Qualité de partie et classes de parties affectées : le rôle décisif de l’article R. 626-64
Une partie affectée, qui a voté contre le projet de plan, mais n’a pas saisi le tribunal de la requête prévue à l’article R. 624-64, I, du code de commerce, n’est pas partie à l’instance en adoption du plan. Partant, elle est sans qualité pour déposer, lors de cette instance, une demande tendant à la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité.
 
                            Quand bien même l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 n’a pas remis en question l’architecture du droit des entreprises en difficulté, certaines de ses dispositions ont néanmoins bouleversé la matière. L’avènement des classes de parties affectées en droit français en témoigne et, désormais, chacun des arrêts rendus par la Cour de cassation en ce domaine mérite la plus grande attention (v. dern., Com. 5 mars 2025, n° 23-22.267 FS-B, Dalloz actualité, 12 mars 2025, obs. B. Ferrari ; D. 2025. 1148  , note D. Robine
, note D. Robine  ; RCJPP 2025, n° 02, p. 46, chron. F. Reille et P. Roussel Galle
 ; RCJPP 2025, n° 02, p. 46, chron. F. Reille et P. Roussel Galle  ; BJE mai 2025, n° BJE201z9, note J. Théron ; JCP E 2025. 1190, note O. Maraud ; APC 2025/7. Repère 71, note N. Borga ; RPC 2025/2. Repère 2, note P. Roussel Galle).
 ; BJE mai 2025, n° BJE201z9, note J. Théron ; JCP E 2025. 1190, note O. Maraud ; APC 2025/7. Repère 71, note N. Borga ; RPC 2025/2. Repère 2, note P. Roussel Galle).
L’arrêt ici rapporté, portant sur les voies de recours dans le cadre du système des classes de parties affectées, présente, pour cette raison déjà, un grand intérêt.
Rappel de quelques règles
Les articles L. 626-33, I et, surtout, R. 626-64, I, du code de commerce envisagent les contestations que peuvent porter une partie affectée qui a voté contre le projet de plan en cas de non-respect de la condition prévue au 4e de l’article L. 626-31 ou au 5e ou au 10e alinéa de l’article L. 626-32. Pour cela, la partie affectée dissidente doit saisir par requête le tribunal dans les dix jours à compter du vote sur le projet de plan et invoquer l’une des violations suivantes correspondant aux différents items des textes évoqués ci-dessus.
D’abord, la partie affectée peut se plaindre du non-respect du critère du meilleur intérêt des créanciers, c’est-à-dire, pour simplifier, du fait qu’elle est moins bien traitée dans le cadre du plan proposé que s’il était fait application d’une liquidation judiciaire ou d’un plan de cession (hypothèse du 4e de l’art. L. 626-31). Ensuite, la partie affectée peut également contester, en cas d’application forcée interclasse (hypothèse où l’adoption du plan est « forcée » en l’absence de vote unanime de l’ensemble des classes), l’exigence que la classe dont le vote favorable est requis pour justifier l’application forcée réunit des créanciers « dans la monnaie » (c’est-à-dire des créanciers qui pourraient tout de même espérer un paiement en liquidation judiciaire : il s’agit de l’hypothèse visée au 5e al. de l’art. L. 626-32). Enfin, pour les entreprises les plus importantes, toujours en cas d’application forcée, la partie affectée peut contester le fait que la classe de détenteurs de capital à qui l’on impose le plan soit « hors de la monnaie » (hypothèse du 10e al. de l’art. L. 626-32).
Quoi qu’il en soit, une fois saisi, le tribunal tranchera dans un même jugement lesdites contestations et se prononcera sur l’adoption du plan (C. com., art. R. 626-64, I). Par la suite, ce jugement peut faire l’objet d’un appel de la part de « chaque partie », du débiteur, des mandataires de justice, ainsi que du ministère public (C. com., art. R. 626-64, II).
Le terme « chaque partie » visé au texte implique de réfléchir à la situation procédurale de la partie affectée dissidente qui a exercé ou non le recours prévu à l’article R. 626-64. Dit autrement, il est permis de se demander si la qualité de partie à l’instance en adoption du plan de la partie affectée dissidente dépend, en amont, du fait qu’elle ait exercé le recours de l’article R. 626-64. À tout le moins, sur fond de conditions de recevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), c’est à cette question que nous paraît répondre l’arrêt sous commentaire.
