Règles de vote de la mise en conformité des statuts de l’association syndicale libre

La mise en conformité des statuts d’une association syndicale libre doit respecter les règles relatives aux modalités de vote contenues dans les statuts d’origine.

Une obligation légale de mise en conformité

L’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 (ratifiée par la loi n° 2004-1343 du 9 déc. 2004) impose à l’ensemble des associations syndicales, dont les associations syndicales libres (ASL), la mise à jour de leurs statuts pour être conformes aux dispositions qu’elle contient.

Cette ordonnance avec son décret d’application n° 2006-504 du 3 mai 2006 a permis de définir un nouveau cadre légal pour les associations syndicales de propriétaires qui, jusqu’alors, étaient soumises à diverses dispositions éparses dont celles de la loi du 21 juin 1865 s’agissant plus particulièrement des ASL.

Or, l’ordonnance de 2004 (art. 60) précisait que la mise à jour des statuts devait être accomplie avant le 5 mai 2008 (soit 2 ans après la publication du décr. d’application n° 2006-504 du 3 mai 2006, JO 5 mai).

À défaut de mise à jour de ses statuts dans le délai imparti, l’existence de l’ASL n’était pas remise en cause mais elle perdait sa capacité à agir en justice postérieurement à cette date ce qui rendait toute action en justice irrecevable (v. par ex., Civ. 3e, 11 sept. 2013, n° 12-22.351, Dalloz actualité, 5 nov. 2013, obs. C. Dreveau ; AJDI 2014. 209 , obs. C. Sabatié ).

Toutefois, la Cour de cassation avait admis que la régularisation des statuts était possible même après l’expiration du délai susmentionné (Civ. 3e, QPC, 13 févr. 2014, n° 13-22.383, Dalloz actualité, 20 févr. 2014, obs. Y. Rouquet ; AJDA 2014. 890 ; D. 2014. 1000, chron. A.-L. Collomp, A. Pic, V. Georget et V. Guillaudier ).

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite « ALUR » a également assuré un rattrapage par les dispositions contenues en son article 59, IV, lequel modifie l’article 60 de l’ordonnance de 2004 en précisant que « par dérogation au deuxième alinéa, les associations syndicales libres régies par le titre II de la présente ordonnance, qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l’article 5 de la présente ordonnance dès la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sans toutefois que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée ».

Les ASL qui ont tardé à mettre leurs statuts en conformité avec l’ordonnance du 1er juillet 2004 ont ainsi retrouvé leur capacité d’ester en justice à compter du 27 mars 2014.

En outre, tant la Cour de cassation que le Conseil d’État ont considéré que le défaut de conformité des statuts d’une ASL avec les dispositions du 1er juillet 2004 est régularisable en cours d’instance (Civ. 3e, 5 nov. 2014, n° 13-21.014, Dalloz actualité, 13 nov. 2014, obs. Y. Rouquet ; CE 24 févr. 2021, n° 432417, Lebon ; AJDA 2021. 481 ).

De telle sorte que les ASL ont une obligation légale de mise en conformité de leurs statuts.

La primauté des statuts d’origine

Par l’arrêt sous étude, la Cour de cassation vient préciser que cette mise en conformité des statuts doit se faire selon les règles statutaires d’origine.

En l’espèce, une ASL a fait assigner une SCI propriétaire de lots au sein de celle-ci en règlement de charges impayées.

La SCI, qui a été condamnée au règlement de ces charges en première instance, a fait valoir devant la Cour d’appel de Paris entre autres moyens que les statuts de l’ASL n’avaient pas été respectés lors du vote ayant entériné la mise en conformité des statuts avec les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004.

La SCI impécunieuse reprochait précisément à la Cour d’appel de Paris de n’avoir pas jugé nulle la résolution n° 10 de l’assemblée générale du 20 novembre 2015 ayant entériné la modification des statuts alors qu’elle avait été votée à la majorité simple contrairement aux dispositions des statuts initiaux en vigueur au moment du vote qui prévoyaient un système de double majorité, c’est-à-dire, un vote à la moitié des membres représentant les trois quarts des voix de l’association au moins.

Le quorum fixé dans les statuts initiaux n’avait ainsi pas été respecté pour le vote de mise en conformité des statuts.

La Cour d’appel de Paris a toutefois considéré que la mise en conformité des statuts était une obligation légale dont l’ASL ne pouvait s’exonérer au motif de l’absence d’une partie de ses membres pour respecter le quorum.

C’est cette motivation qui a été critiquée par la SCI débitrice dans le cadre de son pourvoi.

La Haute cour censure cet arrêt sur le fondement notamment de l’article 1134 devenu 1103 du code civil et elle rappelle que les modalités de votes fixées par les statuts initiaux de l’ASL doivent être respectés quand bien même il s’agirait d’un vote permettant de respecter une obligation légale de mise en conformité des statuts.

La Cour de cassation assure ainsi la primauté des règles statutaires sur l’obligation légale de mise en conformité.

C’est une solution logique au regard de l’article 1103 du code civil dans la mesure où l’ASL est avant tout un contrat entre l’ensemble des propriétaires qui en sont membres ; raison pour laquelle l’unanimité est requise lors de sa création (Ord. n° 2004-632 du 1er juill. 2004, art. 7 ; Loi du 21 juin 1865, anc. art. 5).

Les parties ayant été renvoyées après cassation devant une nouvelle cour d’appel, l’ASL créancière doit rapidement ratifier les nouveaux statuts en respectant le quorum des anciens statuts pour s’assurer que son action ne soit pas jugée irrecevable pour défaut de capacité à agir.

Cette jurisprudence peut être particulièrement difficile pour les ASL qui n’ont pas prévu de dispositions spécifiques pour modifier leurs statuts.

En effet, à défaut de disposition spécifique contenue dans les statuts, le parallélisme des formes impose logiquement que la modification des statuts soit soumise à l’accord unanime de ses membres (Loi du 21 juin 1865, art. 5, repris par l’art. 7 de l’ord. n° 2004-632 du 1er juill. 2004).

En conséquence, il y a un risque important pour ces ASL n’ayant prévu aucun quorum pour le vote de la modification de leurs statuts d’être bloquées dans leur action judiciaire ou administrative par le refus d’un coloti de les entériner.

Il y a là peut-être une faille pour le coloti en défaut de paiement qui voudrait éviter des actions judiciaires à son encontre… faille qui impliquera des actions en abus de minorité et alourdira conséquemment le contentieux.

 

Civ. 3e, 25 avr. 2024, FS-B, n° 22-20.174

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