Principe de non-refoulement et obligations des autorités administratives et juridictionnelles

La Cour de justice de l’Union européenne précise la portée du principe de non-refoulement.

Elle était saisie de la question de savoir si l’article 5 de la directive 2008/115/CE oblige l’autorité administrative qui rejette une demande de titre de séjour prévu par le droit national et, en conséquence, constate que le ressortissant de pays tiers concerné est en situation de séjour irrégulier sur le territoire de l’État membre en cause, à s’assurer du respect du principe de non-refoulement, en réexaminant, au regard de ce principe, la décision de retour adoptée antérieurement contre ce ressortissant dans le cadre d’une procédure de protection internationale et dont la suspension a pris fin à la suite d’un tel rejet.

L’objectif de la directive est de mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement dans le respect intégral des droits fondamentaux ainsi que de la dignité des personnes concernées. S’agissant de l’article 5, la Cour estime qu’il « oblige l’autorité nationale compétente à respecter, à tous les stades de la procédure de retour, le principe de non-refoulement garanti, en tant que droit fondamental, à l’article 18 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi qu’à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte ». Par conséquent, cet article 5 « ne saurait faire l’objet d’une interprétation restrictive ». Les États membres ne sauraient éloigner, expulser ou extrader un étranger lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourra dans le pays de destination un risque réel de subir des traitements prohibés (peine de mort, torture, peines ou traitements inhumains ou dégradants) par l’article 19, paragraphe 2, de la Charte.

Une évaluation actualisée

Ainsi, pour la Cour de justice, l’article 5 de la directive 2008/115/CE « oblige l’autorité nationale à procéder, préalablement à l’exécution de la décision de retour, à une évaluation actualisée des risques encourus par le ressortissant de pays tiers d’être exposé à des traitements interdits en des termes absolus par ces deux dispositions de la Charte. Cette évaluation, qui doit être distincte et autonome par rapport à celle réalisée au moment de l’adoption de ladite décision de retour, doit permettre à l’autorité nationale de s’assurer, en tenant compte de tout changement de circonstances intervenu ainsi que de tout nouvel élément le cas échéant avancé par ce ressortissant de pays tiers, qu’il n’existe pas de motifs sérieux et avérés de croire que ledit ressortissant de pays tiers serait exposé, en cas de retour dans un pays tiers, à un risque réel d’être soumis, dans ce dernier, à la peine de mort, à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. En effet, une telle évaluation actualisée est la seule de nature à permettre à cette autorité de s’assurer que l’éloignement est conforme aux conditions légales requises, et notamment aux exigences fixées à l’article 5 de la directive 2008/115 ».

Partant, elle ajoute, que cette directive « oblige une juridiction nationale, […], à relever d’office l’éventuelle violation du principe de non-refoulement résultant de l’exécution de cette dernière décision, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés à l’issue d’une procédure contradictoire ».

 

CJUE 17 oct. 2024, aff. C-156/23

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