L’affaire
En l’espèce, une société a été placée en redressement judiciaire et des classes de parties affectées ont été constituées. Dans le cadre de cette procédure, certains créanciers ont voté contre le projet de plan. Or, tandis qu’ils n’ont pas exercé le recours de l’article R. 626-64, les créanciers dissidents ont toutefois saisi le tribunal d’une demande aux fins de transmission d’une QPC, laquelle a été finalement transmise à la Cour de cassation. De surcroît, par la suite, d’autres parties affectées ont déposé devant la Haute juridiction un mémoire en intervention afin de soutenir la transmission de la question au Conseil constitutionnel.
La question posée
La question suivante était posée à la Cour de cassation : « L’article L. 626-31, 4°, du code de commerce, applicable par renvoi de l’article L. 626-32, 1°, du code de commerce lorsque le tribunal n’a pas pu approuver un projet de plan conformément à l’article L. 626-30-2, offre-t-il des conditions, garanties et protections suffisantes pour être conforme à la Constitution en ce que ce texte porte atteinte de manière combinée à l’exigence de sécurité juridique – définie par les exigences d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi – et au droit de propriété d’un créancier sur sa créance ? ».
Sans s’intéresser au caractère sérieux de la question posée, la Cour de cassation va juger cette QPC irrecevable.
Réponse de la Cour de cassation
Pour aboutir à cette solution, la Cour de cassation rappelle, d’abord, qu’aux termes de l’article L. 626-9 du code de commerce (applicable au redressement par l’art. L. 631-19), le tribunal statue sur l’arrêté du plan après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs, les institutions représentatives du personnel et après avoir recueilli l’avis du ministère public. Ensuite, elle souligne que, selon l’article R. 626-64, I, le greffe convoque à l’audience en vue de l’examen du projet de plan, les parties et les parties affectées qui, ayant émis un vote négatif, ont saisi le tribunal d’une requête pour contester le respect de la condition prévue au 4° de l’article L. 626-31 ou du 5e ou du 10e alinéa de l’article L. 626-32.
Or, finalement, il en résulte que le créancier dissident qui n’a pas saisi le tribunal de la requête prévue à l’article R. 626-64, I, n’est pas partie à l’instance en adoption du plan de sorte qu’il est sans qualité pour déposer, lors de cette instance, une demande tendant à la transmission d’une QPC.
Ainsi la QPC n’était-elle pas recevable et, par voie de conséquence, il en allait de même des interventions volontaires en soutien à son renvoi devant le Conseil constitutionnel qui étaient donc sans objet.
Analyse de la solution
Au regard du régime de la QPC, le prononcé de l’irrecevabilité nous paraît logique. Au demeurant, même si nous n’y reviendrons pas, la solution est d’autant plus compréhensible que même en admettant la question recevable, son caractère « sérieux » était loin d’être acquis.
En outre, la portée de la solution mérite également que l’on y prête attention. Du reste, elle nous semble déborder le seul cadre du régime des QPC, car elle permet, en réalité, d’éclairer la situation procédurale de la partie affectée dissidente vis-à-vis de l’instance en adoption du plan.
Une solution logique au regard du régime de la QPC
La substance de la réponse dégagée par la Cour de cassation repose sur le régime même de la QPC et, spécialement, sur la qualité de la personne qui peut en être l’auteur.
Sur ce point, puisque l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 dispose que la QPC est un « moyen », la doctrine en déduit qu’elle est un moyen de droit offert aux parties à un litige (Rép. cont. adm., v° Question prioritaire de constitutionnalité, par M. Guillaume, n° 132). Du reste, la QPC peut donc émaner, fort classiquement, du demandeur, mais également être soulevée par le défendeur au moyen, par exemple, de conclusions reconventionnelles (J.-Cl. Justice adm., v° Question prioritaire de constitutionnalité, par M. Quyollet et H. Cassara, n° 42). Dans la même veine, concernant les intervenants à une instance, le Conseil d’État a pu juger que ces derniers n’étaient recevables à introduire une QPC que dans la seule mesure où ils étaient déjà intervenus dans le cadre de l’action principale (CE 6 mars 2015, Comité Harkis et Vérité, n° 373400, Lebon  ; AJDA 2015. 480
 ; AJDA 2015. 480  ). Plus encore, il a même été jugé qu’un intervenant n’était pas recevable à soulever de sa propre initiative une QPC qui n’aurait pas été invoquée par l’une des parties (CE 22 févr. 2013, n° 356245, Lebon
). Plus encore, il a même été jugé qu’un intervenant n’était pas recevable à soulever de sa propre initiative une QPC qui n’aurait pas été invoquée par l’une des parties (CE 22 févr. 2013, n° 356245, Lebon  ; AJDA 2013. 440
 ; AJDA 2013. 440  ).
