Protection du secret statistique

La communication de données statistiques contenant des renseignements individuels ou permettant l’identification des personnes auprès desquelles ils ont été collectés est contraire au principe du secret statistique.

L’association Ouvre-boîte a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a rejeté sa demande tendant à la publication de plusieurs documents relatifs au calcul de l’indice des prix à la consommation (IPC). Le Tribunal administratif de Paris a prononcé, le 9 février 2023, l’annulation du refus en ce qui concerne exclusivement un seul document et a enjoint à l’INSEE de le communiquer dans un délai de trois mois. Le ministre chargé de l’économie et l’association requérante se pourvoient séparément en cassation.

Le secret statistique, au sens des articles 6 et 7 bis de la loi du 7 juin 1951, fait partie des secrets protégés par la loi au sens de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration. À l’occasion de cette décision, le Conseil d’État estime que « la publication en ligne de données statistiques issues des renseignements individuels protégés par le secret statistique en application de l’article 6 de la loi du 7 juin 1951 n’est possible, avant l’expiration des délais mentionnés par cette loi et quel que soit le niveau d’agrégation de ces données, qu’à la condition que les personnes physiques ou morales auprès desquelles les renseignements individuels ont été collectés, qui constituent les unités statistiques d’observation de l’enquête en cause, ne puissent pas être identifiées, directement ou indirectement, compte tenu de tous les moyens qui pourraient raisonnablement être utilisés par un tiers ayant accès aux données ainsi diffusées ».

Risque d’identification d’unités statistiques

En l’espèce, la détermination de l’IPC repose en grande partie sur des enquêtes de prix effectuées dans 30 000 endroits de vente, comprenant des détails comme le numéro SIRET, le nom du magasin, l’adresse, ainsi que les informations sur le gérant ou le responsable du point de vente. De plus, le calcul de l’indice intègre l’examen des coûts d’un ensemble standard de produits et de services, obtenus soit par des enquêteurs visitant ces points de vente, soit collectés de manière centralisée, notamment pour les ventes en ligne et les tarifs des acteurs nationaux ou régionaux tels que les fournisseurs de télécommunications, EDF ou la SNCF. Ce calcul se fonde également sur des données extraites de l’enquête « budget de famille » de l’INSEE et sur des évaluations annuelles des dépenses de consommation des ménages réalisées par la comptabilité nationale. Ainsi, le juge administratif relève qu’eu égard aux « renseignements individuels ayant trait à des faits et comportements d’ordre privé ou aux renseignements individuels d’ordre économique ou financier », la communication de ces données statistiques « était de nature à porter atteinte au secret statistique […] dès lors que de tels renseignements sont susceptibles de permettre une identification directe ou indirecte d’unités statistiques ».

 

CE 31 mai 2024, n° 472883

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