Réforme du crédit à la consommation (partie 3 : la « nouvelle » formation du contrat)

La formation du crédit à la consommation évolue avec l’ordonnance n° 2025-880 du 3 septembre 2025. Cette contribution étudie les informations précontractuelles et le droit de rétractation.

Plus de quinze ans après la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ayant transposé la précédente directive européenne en la matière – laquelle est donc désormais abrogée – l’ordonnance n° 2025-880 du 3 septembre 2025 modifie à nouveau le droit français du crédit à la consommation, afin de transposer la directive (UE) 2023/2225 relative aux contrats de crédit aux consommateurs du 18 octobre 2023.

Un bref détour par cette directive permet d’identifier les raisons ayant présidé à l’adoption de ce nouvel outil d’harmonisation des différents droits nationaux (v. C. Hélaine, Réforme du crédit à la consommation [première partie : origine et présentation générale de l’ordonnance], Dalloz actualité, 24 sept. 2025). Les tous premiers considérants de la directive la justifient par l’ineffectivité partielle de la directive précédente, due essentiellement à une « formulation imprécise de certains articles » ayant conduit à une disparité de législation entre les États, et à des « évolutions liées au numérique » ayant rendu les dispositions inadaptées aux réalités contemporaines, notamment à la multiplication de l’offre de crédits transfrontières.

Ces considérations générales ont rendu particulièrement nécessaire l’adaptation des textes relatifs à la formation du contrat de crédit à la consommation, où la volonté d’harmonisation se heurte parfois à la diversité des notions juridiques qui permettent de rendre compte de l’échelonnement du processus de rencontre des volontés. Il n’est pas certain toutefois que les modifications apportées aux textes soient d’une parfaite clarté. Il en résulte plutôt une complexification de la formation du contrat de crédit, où l’émission du consentement de l’emprunteur doit se fondre dans une procédure dont les étapes, tantôt antérieures tantôt postérieures à la date de conclusion du contrat, sont plus ou moins faciles à distinguer.

Les nouveautés dans la phase précontractuelle

Le considérant 49 de la directive européenne rappelle que le consentement de l’emprunteur « devrait être un acte positif clair par lequel (il) manifeste son accord de façon libre, spécifique, éclairée et univoque ». Il en résulte une double injonction à destination des États pour imposer un devoir d’information précontractuelle au prêteur et exiger de l’emprunteur qu’il consente expressément au contrat.

Les informations précontractuelles

On le sait, la protection de l’emprunteur lors de la formation d’un contrat de crédit à la consommation passe tout d’abord par un devoir d’information précontractuelle mis à la charge du prêteur. Il s’agit d’éclairer le consentement de l’emprunteur préalablement à la conclusion du contrat. Sur ce point, l’ordonnance amorce quelques changements dont l’importance est modeste eu égard au haut niveau de protection qu’accordait déjà le droit français. La seule nouveauté véritable réside dans la création d’un article L. 312-11-1 qui impose à l’organisme prêteur la mise à disposition gratuite et permanente d’informations « générales, claires et compréhensibles sur les contrats de crédit ». Cette généralisation – et dépersonnalisation – de l’obligation d’information, permet assurément d’augmenter le niveau de protection des emprunteurs. Elle ne fait toutefois que compléter le traditionnel devoir de délivrance d’informations précontractuelles.

À ce sujet, l’article L. 312-12 exige désormais du prêteur qu’il délivre les informations « en temps utile ». Jusqu’alors le texte imposait seulement que l’information soit délivrée préalablement à la conclusion du contrat de crédit. Désormais il faudra non seulement que l’organisme prêteur délivre les informations dans un laps de temps qui soit suffisant pour permettre à l’emprunteur de comparer les différentes offres et d’appréhender l’étendue de son engagement. S’agissant d’un standard juridique, il sera vraisemblablement laissé à l’appréciation des juges du fond. Pour apprécier la bonne exécution du devoir d’information, les juges devront toutefois composer avec l’alinéa 4 ajouté par l’ordonnance. Ce dernier précise en effet que « lorsque ces informations sont fournies moins d’un jour avant que l’emprunteur soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur ou, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit envoie un rappel à l’emprunteur l’informant de la possibilité qu’il a de se rétracter du contrat de crédit et lui indiquant la procédure à suivre à cet effet ». L’accomplissement tardif du devoir d’information est donc implicitement admis, dans la limite d’un jour avant la date de conclusion du contrat, mais il est compensé par un nouveau devoir à la charge du prêteur, chargé de rappeler à l’emprunteur qu’il dispose d’un droit de rétractation.