).
Finalement, pour résumer, selon certains auteurs, « la QPC, comme le procès dans lequel elle s’inscrit, est la chose des parties, et d’elles seules » (J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe, Cinq ans de QPC devant le juge administratif : retour d’expérience, AJDA 2015. 755  ). C’est aussi dire que seules les parties bénéficiant effectivement des voies de recours peuvent soulever une QPC à l’occasion d’un litige.
). C’est aussi dire que seules les parties bénéficiant effectivement des voies de recours peuvent soulever une QPC à l’occasion d’un litige.
Le lien entre ces différents éléments et la solution de l’espèce apparaît alors : si la QPC est, en l’espèce, déclarée irrecevable, c’est que, pour la Cour de cassation, les parties affectées dissidentes, n’ayant pas formé le recours de l’article R. 626-64, n’avaient pas la qualité de partie au sein de l’instance en adoption du plan.
La logique de la solution repose sur le fait que seule une procédure spécifique permet aux parties affectées dissidentes de porter certaines de leurs critiques. Or, cette procédure est celle prévue au I de l’article R. 626-64, car celui-ci prévoit qu’au plus tard dans un délai de dix jours à compter du vote des classes, la partie affectée, qui a voté contre le projet de plan et entend contester, pour simplifier, le respect de la règle du meilleur intérêt des créanciers doit saisir le tribunal par requête déposée au greffe. Or, le second alinéa de ce même texte nous indique, ensuite, que le greffe convoque l’ensemble des parties à l’audience portant sur l’examen du projet de plan et qu’il joint notamment à cette convocation la copie des requêtes déposées en application du premier alinéa. En somme, le texte indique également que le tribunal statue, enfin, dans un même jugement sur l’ensemble des contestations dont il a été saisi, ainsi que sur l’arrêté du plan.
Par conséquent, la partie affectée dissidente, mais n’ayant pas exercé le recours de l’article R. 626-64, ne peut donc être regardée comme étant une partie à l’instance d’adoption du plan. Certes, cela ne revient pas à dire que la partie affectée en question n’est pas concernée par le vote du plan, mais son intérêt est défendu au sein de cette instance, comme tous les créanciers, par le mandataire judiciaire à qui incombe la défense de l’intérêt collectif des créanciers (C. com., art. L. 622-20).
À cet égard, il est d’ailleurs intéressant de relever qu’en dehors du système des classes de parties affectées, le créancier souhaitant contester l’arrêté d’un plan ne peut qu’éventuellement former une tierce opposition à l’encontre du jugement d’adoption du plan (C. com., art. L. 661-3) en invoquant une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre (par ex., Com. 20 oct. 2021, n° 20-15.299 NP, RTD com. 2022. 151, obs. C. Saint-Alary-Houin  ; BJE janv. 2022, n° BJE200l3, note H. Poujade ; adde O. Faugère, La tierce opposition du créancier, instrument de résistance à l’effacement des dettes, in L’effacement des dettes, [dir.] P. Cagnoli et P.-M. Le Corre, L’Harmattan, 2022, p. 293-319). Dans la même veine, sous l’empire des comités de créanciers, la Cour de cassation avait limité le recours possible d’un obligataire à l’encontre du jugement arrêtant le plan. En l’occurrence, elle avait jugé qu’un créancier obligataire, membre de l’Assemblée unique des obligataires (AUO), ne pouvait contester, par la voie de l’appel, que l’adoption du plan par cette assemblée et seulement si les règles sur sa constitution, sa convocation ou ses délibérations n’avaient pas été respectées, et ce, conformément à la lettre de l’ancien article L. 626-34-1 (Com. 26 févr. 2020, n° 18-19.737 FS-P+B, D. 2020. 485
 ; BJE janv. 2022, n° BJE200l3, note H. Poujade ; adde O. Faugère, La tierce opposition du créancier, instrument de résistance à l’effacement des dettes, in L’effacement des dettes, [dir.] P. Cagnoli et P.-M. Le Corre, L’Harmattan, 2022, p. 293-319). Dans la même veine, sous l’empire des comités de créanciers, la Cour de cassation avait limité le recours possible d’un obligataire à l’encontre du jugement arrêtant le plan. En l’occurrence, elle avait jugé qu’un créancier obligataire, membre de l’Assemblée unique des obligataires (AUO), ne pouvait contester, par la voie de l’appel, que l’adoption du plan par cette assemblée et seulement si les règles sur sa constitution, sa convocation ou ses délibérations n’avaient pas été respectées, et ce, conformément à la lettre de l’ancien article L. 626-34-1 (Com. 26 févr. 2020, n° 18-19.737 FS-P+B, D. 2020. 485  ; Rev. sociétés 2020. 383, obs. L. C. Henry
 ; Rev. sociétés 2020. 383, obs. L. C. Henry  ; ibid. 568, note N. Morelli
 ; ibid. 568, note N. Morelli  ; RTD com. 2020. 483, obs. H. Poujade
 ; RTD com. 2020. 483, obs. H. Poujade  ; LEDEN avr. 2020, n° DED113g0, note N. Borga). Pour la Haute juridiction, c’était ici affirmer que si ledit créancier ne remettait pas en cause les aspects formels de l’AUO, mais contestait un point de fond du plan, l’irrecevabilité devait être encourue. Autrement dit, ce dernier arrêt avait limité le droit d’appel du créancier obligataire à la seule contestation initiale à laquelle il avait accès, mais ce qui supposait d’avoir effectivement formé cette contestation en amont !
