QPC sur l'évacuation forcée de squatteurs : conformité à la Constitution

Les dispositions de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dans sa rédaction résultant de la loi Asap du 7 décembre 2020, sont conformes à la Constitution.

Le 20 janvier 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, dite Asap.

Pour mémoire, les dispositions contestées prévoient que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

La requérante reprochait à ces dispositions d’instituer une procédure administrative permettant l’expulsion de l’occupant d’un logement sans prévoir d’examen contradictoire de sa situation personnelle et familiale, ni de recours suspensif garantissant qu’un juge se prononce avant qu’il soit procédé à son évacuation forcée.

Il en résultait selon elle une méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif, du droit au respect de la vie privée et du droit à l’inviolabilité du domicile.

Évacuation à bref délai

Pour répondre à la QPC qui lui était soumisse, le Conseil constitutionnel rappelle les conditions de mise en œuvre du dispositif contesté d’évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés : il indique que la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu’en cas d’introduction et de maintien à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. Par ailleurs, elle ne peut être mise en œuvre qu’après que le demandeur ait déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s’est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.

Possibilités offertes à l’occupant

Le Conseil constitutionnel rappelle toutes les possibilités offertes à l’occupant d’un logement dont l’évacuation est demandée. Ainsi, les dispositions contestées ne privent pas l’occupant de la possibilité :

  • d’introduire un référé sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ;
     
  • d’exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, peut suspendre l’exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale.
     
  • en cas d’illégalité de la décision administrative d’évacuation forcée de l’occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.

Réserve d’interprétation

La nouveauté dans cette décision est que le Conseil constitutionnel assortit l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 d’une réserve d’interprétation : il précise ainsi que « le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d’intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l’inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée ».

Le conseil constitutionnel en déduit que les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée, le principe de l’inviolabilité du domicile ou le droit à un recours juridictionnel effectif.

Absence de différence de traitement injustifiée

Dans un second temps, la requérante estimait que les dispositions contestées créaient une différence de traitement injustifiée entre les occupants d’un logement selon qu’ils font l’objet de la procédure d’expulsion prévue par ces dispositions ou de la procédure d’expulsion juridictionnelle de droit commun.

Le Conseil constitutionnel ne s’attarde pas sur cette question et conclut, a l’issue de son raisonnement, que « les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la même réserve, être déclarées conformes à la Constitution ».

 

© Lefebvre Dalloz