C’est sans doute pour servir le même objectif d’effectivité du devoir d’information, que l’article L. 312-12 précise désormais que les informations délivrées doivent être « claires et compréhensibles ». Cette nouvelle exigence s’avère assez classique pour les contrats de consommation : l’objectif est d’éviter que le devoir d’information, pensé dans l’intérêt de son destinataire, ne se retourne contre lui en le submergeant d’éléments techniques. Son intérêt semble toutefois limité dans la mesure où le texte précise toujours que « la liste et le contenu des informations » sont fixés par un décret en Conseil d’État (on peut d’ailleurs regretter la densité de ces informations, v. en ce sens, J. Lasserre Capdeville, Nouvelle directive régissant les crédits à la consommation : les principales évolutions, JCP 2023. Doctr. 1293, spéc. n° 17).

Le reste des modifications visent à adapter les textes à l’utilisation de techniques de communication à distance. L’article L. 312-12 précise ainsi que la présentation des informations « tient compte des contraintes techniques du support au moyen duquel elles sont communiquées ». L’article L. 312-13 ajoute que « lorsqu’une offre de contrat est personnalisée au moyen d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit en informe l’emprunteur de manière claire et compréhensible ». L’information ne couvre donc pas seulement le contenu du contrat envisagé mais s’étend aux moyens mis en œuvre par le prêteur pour formuler son offre, lorsque sont en jeu les données personnelles de l’emprunteur.

Le consentement exprès

Sans grande surprise, le contrat de crédit à la consommation reste un contrat solennel. L’article 20, 1, de la directive enjoint en effet les États à exiger « que les contrats de crédit et toute modification de ces contrats soient établis sur papier ou sur un autre support durable et que toutes les parties contractantes reçoivent un exemplaire du contrat de crédit ». L’article L. 312-18 reprenant déjà en tous points ces exigences, il n’a pas été modifié par l’ordonnance. Les modifications apportées ciblent plutôt le consentement de l’emprunteur, dont le caractère exprès a été nettement renforcé. Ce renforcement est toutefois intervenu au moyen d’interdictions et d’exigences diverses, qui forment un ensemble peu lisible.

Un nouvel article L. 312-18-1, alinéa 1er, énonce tout d’abord que « l’octroi d’un crédit qui n’a pas fait l’objet d’une demande préalable ni d’un accord explicite de la part de l’emprunteur est interdit ». L’interdiction concerne des pratiques bien précises qualifiées de « préjudiciables » par le considérant 51 de la directive, comme le fait d’envoyer aux consommateurs des cartes de crédit préapprouvées non demandées ou d’introduire unilatéralement une nouvelle facilité de découvert. Dans chacune de ces hypothèses, le contrat est déjà ficelé et n’attend plus qu’une exécution spontanée de l’emprunteur, ce qui revient à supprimer au moins formellement la phase de consentement de ce dernier. Pour lutter contre ce phénomène, il est donc désormais exigé de l’emprunteur qu’il sollicite ou qu’il accepte préalablement l’octroi d’un crédit. Cela ne signifie pas toutefois que l’organisme prêteur ne pourra plus être à l’initiative du contrat. Le texte prohibe en effet « l’octroi » spontané d’un crédit. Cela ne signifie pas non plus que l’emprunteur devra systématiquement émettre une sorte de « pré » consentement, autorisant l’organisme prêteur à lui proposer un crédit. Seront simplement interdites les pratiques contractuelles qui consistent à excéder la formulation d’une offre précise et à mettre le consommateur face à un contrat « prêt à exécuter ».

Pour renforcer la protection, l’alinéa 2 du même texte précise que « le consentement de l’emprunteur à la conclusion de tout contrat de crédit ou à l’achat de services accessoires est exprimé par un accord exprès ». La formule est maladroite. Selon une approche rigoureuse, il n’est jamais question de « consentir à la conclusion » d’un contrat. La formule est toutefois justifiée par la nécessité de renforcer l’exigence vue précédemment : l’emprunteur doit être mis en situation de consentir au crédit avant même de l’exécuter. Comme le rappelle le considérant 49 de la directive, le consentement de l’emprunteur doit être « un acte positif clair par lequel le consommateur manifeste son accord de façon libre, spécifique, éclairée et univoque ». D’où l’exigence d’un accord exprès.

