Précisions sur les exceptions de nullités présentées devant une cour d’appel saisie sur renvoi après cassation

Par cet arrêt rendu après une première cassation partielle, la chambre criminelle censure la décision des juges du fond ayant déclaré irrecevables les exceptions de nullité soulevées par le prévenu, qui ne s’était pas défendu devant le tribunal correctionnel, autres que celles définitivement jugées par l’arrêt partiellement cassé, en ses dispositions non censurées.

Poursuivi selon la procédure de comparution immédiate pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, un individu soulevait des exceptions de nullités rejetées par jugement avant dire droit. Après avoir relevé la suspension de la procédure jusqu’à l’expiration du délai d’appel, le tribunal correctionnel a ordonné la mise en liberté du prévenu et a renvoyé la procédure à une audience ultérieure. Le tribunal correctionnel s’est toutefois déclaré dessaisi, le prévenu ayant, dans l’intervalle, relevé appel du jugement avant dire droit. À la suite du rejet de la requête en examen immédiat de l’appel, la cour d’appel s’est déclarée à son tour non saisie.

Dans ce contexte, le tribunal correctionnel a statué par défaut et a déclaré le prévenu coupable.

L’intéressé a sollicité, en appel, la mainlevée du mandat d’arrêt décerné à son encontre. La cour d’appel a ensuite rejeté l’exception de chose jugée du jugement de dessaisissement, et a annulé la citation et le jugement subséquent. En conséquence, elle a invité le ministère public à mieux se pourvoir.

In fine, à la suite d’un pourvoi en cassation formé par les parties civiles, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel et a renvoyé la cause et les parties devant la même cour d’appel autrement composée pour qu’il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation prononcée.

Dans son pourvoi, l’intéressé fait grief à la cour d’appel de renvoi de n’avoir répondu qu’à deux exceptions procédurales soulevées. Selon lui, cette juridiction était saisie de l’intégralité de la procédure à l’exception des dispositions non censurées. Ce faisant, elle devait statuer sur toutes les exceptions procédurales. En outre, il fait grief à la cour d’appel de ne pas avoir statué sur toutes les exceptions au motif qu’elles auraient dû être émises avant toute défense au fond. Or, selon lui, toutes les exceptions autres que celles tranchées par le premier arrêt rendu en appel étaient recevables à condition d’être formulées in limine litis.

La question au cœur de cet arrêt est donc la suivante : le prévenu, représenté devant la cour d’appel statuant sur renvoi après cassation partielle, pouvait-il, avant toute défense au fond, soulever des exceptions de nullité nouvelles ?

Au visa des articles 385, 512 et 609 du code de procédure pénale, la Cour de cassation répond à cette question par l’affirmative en énonçant que l’arrêt de cassation partielle avait eu pour conséquence de remettre la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient, dans les limites de la cassation intervenue, avant la décision partiellement annulée.

Une solution prévisible

Logique, ce choix correspond à la position classique de la Cour de cassation à propos des exceptions de nullités soulevées pour la première fois en appel (Crim. 14 mars 2012, n° 11-85.827, D. 2012. 1063  ; RSC 2012. 631, obs. J. Danet  ; 10 juill. 1996, n° 95-83.930 P, D. 1997. 147 , obs. J. Pradel ). Sur cette question, la chambre criminelle a en effet, au fil de sa jurisprudence, dégagé plusieurs principes. Premièrement, le prévenu, s’il entend soulever des nullités, doit le faire en première instance et avant toute défense au fond et s’il ne l’a pas fait, il ne peut le faire pour la première fois en appel. Deuxièmement, s’il dépose en temps utile une requête en nullité en première instance, il peut la renouveler en cours d’appel mais à la condition de le faire avant toute défense au fond.

En l’espèce, il s’évince des articles 385 et 512 du code de procédure pénale que le prévenu qui, cité à parquet et jugé par défaut, ne s’est pas défendu en première instance, peut présenter des exceptions tirées de la nullité de la procédure pour la première fois en appel. En outre, en application de l’article 609 dudit code, lorsqu’un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l’état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l’acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.

En conséquence, les juges du fond ne pouvaient pas déclarer les exceptions soulevées par le prévenu irrecevables. Contrairement à ce qu’ils affirmaient, la saisine de la cour d’appel n’était, en effet, pas limitée à l’évocation de l’affaire au fond.

Une solution protectrice des droits de la défense

Cette solution, fruit d’une interprétation stricte des dispositions visées par la chambre criminelle, permet d’assurer une protection efficace des droits de la défense. Dans d’autres procédures de renvoi après cassation, les hauts magistrats ont déjà été confrontés à cette recherche d’équilibre entre, d’un côté, la célérité et le rejet des moyens dilatoires et, de l’autre côté, le respect des droits de la défense. Dans ce cadre, ils ont déjà affirmé leur attachement à ce dernier principe qu’ils rattachent à l’article 609 du code de procédure pénale.

Dans un arrêt du 5 mars 2013, ils ont ainsi rappelé que lorsqu’un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l’état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée. Ils en ont déduit qu’en conséquence, devait être censuré un arrêt de la cour d’appel qui, sur renvoi après cassation, avait déclaré irrecevable l’exception présentée devant elle par le prévenu et prise de la nullité de la garde à vue, au motif que cette exception n’avait pas été proposée avant toute défense au fond devant la juridiction du second degré dont l’arrêt avait été annulé, alors que le prévenu n’ayant pas assuré sa défense en première instance, la cour d’appel désignée était tenue de statuer tant sur ladite exception que sur le fond (Crim. 5 mars 2013, D. 2013. Pan. 1993, obs. J. Pradel ). Comme c’était également le cas dans l’arrêt rapporté, la chambre criminelle rappelle, dans cet arrêt de 2013 que, comme la première cour d’appel aurait dû examiner la demande en nullité, la seconde, mutatis mutandis, devait le faire aussi.

En outre, quelques années plus tard, en s’inscrivant toujours dans ce courant protecteur des droits de la défense, la chambre criminelle a indiqué que la cour d’appel de renvoi saisie par l’arrêt de la Cour de cassation doit statuer tant sur les moyens de nullité proposés devant la chambre d’instruction que sur le fond, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l’article 385, alinéa 1er (Crim. 28 mai 2002, n° 01-85.684 P).

 

Crim. 20 déc. 2023, F-B, n° 21-87.233

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