 ; LEDEN avr. 2020, n° DED113g0, note N. Borga). Pour la Haute juridiction, c’était ici affirmer que si ledit créancier ne remettait pas en cause les aspects formels de l’AUO, mais contestait un point de fond du plan, l’irrecevabilité devait être encourue. Autrement dit, ce dernier arrêt avait limité le droit d’appel du créancier obligataire à la seule contestation initiale à laquelle il avait accès, mais ce qui supposait d’avoir effectivement formé cette contestation en amont !
Au demeurant, même s’il s’agit ici de qualité pour être l’auteur d’une QPC, c’est en quelque sorte le même raisonnement qui est mobilisé en l’espèce à propos de la partie affectée dissidente qui n’a pas eu recours au I de l’article R. 626-64 : faute d’être devenue partie à l’instance d’adoption du plan en omettant d’exercer le recours prévu à l’article R. 626-64, la partie affectée dissidente était donc irrecevable à présenter une demande tendant à la transmission d’une QPC.
À rebours de ce qui précède, il nous faut concéder que la solution puisse ne pas être à l’abri de certaines critiques. En l’occurrence, une interrogation pourrait provenir d’un arrêt du Conseil d’État ayant jugé, à propos de l’auteur d’une QPC, que « doit être regardée comme une partie à l’instance, ayant à ce titre qualité pour soulever une telle question, la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l’avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre cette décision » (CE 30 mars 2015, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, n° 387322, Dalloz actualité, 8 avr. 2015, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon  ; AJDA 2015. 666
 ; AJDA 2015. 666  ; Constitutions 2015. 437, chron. L. Domingo
 ; Constitutions 2015. 437, chron. L. Domingo  ). À l’aune de cet arrêt, il serait permis de conclure intuitivement qu’une personne ayant qualité pour former tierce opposition pourrait former une QPC. Cette conclusion immédiate pourrait avoir une incidence sur l’appréciation de l’arrêt sous commentaire, car si les portes de l’appel sur le jugement arrêtant le plan sont closes pour la partie affectée dissidente qui n’a pas formé le recours de l’article R. 626-64, rien n’empêche, théoriquement, cette dernière de former tierce opposition à l’encontre de ce jugement (C. com., art. L. 661-3). Or, cette possibilité de tierce opposition aurait pu ouvrir celle de la recevabilité à présenter une QPC.
). À l’aune de cet arrêt, il serait permis de conclure intuitivement qu’une personne ayant qualité pour former tierce opposition pourrait former une QPC. Cette conclusion immédiate pourrait avoir une incidence sur l’appréciation de l’arrêt sous commentaire, car si les portes de l’appel sur le jugement arrêtant le plan sont closes pour la partie affectée dissidente qui n’a pas formé le recours de l’article R. 626-64, rien n’empêche, théoriquement, cette dernière de former tierce opposition à l’encontre de ce jugement (C. com., art. L. 661-3). Or, cette possibilité de tierce opposition aurait pu ouvrir celle de la recevabilité à présenter une QPC.
