Protection des lanceurs d’alerte : la France bonne ou mauvaise élève ?

Selon Transparency International, la majorité des Etats membres ne respecte pas la directive européenne en matière de protection des lanceurs d’alerte. La France n’y échappe pas : la condition de signaler «de bonne foi» et «sans bénéfice financier direct» serait contraire «aux normes internationales».

Afin de se conformer à la directive européenne de 2019, les Etats membres de l’UE ont dû adopter des lois protégeant les lanceurs d’alerte. Or, « les résultats sont préoccupants », selon le dernier rapport de Transparency International, publié le 8 novembre, qui a analysé le comportement de 20 Etats en matière de protection des lanceurs d’alerte. L’évaluation menée par l’ONG dévoile en effet que les normes minimales et les objectifs fixés par l’UE ne sont, pour la plupart, pas atteints.

Une règlementation très forte en matière de sanctions en France

« 19 des 20 pays examinés ne respectent pas les exigences de l’UE dans au moins un des quatre domaines clés », indique le rapport.

La France fait partie des bons élèves par rapport à ses voisins européens car sa réglementation permet au lanceur d’alerte :

  • de signaler des informations directement aux autorités ;
  • d’accéder à des voies de recours et à une indemnisation complète pour les dommages subis ;
  • d’obtenir des conseils gratuits et facilement accessibles.

Un bémol tout de même sur le quatrième domaine. Transparency International pointe du doigt la réglementation très forte en matière de sanctions. En effet, le droit interne prévoit par exemple pour le délit de dénonciation calomnieuse une peine de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans dans le cas où le lanceur d’alerte signale sciemment de fausses informations aux autorités compétentes (article 226-10 du Code pénal). Or, l’ONG estime que cette peine peut être « très » dissuasive pour les lanceurs d’alerte.

De meilleures pratiques à mettre en place

Autre constat : aucun des 20 Etats membres examinés n’a revu ses pratiques afin qu’elles soient plus protectrices. Pour la France, le bilan est en demi-teinte.

Deux points positifs sont d’abord mis en avant :

  • la protection des organisations civiles : ces dernières peuvent être des facilitateurs et donc être protégées contre, par exemple, des poursuites vexatoires intentées contre elles en représailles pour avoir soutenu un lanceur d’alerte ;
  • le soutien financier aux lanceurs d’alerte : les tribunaux peuvent accorder au lanceur d’alerte une provision pour les frais de procédure ou pour couvrir les frais de subsistance lorsque leur situation financière est gravement dégradée.

Toutefois, le rapport émet une réserve concernant l’obligation, pour le lanceur d’alerte, de signaler « de bonne foi » et « sans bénéfice financier direct ». L’ONG considère en effet que « ces conditions qui concernent les motivations du lanceur d’alerte ne sont pas conformes à la directive et sont contraires aux normes internationales ». Pire, il s’agit d’une « faille dangereuse dans la protection accordée aux lanceurs d’alerte, légitimant les enquêtes en représailles ».

Garantir une protection solide et faciliter les signalements

Transparency International appelle ainsi les Etats membres à :

  • réviser leur législation pour répondre aux exigences minimales de l’UE,
  • revoir les domaines dans lesquels les lois ne sont pas conformes aux meilleures pratiques,
  • et enfin veiller à ce que le processus législatif soit rapide et transparent, en impliquant les parties prenantes.

Reste donc aux Etats le soin de travailler sur leur réglementation afin de garantir une meilleure protection des lanceurs d’alerte et de faciliter les signalements.

 

© Lefebvre Dalloz