condition de respecter le délai de préavis fixé par l’accord avant l’expiration du terme.

Dans ce contexte, les délais se calculent conformément aux règles de computation du code de procédure civile, de sorte que la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition, et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. 

Qu’advient-il d’un accord collectif à durée déterminée à l’expiration de sa durée ? Il était antérieurement jugé qu’une convention collective à durée déterminée qui arrive à expiration ne continue à produire ses effets comme convention collective à durée indéterminée qu’à défaut de stipulations contraires (Soc. 16 juill. 1987, n° 85-15.686 ; v. aussi, Soc. 26 mai 1983, n° 81-15.262). Restait encore à définir quelles formes peuvent prendre ces fameuses « clauses contraires », et l’interprétation qu’il convient de donner à leurs réelles portées. Ainsi avait-il par exemple été jugé qu’un accord collectif à durée déterminée relatif à la réduction du temps de travail prévoyant seulement que la non-application des réductions de charges patronales entraînait systématiquement sa renégociation, et non qu’à défaut de renégociation il cesserait de produire ses effets, ne devient pas caduc mais a été tacitement reconduit (Soc. 28 sept. 2010, n° 09-13.708, Dalloz actualité, 15 oct. 2010, obs. L. Perrin).

Aujourd’hui, la grille de lecture de l’accord à durée déterminée – avec notamment la prévision d’une durée supplétive de cinq ans – est désormais formalisée aux articles L. 2222-4 et suivants du code du travail, de sorte que la reconduction tacite n’est pas acquise faute de stipulation en ce sens.

Mais peut-on dénoncer un accord collectif à durée déterminée et, le cas échéant, à quelles conditions ?

Telle était la question ayant donné lieu à l’arrêt du 23 octobre 2024 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation.

En l’espèce, un accord sur la mise en place du Comité social et économique (CSE) a été signé au sein d’une unité économique et sociale avec les organisations syndicales CFDT et FO. Cet accord est entré en vigueur le 7 juin 2019, jour de la proclamation définitive des résultats des élections au CSE.

L’unité économique et sociale a ensuite dénoncé cet accord par lettre recommandée adressée notamment au syndicat CFDT, lequel forma un recours devant le tribunal judiciaire afin de juger, notamment, que l’accord du 7 juin 2019 a été renouvelé par tacite reconduction pour la période du 7 juin 2023 au 6 juin 2027 compte tenu de la dénonciation tardive de l’accord par l’unité économique et sociale (lettre datée du 3 mars 2023, reçue le 7 mars de la même année).

Les juges du fond constatèrent que l’accord du 22 février 2019 entré en vigueur le 7 juin 2019 avait pourtant bien cessé de produire ses effets le 7 juin 2023, de sorte qu’un pourvoi en cassation fut ensuite formé.

La chambre sociale de la Cour de cassation va, aux termes d’un raisonnement venant préciser le régime juridique des accords collectifs à durée déterminée, rejeter le pourvoi.

La possible dénonciation d’un accord collectif à durée déterminée

Une convention ou un accord collectif peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée (C. trav., art. L. 2222-4). À défaut de stipulation de la convention ou de l’accord sur sa durée, le code précise que celle-ci est fixée à cinq ans. Lorsque la convention ou l’accord arrive à expiration, la convention ou l’accord cesse alors de produire ses effets.

Mais il est fréquent que l’accord en question prévoie les formes selon lesquelles et le délai au terme duquel il pourra être renouvelé ou révisé, comme le prévoit l’article L. 2222-5, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dénoncé, et notamment la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation (C. trav., art. L. 2222-6).

L’éminente juridiction déduit des dispositions du code qu’un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu’il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l’accord produisant ses effets au terme de celui-ci, sous la condition de respecter le délai de préavis fixé par l’accord avant l’expiration du terme.

Or, en l’espèce, l’article 10.2 de l’accord sur la mise en place du CSE stipulait qu’il était conclu pour une durée déterminée de quatre ans et entrerait en vigueur le jour de la proclamation définitive des résultats des élections au CSE de 2019. Il cesserait de produire tout effet au terme des mandats, et au plus tard en juin 2023, et serait reconduit par tacite reconduction s’il n’était pas révisé ou dénoncé. L’article 10.3 prévoyait qu’il pouvait être dénoncé, en totalité ou partiellement, par l’une ou l’autre des parties signataires en respectant un délai de préavis de trois mois.

Ayant été prévu par les parties, il apparaissait normal de faire produire au régime de la dénonciation établi contractuellement ses pleins effets, conformément à ce que prévoit désormais l’article L. 2222-6 du code du travail.

Cette solution n’allait toutefois pas de soi, puisqu’elle se heurte au texte de l’article 1212 du code civil qui prévoit que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme, nul ne pouvant exiger le renouvellement du contrat.

Il appartiendra ainsi aux partenaires sociaux de se montrer particulièrement vigilants dans l’anticipation du devenir de l’accord, y compris si celui-ci est à durée déterminée, et prévoir le cas échéant un paragraphe consacré aux questions de renouvellement, de révision et de dénonciation.

Application des règles de computation des délais des procédures civiles

Les magistrats vont ensuite faire application des règles de computation des délais du code de procédure civile, qui prévoient en particulier que lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai (C. pr. civ., art. 641, al. 2), le dernier jour à vingt-quatre heures (C. pr. civ., art. 642).

Il faut en outre préciser que, dans ce contexte, la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition, et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre (C. pr. civ., art. 668).

Dans la mesure où en l’espèce l’accord était entré en vigueur le 7 juin 2019 et que l’unité économique et sociale avait dénoncé cet accord par lettre du 3 mars 2023 reçue le 7, il fallait considérer la dénonciation comme ayant bien été adressée dans le respect du délai conventionnel de préavis de trois mois avant l’expiration du terme, l’accord avait bien cessé de produire ses effets le 7 juin 2023.

Cette solution s’ancre ainsi dans la stricte application des textes procéduraux, qui apporte l’objectivité et la rigueur nécessaire au traitement des cas se positionnant à l’extrême proximité de l’expiration des délais, comme c’était le cas en l’espèce, où la dénonciation avait été reçue le dernier jour possible considérant le préavis de trois mois.

 

Soc. 23 oct. 2024, FS-B, n° 23-17.460

© Lefebvre Dalloz