Réforme du crédit à la consommation (partie 8 : les sanctions administratives favorisées)

Les sanctions administratives se sont considérablement accrues dans le nouveau droit du crédit à la consommation issu de l’ordonnance n° 2025-880 du 3 septembre 2025.

Le considérant 90 de la directive (UE) 2023/2225 pose un constat : « Les règles nationales actuelles en matière de sanctions varient considérablement dans l’Union ». Pour remédier à cette disparité et pour permettre l’application du règlement (UE) n° 2017/2394 (Règl. [UE] 2017/2394 du Parl. UE et du Conseil du 12 déc. 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règl. [CE] n° 2006/2004, JOUE 27 déc.) qui facilite la coopération des autorités nationales chargées de la consommation, le texte préconise alors de privilégier le recours à des amendes. Ce type de sanction, plus exportable en somme, déjà existant dans le droit du crédit à la consommation, va donc s’accroître dans le nouveau texte de transposition.

L’article 42 de la directive (UE) 2023/2225, reprenant cette idée dans son paragraphe 2, va alors indiquer : « Les États membres veillent à ce que, lorsque des sanctions doivent être imposées conformément à l’article 21 du règlement (UE) n° 2017/2394, elles comprennent la possibilité soit d’infliger des amendes au moyen de procédures administratives, soit d’engager des procédures judiciaires en vue d’infliger des amendes, ou les deux ». Les amendes sont donc ici privilégiées. Le texte semblant laisser le choix entre des amendes administratives ou des amendes pénales ou les deux.

Notre législateur national avait par le passé souvent fait le choix de la pénalisation du droit de la consommation, montrant ainsi la place de la défense des consommateurs en tant qu’intérêt supérieur. Dans les autres États membres, le recours au droit pénal a souvent été moindre dans ce domaine. Cela s’explique sans doute par les difficultés que connaît le ministère public pour diligenter ce type de poursuites. Les dispositions pénales rendent également plus difficile l’application des règles dans un contexte transnational notamment du fait de la territorialité de la loi pénale. On se heurte ici à l’objectif, pourtant essentiel de la directive, qui est d’accroître la circulation des services de crédit transfrontières.

La faveur des sanctions administratives

Le texte de transposition va alors largement favoriser les sanctions administratives sous forme d’amendes. On assiste par ailleurs depuis la loi Hamon du 17 mars 2014 (Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO 18 mars), à une multiplication de ce type de sanctions dans notre droit de la consommation, les missions des agents chargés de ce secteur s’étant considérablement développées (v. C. consom., livre V portant sur les pouvoirs d’enquête et suites données aux contrôles, art. L. 511-1 à L. 541-3). Reste à savoir si ces sanctions administratives seront plus efficaces pour faire appliquer les obligations du prêteur. Si une démultiplication des contrôles dans ce domaine semble peu envisageable du fait des moyens limités de notre administration de la concurrence et de la consommation, il n’en reste pas moins que ces sanctions sont sans doute dissuasives et pourront donner lieu à des injonctions de la part de cette administration au cas par cas, sans aller toujours jusqu’à la sanction d’ailleurs. La formule utilisée par le code de la consommation est la même à chaque occurrence : « le manquement est passible d’une amende administrative ». On note la différence avec la sanction pénale où les textes prévoient que le fait est puni d’une amende de X €. Les formules n’ont donc la même impérativité. Une des difficultés sera également le morcellement du contentieux puisque les contestations seront portées devant le juge administratif.

De nombreux cas d’irrégularités formelles, que nous avons déjà rencontrés sur le terrain des sanctions civiles (v. la partie précédente,  A.-M. de Matos, Réforme du crédit à la consommation [partie 7 : les sanctions civiles renouvelées], Dalloz actualité, 30 sept. 2025) et donnant généralement lieu à la déchéance du droit aux intérêts au profit du consommateur, se doublent ainsi d’amendes à l’égard du prêteur sur le terrain administratif (C. consom., art. L. 341-1-1, L. 341-12, L. 341-16, L. 341-17, L. 341-19 et L. 341-20). Quelques exemples : irrégularités sur la fiche d’information de l’article L. 312-2, formulaire de rétractation défaillant (art. L. 312-21), irrégularités dans la notice d’assurance (art. L. 312-29), méconnaissance du formalisme permettant l’information en matière de crédit renouvelable (art. L. 312-64 à L. 312-66).

