Quelles preuves fournir à l’appui d’une demande de rectification de données relatives au genre ?

La rectification de données relatives à l’identité de genre ne peut être subordonnée à la preuve d’un traitement chirurgical.

En 2014, VP, une personne née femme mais dont l’identité de genre était masculine, de nationalité iranienne, a obtenu le statut de réfugié en Hongrie en invoquant sa transidentité et en produisant des attestations médicales. Cette personne a toutefois été enregistrée en tant que femme dans le registre de l’asile, qui comporte les données d’identification, y compris le genre, des personnes ayant obtenu ce statut en Hongrie. En 2022, VP a demandé à l’autorité en charge du registre de rectifier la mention de son genre, au titre du règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD). Cette demande a été rejetée au motif que VP n’avait pas prouvé avoir subi de traitement chirurgical de réassignation sexuelle. Un contentieux s’est noué et la Cour de Budapest-Capitale a saisi la Cour de justice de l’Union européenne.

Rectification au nom du principe d’exactitude

L’article 16 du RGPD, qui permet à la personne concernée d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes, doit être lu notamment à la lumière du principe d’exactitude.

La Cour estime qu’un État membre ne saurait invoquer l’absence, dans son droit national, de procédure de reconnaissance juridique de la transidentité pour faire obstacle au droit de rectification. « Si le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence des États membres dans le domaine de l’état civil des personnes et de la reconnaissance juridique de leur identité de genre, ces États doivent toutefois, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union. »

Ainsi, juge la Cour de justice, « l’article 16 du RGPD doit être interprété en ce sens qu’il impose à une autorité nationale chargée de la tenue d’un registre public de rectifier les données à caractère personnel relatives à l’identité de genre d’une personne physique lorsque ces données ne sont pas exactes ».

En second lieu, la Cour constate que l’article 16 du RGPD ne précise pas quels sont les éléments de preuve qui peuvent être exigés par un responsable du traitement afin d’établir le caractère inexact des données à caractère personnel dont une personne physique sollicite la rectification. Si la personne peut être tenue de fournir les éléments de preuve pertinents et suffisants, le droit de rectification peut faire l’objet de limitations pour des motifs d’intérêt public général.

Une pratique attentatoire aux droits

En l’espèce, l’État membre concerné a adopté une pratique administrative consistant à subordonner l’exercice, par une personne transgenre, de son droit de rectification à la production de preuves d’un traitement chirurgical de réassignation sexuelle. « Une telle pratique administrative ne répond pas à l’exigence selon laquelle le droit d’un État membre ne peut limiter la portée du droit de rectification que par la voie de mesures législatives. » Elle « porte atteinte, notamment, à l’essence du droit à l’intégrité de la personne et du droit au respect de la vie privée », et elle « n’est, en tout état de cause, pas nécessaire ni proportionnée afin de garantir la fiabilité et la cohérence d’un registre public ».

 

CJUE 13 mars 2025, aff. C-247/23

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