Pourtant, malgré ce qui précède, il nous semble que la critique mérite d’être relativisée, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, le contexte ayant conduit à l’arrêt précité du 30 mars 2015 était extrêmement particulier et nous pourrions dire, pour résumer, que l’auteur de la QPC, dans le cadre d’un contentieux administratif, n’était certes pas formellement une partie, mais il était difficile de le considérer comme étant un tiers dans le cadre du contentieux dont était saisi le Conseil d’État (v. obs. L. Domingo, préc., outre le fait que l’affaire était éminemment politique). D’autre part, et d’une façon plus générale, il est, de toute façon, difficile de transposer les logiques innervant le droit administratif vers le droit des entreprises en difficulté ; cette dernière matière étant connue pour la particularité du régime de ses voies de recours (v. dern., D. Lemberg-Guez, Proposition de simplification du régime des voies de recours en droit des entreprises en difficulté, RPC 2025/4. Étude 6).
Finalement, la solution ici rapportée nous paraît donc logique au regard du régime de la QPC. Plus encore, elle a surtout le mérite d’être éclairante au-delà dudit régime.
Une solution éclairante au-delà du régime de la QPC
L’arrêt sous commentaire éclaire à sa manière la portée du II de l’article R. 626-64 du code de commerce.
En l’occurrence, ce texte prévoit que la décision prise par le tribunal en application de l’article L. 626-31 ou de l’article L. 626-32 peut faire l’objet d’un appel par « chaque partie, le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public ». Précisément, la question pouvait se poser de savoir ce qu’il fallait entendre par les termes de « chaque partie ».
Par faute d’inattention et à tort, nous avions considéré que l’expression de « chaque partie » se référait à chaque partie affectée (B. Ferrari, in Droit et pratique des procédures collectives, [dir.] P.-M. Le Corre, 13e éd., Dalloz Action, 2025-2026, n° 514.54, cette scorie sera modifiée dans la prochaine édition). En réalité, il s’agissait là d’une erreur, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, il se serait agi du seul texte du droit des entreprises en difficulté à ne pas viser expressément les « parties affectées » lorsqu’il se réfère à elle. Ensuite, surtout, notre interprétation de l’article R. 626-64 introduisait de façon inopinée une exception au principe selon lequel les créanciers ne peuvent interjeter appel à l’encontre des jugements statuant sur l’arrêté d’un plan (C. com., art. L. 661-1, 6°).
Au demeurant, l’expression « chaque partie » logée à l’article R. 626-64 vise (très simplement) les parties à l’audience (v. en ce sens égal., M. Pellé, L’application du régime des classes de parties affectées – précisions jurisprudentielles récentes, Cah. dr. entr. 2025/3. Dossier 22, spéc. n° 20 ; avec une position a priori plus mesurée, F. Pérochon, F. Reille, M. Laroche, V. Martineau-Bourgninaud, T. Favario et A. Donette, Entreprises en difficulté, 12e éd., LGDJ, 2024, n° 1653).
C’est ce que confirme le I du même texte lorsqu’il prévoit que « le greffe convoque l’ensemble des parties à l’audience portant sur l’examen du projet de plan ». Mais c’est surtout ce que confirme l’arrêt sous commentaire, et ce, au-delà même de la question de la recevabilité de la QPC. Comme nous l’avons vu, c’est parce que la partie affectée dissidente qui n’a pas formé le recours de l’article R. 626-64 n’est pas une partie à l’audience d’arrêté du plan qu’elle est irrecevable à soumettre une QPC.
Or, en miroir, l’arrêt sous commentaire confirme le fait que les parties à l’audience portant sur l’examen du projet de plan sont le débiteur, les mandataires de justice, le ministère public, ainsi que les personnes qui ont notamment exercé le recours de l’article R. 626-64.
Finissons en indiquant que la qualité de partie de la personne ayant agi sur le fondement de l’article R. 626-64 ne lui offre toutefois pas un droit d’appel sans limite sur la décision du tribunal arrêtant le plan. En effet, en toute logique, cet appel ne pourra pas porter sur l’entier jugement en ce qu’il arrête ou rejette le projet de plan quelle qu’en soit les raisons, mais sera nécessairement limité à la contestation du fait que le plan n’est pas conforme au critère du meilleur intérêt des créanciers (C. com., art. L. 626-31, 4°) ou, de même, aux conditions prévues au 5e ou au 10e alinéa de l’article L. 626-32.
Com. 2 juill. 2025, FS-P, n° 25-40.011
par Benjamin Ferrari, Maître de conférences en droit privé, Université Côte d'Azur, membre du CERDP (UPR nº 1201)
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