Dans ces cas l’amende est alors de 1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale. Ce montant est doublé en cas de réitération du manquement dans les deux ans de la décision devenue définitive.

Quelques nouveaux cas apparaissent cependant avec l’ordonnance de transposition. Sans être exhaustif, on peut citer deux exemples :

  • l’article L. 341-1-1 du code de la consommation vient ainsi imposer sous peine de sanction administrative le respect de l’article L. 312-13 qui impose une obligation d’information de l’emprunteur lorsqu’une offre de contrat est personnalisée au moyen d’un traitement automatisé de données à caractère personnel ;
  • l’article L. 341-12 du code de la consommation sanctionne également le non-respect de la remise de la recommandation personnalisée issu du service de conseil en matière de contrats de crédit du prêteur ou de l’intermédiaire de crédit (C. consom., nouv. art. L. 312-15-1).

Avec ces nouveaux cas, ce ne sont pas moins d’une trentaine d’hypothèses qui peuvent donner lieu à ces amendes administratives qui sont les plus faibles de la gradation prévue par le code de la consommation.

L’amende administrative peut en effet être plus conséquente. Elle est possible en application de l’article L. 341-13 qui prévoit que « le service de conseil indépendant ne peut en aucun cas donner lieu à une rémunération, sous quelque forme que ce soit, de la part d’un prêteur ou d’un intermédiaire de crédit ». En cas de violation de cette règle la somme prévue au titre de sanction administrative est de 15 000 € pour les personnes physiques et 75 000 € pour les personnes morales.

Enfin, certaines infractions pénales ont changé de nature avec la transposition de la directive et sont désormais passibles de sanctions administratives. C’est ici que le changement est le plus fort puisque c’est la nature même de la sanction qui est remise en cause.

C’est le cas pour l’article L. 341-9 du code de la consommation qui est profondément modifié. Le fait en cause est la violation de l’obligation posée par l’article L. 314-5 qui impose de mentionner le taux effectif global exprimé avec une précision d’au moins une décimale. Avant la transposition, toute violation de l’article L. 314-5 conduit à une amende pénale de 150 000 € à laquelle s’ajoute une peine complémentaire d’interdiction d’exercice conformément à l’article 131-37 du code pénal. Après l’entrée en vigueur du texte de l’ordonnance de transposition, la sanction devient une amende administrative de 150 000 € pour une personne physique et de 750 000 € pour une personne morale. Le maximum de cette amende est doublé en cas de réitération dans le délai de deux ans de la décision devenue définitive.

Le montant maximum pour ces amendes administratives dans le nouveau texte issu de la transposition est de 300 000 € pour les personnes physiques et de 1 500 000 € pour les personnes morales, montant qui peut être doublé également en cas de réitération. Ces amendes portent sur des faits qui donnent lieu avant la transposition à des sanctions pénales. Leur changement de nature est ici notable.

C’est le cas pour les cinq infractions pénales avant la transposition punies aujourd’hui d’une amende de 300 000 €. Ces mêmes faits sont maintenant repris dans l’article L. 341-15 et encourent la sanction administrative maximale.

Voici les cinq faits en question :

  • le fait de percevoir des sommes soit avant l’acceptation de l’offre par l’emprunteur d’un contrat de crédit à la consommation, d’un contrat de crédit affecté ou d’un contrat de regroupement de crédits (art. L. 341-12 actuel) ;
     
  • le fait de faire signer une autorisation de prélèvements contenant des clauses contraires au régime du crédit à la consommation, du crédit affecté ou regroupement de crédits (art. L. 341-13 actuel) ;
     
  • le fait de faire souscrire ou accepter ou avaliser par l’emprunteur ou l’acheteur des lettres de change ou des billets à ordre (art. L. 341-14 actuel) ;
     
  • le fait d’enregistrer ou faire enregistrer sur un fichier, le nom des personnes faisant usage de leur droit de rétractation (art. L. 341-15 actuel) ;
     
  • le fait de faire signer par un même client une ou plusieurs offres de contrat de crédit d’un montant total en capital supérieur à la valeur du bien acheté ou de la prestation de service fournie (art. L. 341-16 actuel).

