Précisions sur les éléments constitutifs du délit de vente de boissons alcooliques à des mineurs
En matière de vente d’alcool, l’absence de vérification systématique de la preuve de la majorité du client constitue une violation en connaissance de cause des dispositions prévues par le code de la santé publique, ce qui implique l’intention coupable de l’auteur de commettre le délit de vente de boissons alcooliques à des mineurs.
Deux mineurs qui circulaient en scooter après avoir consommé de l’alcool ont eu un accident. L’un d’eux est décédé. La société leur ayant vendu de l’alcool a été condamnée par le tribunal correctionnel du chef de vente de boissons alcooliques à des mineurs. Sur appel relevé par la personne morale et par le ministère public, les seconds juges ont confirmé cette condamnation. Le prévenu a formé un pourvoi en cassation.
La vente de boissons alcooliques à des mineurs
L’article L. 3342-1 du code de la santé publique prévoit, en son alinéa 1, que la vente des boissons alcooliques à des mineurs est interdite. L’offre de ces boissons à titre gratuit à des mineurs est également interdite dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. « La personne qui délivre la boisson exige du client qu’il établisse la preuve de sa majorité », ajoute l’article.
Pour contester la caractérisation de l’infraction, le prévenu affirme que les éléments constitutifs n’ont pas été suffisamment démontrés. Selon lui, ces éléments ne peuvent pas résulter de la seule affirmation selon laquelle des boissons alcooliques ont été vendues aux mineurs. La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi et confirme l’exacte caractérisation de l’infraction. Elle approuve en effet les juges du fond d’avoir relevé que le responsable du magasin n’avait pas systématisé la vérification de l’âge réel des acheteurs de boissons alcooliques (Montpellier, 26 juin 2009, n° 08/02213). Pragmatiques, les Hauts magistrats approuvent l’argument développé par la cour d’appel selon lequel l’employé se trouvant en caisse lors du passage des deux mineurs n’avait pas reçu la consigne de systématiquement vérifier l’âge des acheteurs de boissons alcooliques. Or, on l’a vu, le code de la santé publique impose aux vendeurs de boissons alcooliques d’exiger que le client établisse sa majorité.
Dans ce contexte, la Cour de cassation considère que l’élément intentionnel de l’infraction du délit de vente de boissons alcooliques à des mineurs est caractérisé, étant précisé qu’il s’agit d’une violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale prévue par l’article L. 3342-1 du code de la santé publique.
Ce faisant, et parce que le texte d’incrimination indique expressément que la personne qui délivre la boisson doit exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité, la chambre criminelle présume, en l’absence de vérification systématique de l’âge des acheteurs, que l’intéressé vend délibérément de l’alcool à un mineur. Cette approche présente deux intérêts pratiques. Premièrement, elle érige l’article L. 3342-1 en un outil à l’efficacité redoutable pour lutter contre l’ivresse des jeunes. Deuxièmement, elle permet de contourner les difficultés probatoires relatives à l’existence de l’élément moral de l’infraction.
Cependant, cette approche de l’infraction repose-t-elle sur une interprétation stricte de l’article 121-3, alinéa 1, du code pénal, selon lequel il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ?
La protection du client mineur
En application de l’article L. 3342-1 précité, des mesures systématiques de vérification de l’âge des acheteurs doivent être mises en place. Si de tels contrôles font défaut, l’infraction de vente de boissons alcooliques à des mineurs est caractérisée, la violation de cette prescription impliquant nécessairement une intention coupable.
La protection du client mineur s’accompagne d’autres dispositions prévues dans le code de la santé publique pour lutter contre l’ivresse des mineurs. C’est notamment le cas de l’article R. 3353-7 qui punit le fait de ne pas apposer dans son établissement une affiche interdisant la vente d’alcool à ces derniers. Dans le même esprit, et selon l’article R. 3353-8, le fait pour un débitant de boissons de recevoir dans son établissement des mineurs de moins de seize ans non accompagnés de leur père, mère, tuteur ou de toute personne de plus de dix-huit ans en ayant la charge ou la surveillance, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
Crim. 23 sept. 2025, FS-B, n° 24-85.034
par Dorothée Goetz Charlon, Docteur en droit pénal et sciences criminelles, DA n° 44670821267, auprès du Préfet de la région Grand Est
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