Refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction : droit au maintien dans les lieux !
Le juge ne peut réduire les dommages et intérêts alloués au locataire en réparation du préjudice causé par les manquements du bailleur au motif qu’il est occupant sans droit ni titre par l’effet du congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction.
Le commentateur ne peut qu’être, si on lui permet ce mot, abasourdi par la motivation de la cour d’appel qui, en présence d’un preneur faisant l’objet d’un refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction et réclamait en sus des dommages et intérêts pour une grave atteinte portée par le bailleur à ses droits, a retenu que le préjudice subi était limité à la fin du bail au motif « que par l’effet du congé et de la résiliation du bail [à une certaine date], Madame X. est depuis lors occupante sans droit ni titre et ne peut plus prétendre depuis cette date aux droits qu’elle tirait de l’acte de bail modifié. »
Préjudice complémentaire
La jurisprudence, en application de l’article L. 145-28 du code de commerce, a en effet admis à plusieurs reprises un préjudice complémentaire indépendant du montant de l’indemnité d’éviction chaque fois qu’il était démontré que le bailleur était fautif quand il ne respectait pas le droit au maintien dans les lieux (Civ. 3e, 18 févr. 2014, n° 12-28.677, AJDI 2014. 698
, obs. D. Lipman-W. Boccara
; Rev. loyers 2014. 287 obs. H. Chaoui ; 30 nov. 2017, n° 16-17.686, D. 2017. 2476
; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero
; 27 févr. 2020, n° 18-24.986, AJDI 2020. 759
, obs. D. Lipman-W. Boccara
; JCP E 2018. 1093, note B. Brignon, obs. N. Fricero ; 28 nov. 2019, n° 18-18.862 ; 25 janv. 2023, n° 21-19.089, Dalloz actualité, 13 févr. 2023, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; D. 2023. 174
; AJDI 2023. 345
, obs. J.-P. Blatter
; Administrer 2023. 36 obs. S. Guillaume ; Loyers et copr. 2023, n° 62, obs. É. Marcet).
En l’occurrence, il suffit de rappeler le texte parfaitement clair de l’article L. 145-28, alinéa 1er, du code de commerce : « Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue : jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré […] ».
C’est ainsi que le preneur doit pendant le cours du maintien dans les lieux continuer de régler le loyer devenu indemnité d’occupation à titre provisionnel jusqu’à une éventuelle fixation judiciaire.
De même et de son côté, le bailleur doit assurer au preneur un maintien dans les lieux conforme aux clauses du bail, c’est-à-dire, lui assurer sa présence en respectant son obligation de délivrance, procéder à tous travaux qui peuvent être à sa charge comme des travaux de toiture qui sans leur réalisation pourraient empêcher le preneur d’exercer son activité, lui interdire l’accès au locaux ou exercer des pressions de toutes natures sur le preneur ou sur son activité rendant difficile l’exercice entier du droit au maintien, lequel définitivement ne peut pas être déclaré occupant « sans droit ni titre ».
Conseil pratique
Les praticiens doivent informer leurs clients, qu’ils soient bailleurs ou preneurs, que l’un et l’autre doivent maintenir leurs obligations et devoirs, conformément au bail qui les avait unis lequel, même expiré, doit être respecté pendant le maintien dans les lieux, à défaut de quoi pour le preneur une possible perte de son droit à indemnité d’éviction et pour le bailleur une aggravation de ses obligations financières à l’égard de son preneur par des dommages-intérêts/préjudice complémentaire au-delà du simple calcul de l’indemnité d’éviction et sans qu’il soit fait de confusion entre le trouble commercial, indemnité accessoire de l’indemnité d’éviction telle que visée à l’article L. 145-14 du code de commerce et le préjudice ayant pour cause l’irrespect par le bailleur de ses obligations.
Civ. 3e, 16 mai 2024, F-D, n° 22-22.906
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