À ces cinq cas de l’article L. 341-15 nouveau, il faut ajouter deux autres cas passibles de la sanction administrative maximale.

Il s’agit de l’octroi d’un crédit sans demande préalable ni accord explicite de l’emprunteur, sanctionné après transposition par l’article L. 341-14 du code de la consommation. Dans ce cas, le texte prévoit même que le montant de l’amende peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel. En cela, on prend en compte ici le gain obtenu par le professionnel pour déterminer l’amende qu’il encourt. Là encore, c’est une innovation notable.

Enfin, le dernier cas à relever pour les sanctions administratives maximales, est l’hypothèse de la non-restitution des sommes déjà payées au vendeur ou au prestataire de services en cas de résolution du contrat principal  (art. L. 341-17 actuel prévoyant la sanction pénale devenant l’art. L. 341-18 après transposition).

Ces sanctions administratives se multiplient donc dans ce titre IV sur les sanctions après transposition de la directive (UE) 2023/2225. De nombreuses sanctions pénales ont été modifiées dans leur nature pour entrer dans cette catégorie. Il y a une dépénalisation à l’œuvre dans le domaine du crédit à la consommation. Mais loin s’en faut pour considérer qu’il y a un allègement des sanctions. Certes, les sanctions administratives infligées à l’avenir n’ont pas le caractère infamant de la sanction pénale mais elles sont économiquement redoutables lorsqu’elles sont appliquées. La question de leur efficacité réside donc dans les capacités de poursuite de notre administration et dans la volonté qu’elle manifestera pour faire respecter les règles issues de la transposition de la nouvelle directive. Il ne faut pas nier que le manque de moyens de l’administration pourra jouer sur l’efficacité de ces nouvelles sanctions. Or, nous l’avons dit ces sanctions doivent être pour le droit de l’Union européenne effectives, proportionnées et dissuasives. Il faudra regarder avec attention si ces caractéristiques existent bel et bien dans la nouvelle mise en œuvre de ces textes.

Pour autant, les sanctions pénales ont-elles totalement déserté le domaine du crédit aux consommateurs ? Pas tout à fait.

La discrétion nuancée des sanctions pénales

Les seules sanctions pénales qui restent dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation sont celles qui n’ont pas été affectées par la transposition de la directive et se retrouvent donc aux articles L. 341-50 et L. 341-52 du code de la consommation.

Il s’agit d’abord de sanctionner le fait de consentir un prêt usuraire ou apporter son concours à l’obtention ou l’octroi d’un tel prêt. Dans ce cas, l’article L. 341-50 du code de la consommation prévoit une amende pénale de 300 000 € et deux ans d’emprisonnement. Cette disposition n’est pas propre au contrat de crédit à la consommation mais s’applique à tout contrat de crédit à un consommateur dans lequel est stipulé un taux d’intérêt.

Enfin, l’article L. 341-52 du code de la consommation prévoit une amende pénale de 300 000 € pour celui qui rémunèrerait le responsable de la vérification de la solvabilité ou le personnel fournissant des services de conseil en violation de l’article L. 314-23 du code de la consommation. La rémunération ne peut par exemple pas dépendre du nombre des demandes acceptées.

Ces sanctions pénales sont désormais réduites au maximum et ne se conçoivent que pour des situations particulièrement graves qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement spécifiques au crédit à la consommation.

Avec l’ordonnance du 3 septembre 2025 transposant la directive crédit aux consommateurs on assiste donc à un renouveau assez profond des sanctions afférentes à ce type de contrat.

 

Ord. n° 2025-880, 3 sept. 2025, JO 4 sept.

par Anne-Marie de Matos, Maître de conférences – Aix-Marseille Université

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