Partant, la précision apportée par l’alinéa 3 de l’article L. 312-18-1 est surprenante. Il énonce en effet qu’« il est interdit au prêteur et à l’intermédiaire de crédit de présupposer le consentement de l’emprunteur à la conclusion de tout contrat de crédit ou d’achat de services accessoires, lorsque ce contrat comporte des options prédéterminées, notamment au moyen de cases pré-cochées ». Mais si l’on en croit l’alinéa précédent, une telle prohibition n’est pas limitée aux contrats comprenant des options prédéterminées. Le fait d’exiger un consentement exprès revient nécessairement à prohiber toute « présupposition » du consentement. Il aurait été plus compréhensible de poser une règle directe d’interdiction sur le modèle de l’alinéa 1er. On aurait ainsi énoncé plus sobrement que « l’insertion d’options prédéterminées dans les offres de contrat, notamment au moyen de cases pré-cochées, est interdite ».

Les nouveautés dans la phase post contractuelle

La protection accordée à l’emprunteur s’étend à la période qui suit immédiatement la formation du contrat, afin de tenir compte de l’article 26, I, de la directive (UE) 2023/2225 du 18 octobre 2023 qui prévoit que « Les États membres veillent à ce que le consommateur puisse se rétracter dans le cadre d’un contrat de crédit sans donner de motif dans un délai de quatorze jours calendaires ». Le droit français permettait déjà à l’emprunteur de se rétracter, lui ménageant un véritable droit de regret.

L’ordonnance apporte toutefois des modifications au droit de rétractation proprement dit et surtout, à ses conséquences.

Le droit de rétractation

Comme l’énonce sobrement le Rapport remis au président de la République, « le droit de rétractation des emprunteurs est renforcé ». Les modifications opérées concernent tout d’abord le point de départ du délai de rétractation, qui sont désormais regroupées au sein d’une disposition unique. L’article L. 312-19 prévoit que le délai de rétractation, qui est de quatorze jours, court « à compter du jour où l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 312-28 est acceptée ». Si le délai de rétractation court donc en principe à compter du jour de l’acceptation, le point de départ glissant a été conservé. Le texte précise en effet que lorsque l’emprunteur reçoit les informations prévues à l’article L. 312-28 à une date postérieure à l’acceptation, le jour de réception des informations constitue le point de départ du délai. Cette exception a été conservée pour des raisons pragmatiques : si l’emprunteur ne dispose pas encore des informations susceptibles d’éclairer son consentement (en l’occurrence il s’agit de celles qui doivent obligatoirement figurer dans le contrat), il est illusoire de lui ménager un droit de rétractation.

On peut être plus critique à l’égard des ajouts auxquels procède l’ordonnance dans ce même article. Le point III de l’article précise en effet que « si l’emprunteur n’a pas reçu l’offre de contrat de crédit ni les informations prévues à l’article L. 312-28, le délai de rétractation expire en tout état de cause douze mois et quatorze jours après la conclusion du contrat de crédit ». L’affirmation est curieuse : si le consommateur n’a pas reçu l’offre, on voit mal comment il pourrait l’avoir valablement acceptée et partant, comment il pourrait être question de rétracter le consentement. Par ailleurs, et même s’il peut paraître redondant, il faut saluer l’ajout de la formule selon laquelle « le délai de rétractation n’expire pas si l’emprunteur n’a pas été informé de son droit de rétractation par le prêteur ». Dès lors que l’existence d’un droit de rétractation figure dans la liste des informations devant être délivrées par le prêteur et que le point de départ du délai court à compter du jour où ces informations ont été délivrées, il est bien normal que le délai de rétractation n’expire pas. En réalité, il n’a pas commencé à courir.

Il faut noter également que les articles L. 312-21 à L. 312-23 demeurent inchangés : le droit de rétractation intervient par un formulaire détachable qui est joint au contrat de crédit ; l’exercice du droit de rétractation ne peut pas donner lieu à enregistrement sur un fichier et l’emprunteur n’est plus tenu par le contrat de service accessoire au contrat de crédit en cas de rétractation.

