Procédure douanière : pas de responsabilité de l’État en cas de dispense de caution

Le commissionnaire en douane agissant en exécution d’un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d’importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l’importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue à l’article 114, 1 bis, du code des douanes.

Dans l’affaire jugée, il est question d’un importateur, la société Mer agitée, qui, le 9 février 2015, a importé des marchandises par l’intermédiaire de la société Celtic global services, transitaire. Le même jour, la société Agence maritime Rommel, commissionnaire en douane agréé, chargée, selon mandat de représentation indirecte, d’accomplir les formalités douanières, a souscrit la déclaration en douane correspondante en utilisant son propre crédit d’enlèvement. Le crédit d’enlèvement désigne une facilité de paiement qui permet à un déclarant en douane d’enlever ses marchandises au fur et à mesure des vérifications et avant paiement les droits et taxes normalement dus. La société Mer agitée a versé une certaine somme représentant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation due au titre de l’opération, à la société Celtic global services, qui l’a reversée à la société Agence maritime Rommel afin qu’elle s’acquitte de cette taxe auprès de l’administration des douanes. Mais le 14 avril 2015, la société Agence maritime Rommel a été mise en redressement judiciaire, cette procédure ayant été convertie en liquidation judiciaire le 26 mai 2015. Or, le 8 juillet 2015, faute pour la société Agence maritime Rommel d’avoir réglé la TVA à l’importation, l’administration des douanes a émis contre la société Mer agitée, désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation, un avis de mise en recouvrement (AMR) d’un montant correspondant à la TVA à l’importation due. Après le rejet de sa contestation, la société Mer agitée a assigné l’administration des douanes en annulation de l’AMR, en décharge de la TVA à l’importation mise en recouvrement et en responsabilité. Sa demande est rejetée à tous les stades de la procédure, en dernier lieu par la Cour de cassation.

1. La Haute juridiction confirme tout d’abord la validité de l’AMR. La société Agence maritime Rommel a reproché, à propos de l’émission de l’AMR, le fait que l’administration des douanes n’aurait pas respecté le principe du respect des droits de la défense. Le grief est rejeté par la Cour de cassation (pts 8 à 12).

Elle se fonde à cet égard sur deux textes. D’abord, aux termes de l’article 1695, I, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue, à l’importation, comme en matière de douane. Ensuite, selon l’article 345 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, les créances de toute nature constatées et recouvrées par l’administration des douanes font l’objet d’un avis de mise en recouvrement sous réserve, le cas échéant, de la saisine du juge judiciaire.

La Haute juridiction ajoute que « lorsque les droits impayés ont été déclarés par le redevable ou son représentant, sans que l’administration remette en cause leur montant, le principe du respect des droits de la défense n’impose pas la mise en œuvre d’un échange contradictoire préalable à l’émission de l’avis de mise en recouvrement » (pt 10). En l’occurrence, l’arrêt d’appel relève que la créance mise en recouvrement ne résulte que de la validation des déclarations en douane. Ce dont il résulte que l’émission de l’AMR n’avait pas à être précédée d’un échange contradictoire.

2. La Cour de cassation confirme ensuite le rejet de l’action en responsabilité contre l’État pour faute. L’importateur, la société Mer agitée, soutenait pourtant qu’est constitutif d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’État le fait, pour l’administration des douanes, de ne pas solliciter une caution auprès du commissionnaire en douane. Ce qu’il convient d’appeler la « caution douane » est un cautionnement bancaire que doit fournir un professionnel de l’import-export destiné à garantir le paiement des droits de douanes, taxes, intérêts et autres sommes dont il est redevable dans le cadre de son activité.

Or, pour la Haute juridiction, en l’occurrence, en sa qualité de commissionnaire en douane, l’Agence maritime Rommel bénéficiait bel et bien d’une dispense légale de caution, de telle sorte que l’administration des douanes n’avait aucune obligation d’exiger d’elle un cautionnement. Pour juger comme elle le fait, elle se fonde sur la combinaison de deux dispositions. En premier lieu, l’article 114, 1 et 1 bis, du code des douanes, qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, prévoit que les redevables de la TVA à l’importation et des taxes assimilées sont dispensés de fournir une caution lorsqu’ils enlèvent les marchandises avant acquittement de ces taxes. En second lieu, l’article 293 A, 1, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, la TVA à l’importation doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation. Toutefois, cette taxe est solidairement due par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte, tel que défini par l’article 5 du code des douanes communautaire.

Selon la Cour de cassation, il résulte de la combinaison de ces textes que « le commissionnaire en douane agissant en exécution d’un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d’importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l’importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue à l’article 114, 1 bis, du code des douanes » (pt 18). Elle ajoute que « si l’administration des douanes avait la possibilité d’exiger un cautionnement, dès lors que cette société faisait l’objet d’une inscription de privilège depuis le 11 octobre 2013, il ne s’agissait que d’une faculté et non d’une obligation » (pt 24 ; v. égal., dans le même sens, Com. 24 janv. 2024, n° 21-17.776). Il est vrai que l’article précité utilise l’indicatif et non pas l’impératif. En pratique, l’administration des douanes exige un tel cautionnement cas d’insolvabilité avérée et connue de longue date par l’administration des douanes qui avait donc l’obligation d’exiger cette caution. Mais ce n’est nullement une obligation, même si la douane a inscrit son privilège, signe que la situation du commissionnaire en douane n’est pas reluisante…. 

 

Com. 24 janv. 2024, FS-B, n° 22-13.103

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