Les articles L. 312-24 et suivants font toutefois l’objet de modifications, donc certaines sont assez critiquables. L’article L. 312-24 présente toujours la rétractation comme un moyen de dissocier le moment de formation du contrat de son moment de « perfection ». Il faut en effet rappeler que l’ouverture d’un droit de rétractation ne reporte pas la formation du contrat. Comme le note M. Revet « le contrat est bel et bien conclu dès l’acceptation de l’emprunteur, mais il peut être défait : son existence est précaire parce qu’elle est placée sous la menace d’une possible remise en cause unilatérale prochaine » (T. Revet, La prise d’effet du contrat, RDC 2004/1. 29). C’est bien cette idée que véhicule l’article L. 312-24 en énonçant que « le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que celui-ci n’ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit, dans un délai de sept jours ». Reste que, si cette distinction avait du sens lorsque les articles L. 312-24 et L. 132-25 suspendaient l’exécution du contrat durant sept jours – soit le délai nécessaire à la perfection du contrat –, elle n’en a plus maintenant qu’une telle exécution est admise.

Les effets du droit de rétractation

Désormais l’article L. 132-24 énonce que « la mise à disposition des fonds vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur », alors qu’il admettait autrefois une mise à disposition seulement au-delà de sept jours. L’article L. 132-25 prévoit en outre que l’emprunteur ne peut ni faire un paiement, ni recevoir un dépôt « avant l’acceptation du contrat par l’emprunteur », alors que cette même prohibition s’appliquait autrefois « pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur ».

En clair, l’exécution immédiate est possible en dépit de l’imperfection du contrat. Le maintien de la distinction entre la formation et la perfection n’a donc aucune utilité, d’autant que la formation définitive du contrat ne fait aucun doute : c’est bien à propos d’un « contrat accepté » que pourront avoir lieu la rétractation par l’emprunteur et l’agrément du prêteur.

Pour tenir compte de ces changements, l’ordonnance apporte des modifications au livre II du code de la consommation qui expose les règles générales relatives à la formation et à l’exécution des contrats. Exécution ou non, l’article L. 222-12 créé par l’ordonnance précise que l’exercice du droit de rétractation emporte résolution de plein droit du contrat de vente ou de prestation de services. Surtout, l’article L. 222-14 est abrogé. Jusqu’alors il prévoyait que « les contrats de crédit à la consommation prévus au chapitre II du titre Ier du livre III ne peuvent recevoir, même avec l’accord du consommateur, de commencement d’exécution durant les sept premiers jours (…) ». Cette suppression est donc la suite logique des modifications apportées à l’article L. 312-25. S’il est désormais possible de procéder à l’exécution du contrat imparfait, l’accord du consommateur est toutefois nécessaire. L’article L. 222-13 ajoute en effet que « les contrats pour lesquels s’applique le délai de rétractation défini à l’article L. 222-7 ne peuvent recevoir de commencement d’exécution par les parties avant l’arrivée du terme de ce délai sans l’accord du consommateur ». Il faut également réserver le cas du contrat conclu à distance.

L’ordonnance crée en effet un article L. 222-15-1 qui énonce que les dispositions générales précitées « ne s’appliquent pas au droit de rétractation en matière de contrats de crédit conclus à distance relevant du chapitre II du titre Ier du livre III ». Il faut enfin réserver le cas des opérations de regroupement de crédits, pour lesquelles l’exécution durant le délai de sept jours est expressément prohibée par un nouvel article L. 314-11-1.

L’article L. 312-26 règle toujours le sort du contrat exécuté en cas de rétractation de l’emprunteur (cette hypothèse se présentait déjà avant la réforme par ordonnance, car le délai de suspension de l’exécution était seulement de 7 jours à compter de la formation du contrat, pour un droit de rétractation de 14 jours). Si le texte maintient le principe selon lequel le prêteur n’a droit à aucune indemnité versée par l’emprunteur en cas de rétractation, il crée toutefois une exception pour les frais non récupérables payés par le prêteur à une administration publique. Dans ce cas l’indemnité est limitée au montant de ces frais.

 

Ord. n° 2025-880, 3 sept. 2025, JO 4 sept.

par Alexandra Bouscavert, Maître de conférences, Faculté de droit, économie et administration de Metz

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